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Cirque & Rue

Atelier 29… quel cirque !

"Atelier 29", Espace Chapiteaux, La Villette, Paris

La Villette est encore et toujours en fête avec le cirque grâce au CNAC (Centre National des Arts du Cirque). Les artistes circassiens nous entraînent dans un royaume au-delà de l'acrobatie où se joue contre la gravité une espièglerie sans failles.



© Christophe Raynaud de Lage.
© Christophe Raynaud de Lage.
C'est difficile de le croire au sortir du spectacle mais c'est le travail de la fin d'un apprentissage. Les élèves sont en dernière année et de toutes les nationalités. Et ce qu'ils proposent est très bien agencé en moments théâtraux qui donnent à la représentation une dynamique et un visage à multiples reflets.

La scénographie est superbe car elle découpe la scène en différentes "places" avec des numéros qui se font en parallèle souvent ou de façon séquentielle parfois. Nous sommes dans un rythme bousculé avec des éléments qui le sont aussi, telle cette planche de bois suspendue et sur laquelle des jeux de déséquilibre se font. On joue avec soi-même, avec son art et avec l'autre. Il y a une forme d'espièglerie dans l'exécution des exercices à terre. Le silence est le royaume des airs et a pour seul langage le corps.

Le regard du spectateur est ainsi amené à devoir balayer assez souvent l'ensemble de la scène circulaire. Des numéros aériens sont ainsi secondés au même moment par ceux au sol. Au-delà du confort cervical que cela procure au spectateur, il y a ainsi deux axes de jeu, en rien antinomiques mais différents dans leurs périmètres respectifs. Les airs sont compléments de la terre où la gravité, dans les deux cas, est suspendue autour de lanières d'un côté ou d'accessoires de l'autre.

© Christophe Raynaud de Lage.
© Christophe Raynaud de Lage.
La musique est présente avec, entre autres, une contrebasse et une guitare. La représentation est d'une grande variété scénique. Les séquences s'enchaînent autour d'acrobaties en vélo, en hauteur, au sol ou avec une roue Cyr. C'est aussi autour de cordes que dans les airs sont exécutés des mouvements en hélice. Une porte jaune "sépare" les coulisses du plateau, frontière très virtuelle où les "coulisses" sont au vu et au su de tous.

Les déplacements opèrent une véritable dynamique de jeu où les courses, les arrêts, les rencontres donnent au spectacle un continuel déplacement dans lequel les artistes semblent être toujours en rotation, parfois à l'ombre ou en pleine lumière, souvent dans un jeu d'équilibre-déséquilibre dans lequel le partenaire, même s'il n'est pas directement impliqué, y participe par sa présence sur piste. Comme des personnages principaux et secondaires d'une pièce de théâtre. À tour de rôle, les artistes se prêtent au jeu du coryphée, du protagoniste ou du chœur.

Tout est mouvement ou presque. Soit il est chez l'artiste, soit c'est le sol qui se meut avec ici un long plateau dans les airs qui bouge. Ainsi, ce déséquilibre tant recherché pour atteindre l'équilibre devient un passage obligé où les membres supérieurs et inférieurs jouent de leur complémentarité. On est ainsi dans des exercices où les genoux, les jambes, le torse, les bras deviennent à tour de rôle un élément qui joue de son poids et de sa gravité. Même quand le sol semble fixe, celui-ci bouge, même quand les éléments semblent tomber, ceux-là se rattrapent par des mouvements inverses.

Ce qui fait la trame de la représentation est cette kyrielle de scènes qui apportent un souffle autre, un parfum, une couleur différente à chaque fois. La gamme chromatique varie ainsi tout au long du spectacle et dans un même numéro, la surprise est encore au rendez-vous soit par la scénographie, soit par le jeu, soit par la mise en piste qui fait de chaque interprète un personnage aussi proche du théâtre que du cirque.

