La Revue du Spectacle, le magazine des arts de la scène et du spectacle vivant. Infos théâtre, chanson, café-théâtre, cirque, arts de la rue, agenda, CD, etc.



Augmenter la taille du texte
Diminuer la taille du texte
Partager
Cirque & Rue

"Résiste" Dompter le fil instable dans une forme de résistance à la chute, comme une quête d'une nouvelle liberté à venir

Résister au fil, innover, sortir du langage "classique" du funambulisme, de ses codes mille fois réécrits et pratiqués, souvent avec talent et virtuosité, libérer l'acrobate évoluant sur cette corde hautement et hardiment tendue pour découvrir et composer une nouvelle musique orchestrant cette déambulation de l'équilibre, jouant en solitaire des notes la tête dans les nuages. Apporter la grâce, l'imagination, le rêve, le tout exprimé, couché sur une partition féminine… Celle de Johanne Humblet.



© Kalimba.
© Kalimba.
Dans une démarche souhaitant sortir le funambulisme - cette acrobatie aérienne de l'équilibre - de la pure pratique performative solitaire, spécialité incluse dans les arts du cirque demandant, comme beaucoup d'autres, un entraînement rigoureux, régulier, des exercices quotidiens, Johanne Humblet explore au fil de ses créations de nouveaux territoires visant tant une approche novatrice du rapport "stabilité fragilité" que l'expression d'un propos féministe, parfois rageur, revendicatif, volontairement décalé dans la performance physique, mais toujours libérateur et énergique, dynamique, que l'on retrouve aussi dans les compositions musicales électro blues et le chant éruptif de Violette Legrand du duo Deadwood qui créent l'univers sonore singulier du spectacle.

Dans sa représentation, souvent, la prise de risque proposée pour faire battre le cœur du spectateur émane de la hauteur plus ou moins importante de la corde tendue et des gammes de jeux de déséquilibres exprimées, orchestrées, mises en scène par l'acrobate déambulant sur celle-ci. Grâce, entre autres, à une nouvelle structure innovante, nous pouvons également parler de performance et de dextérité technique. De nombreuses prouesses s’enchaînent, à grande hauteur avec un travail de funambule, à moins grande hauteur avec un travail de fildefériste, sur fil incliné (une première !) avec la maestria de l'acrobate.

© Kalimba.
© Kalimba.
Cette discipline, si elle peut être saisissante, est relativement codifiée. C'est ici, dans ce champ des possibles - l'existence même de codification incite à la rupture avec celle-ci -, qu'intervient Johanne Humblet, explorant dans son travail technique et ses recherches artistiques de nouvelles limites… Dont le "Fil Instable"… Une nouvelle structure, un nouvel agrès, un nouveau partenaire... Un fil mobile, pouvant varier de hauteur, s'inclinant, offrant toute une multitude de jeux, passant d'un fil bas à un fil à grande hauteur, un fil qui devient… acteur ! En résistance aux caprices d'un fil ayant pris sa liberté et agissant, se mouvant comme un protagoniste à part entière.

Levant les yeux au ciel, hypnotisé par cet être gracile, mais transpirant pourtant la virtuosité acrobatique, déterminé à parcourir le chemin filaire, envouté aussi par la musique aux phrasés vibrants d'un rock parvenant à remplir de ses notes étoilées la nuit noire, le public suit la performance singulière, sortant des pratiques habituelles du funambulisme, de Johanne Humblet.

"Résiste", "Révolte" (prévue vers septembre 2023) et "Respire", sont un triptyque sur le fil et sur l'art du funambule impulsé, porté par Johanne Humblet et la Cie Les filles du renard pâle. Circassienne formée à l'Académie Fratellini, elle a créé la compagnie avec Virginie Fremaux en août 2016 à Châlons-en-Champagne. Les projets artistiques des "filles du