"Atelier 29"

© Christophe Raynaud de Lage.
© Christophe Raynaud de Lage.
Centre National des Arts du Cirque.
Spectacle de fin d'études de la 29e promotion.
En collaboration avec l'ENSATT.
Mise en scène : Mathurin Bolze.
Collaboration artistique : Marion Floras.
Avec les étudiants du CNAC : Antonin Bailles (mât chinois), Inbal Ben Haim (corde), Fraser Borwick (sangles), Corentin Diana (acrobatie), Leonardo Duarte Ferreira (mât chinois), Anja Eberhart (équilibre sur cycle), Tommy Edwin Entresangle Dagour (cercle), Joana Nicioli (mât chinois), Thomas Pavon (acrobatie dans le mouvement), Noora Petronella Pasanen (corde), Angel Paul Ramos Hernandez (corde volante), Silvana Sanchirico (tissus), Emma Verbeke (sangles).
Scénographie : Camille Davy, Anna Panziera (ENSATT) et Goury.
Création lumière : Clément Soumy (ENSATT), accompagné par Jérémie Cusenier.
Création son : Robert Benz (ENSATT), accompagné par Philippe Foch et Jérôme Fèvre.
Création costumes : Gabrielle Marty (ENSATT) et Sofia Bencherif (ENSATT) accompagnées par Fabrice Ilia Leroy.
Production 2017 Centre national des arts du cirque/Cie les mains, les pieds et la tête aussi (MPTA).
Durée 1 h 20.

© Christophe Raynaud de Lage.
© Christophe Raynaud de Lage.
Du 19 janvier au 11 février 2018.
Du mercredi au samedi à 20 h, dimanche à 17 h.
Espace Chapiteaux, Parc de La Villette, Paris 19e, 01 40 03 75 75
>> lavillette.com

Tournée
21, 22 et 23 février 2018 : Le Safran, Scène conventionnée d'Amiens Métropole et le Pôle national Cirque et Arts de la rue d'Amiens, Amiens (80).
3, 4 et 5 mars 2018 : Le Manège- scène nationale (spectacle présenté dans le cirque), Reims (51).
27, 28, 29 et 30 mars 2018 : Théâtre municipal, Charleville-Mézières (08).

Atelier 29… quel cirque !

Safidin Alouache
Jeudi 1 Février 2018

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À découvrir

"Le Chef-d'œuvre Inconnu" Histoire fascinante transcendée par le théâtre et le génie d'une comédienne

À Paris, près du quai des Grands-Augustins, au début du XVIIe siècle, trois peintres devisent sur leur art. L'un est un jeune inconnu promis à la gloire : Nicolas Poussin. Le deuxième, Franz Porbus, portraitiste du roi Henri IV, est dans la plénitude de son talent et au faîte de sa renommée. Le troisième, le vieux Maître Frenhofer, personnage imaginé par Balzac, a côtoyé les plus grands maîtres et assimilé leurs leçons. Il met la dernière main dans le plus grand secret à un mystérieux "chef-d'œuvre".

© Jean-François Delon.
Il faudra que Gilette, la compagne de Poussin, en qui Frenhofer espère trouver le modèle idéal, soit admise dans l'atelier du peintre, pour que Porbus et Poussin découvrent le tableau dont Frenhofer gardait jalousement le secret et sur lequel il travaille depuis 10 ans. Cette découverte les plongera dans la stupéfaction !

Quelle autre salle de spectacle aurait pu accueillir avec autant de justesse cette adaptation théâtrale de la célèbre nouvelle de Balzac ? Une petite salle grande comme un mouchoir de poche, chaleureuse et hospitalière malgré ses murs tout en pierres, bien connue des férus(es) de théâtre et nichée au cœur du Marais ?

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Pour peu que l'on foule de temps en temps les planches des théâtres en tant que comédiens(nes) amateurs(es), on saura doublement jauger à quel point jouer est un métier hors du commun !
C'est une grande leçon de théâtre que nous propose là la Compagnie de la Rencontre, et surtout Catherine Aymerie. Une très grande leçon !

Brigitte Corrigou
06/03/2024
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"L'Effet Papillon" Se laisser emporter au fil d'un simple vol de papillon pour une fascinante expérience

Vous pensez que vos choix sont libres ? Que vos pensées sont bien gardées dans votre esprit ? Que vous êtes éventuellement imprévisibles ? Et si ce n'était pas le cas ? Et si tout partait de vous… Ouvrez bien grands les yeux et vivez pleinement l'expérience de l'Effet Papillon !

© Pics.
Vous avez certainement entendu parler de "l'effet papillon", expression inventée par le mathématicien-météorologue Edward Lorenz, inventeur de la théorie du chaos, à partir d'un phénomène découvert en 1961. Ce phénomène insinue qu'il suffit de modifier de façon infime un paramètre dans un modèle météo pour que celui-ci s'amplifie progressivement et provoque, à long terme, des changements colossaux.

Par extension, l'expression sous-entend que les moindres petits événements peuvent déterminer des phénomènes qui paraissent imprévisibles et incontrôlables ou qu'une infime modification des conditions initiales peut engendrer rapidement des effets importants. Ainsi, les battements d'ailes d'un papillon au Brésil peuvent engendrer une tornade au Mexique ou au Texas !

C'est à partir de cette théorie que le mentaliste Taha Mansour nous invite à nouveau, en cette rentrée, à effectuer un voyage hors du commun. Son spectacle a reçu un succès notoire au Sham's Théâtre lors du Festival d'Avignon cet été dernier.

Impossible que quiconque sorte "indemne" de cette phénoménale prestation, ni que nos certitudes sur "le monde comme il va", et surtout sur nous-mêmes, ne soient bousculées, chamboulées, contrariées.

"Le mystérieux est le plus beau sentiment que l'on peut ressentir", Albert Einstein. Et si le plus beau spectacle de mentalisme du moment, en cette rentrée parisienne, c'était celui-là ? Car Tahar Mansour y est fascinant à plusieurs niveaux, lui qui voulait devenir ingénieur, pour qui "Centrale" n'a aucun secret, mais qui, pourtant, a toujours eu une âme d'artiste bien ancrée au fond de lui. Le secret de ce spectacle exceptionnel et époustouflant serait-il là, niché au cœur du rationnel et de la poésie ?

Brigitte Corrigou
08/09/2023
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© Christel Billault.
Ordonné, pratique, méthodique, il organise l'extermination des marginaux et des Juifs comme un gestionnaire. Point. Il aurait été, comme son sous-fifre Adolf Eichmann, le type même décrit par Hannah Arendt comme étant la "banalité du mal". Mais Himmler échappa à son procès en se donnant la mort. Parfois, rien n'est plus monstrueux que la banalité, l'ordre, la médiocrité.

Malgré la pâleur de leur personnalité, les noms de ces âmes de fonctionnaires sont gravés dans notre mémoire collective comme l'incarnation du Mal et de l'inimaginable, quand d'autres noms - dont les actes furent éblouissants d'humanité - restent dans l'ombre. Parmi eux, Oskar Schindler et sa liste ont été sauvés de l'oubli grâce au film de Steven Spielberg, mais également par la distinction qui lui a été faite d'être reconnu "Juste parmi les nations". D'autres n'ont eu aucune de ces deux chances. Ainsi, le héros de cette pièce, Félix Kersten, oublié.

Joseph Kessel lui consacra pourtant un livre, "Les Mains du miracle", et, aujourd'hui, Antoine Nouel, l'auteur de la pièce, l'incarne dans la pièce qu'il a également mise en scène. C'est un investissement total que ce comédien a mis dans ce projet pour sortir des nimbes le visage étonnant de ce personnage de l'Histoire qui, par son action, a fait libérer près de 100 000 victimes du régime nazi. Des chiffres qui font tourner la tête, mais il est le résultat d'une volonté patiente qui, durant des années, négocia la vie contre le don.

Bruno Fougniès
15/10/2023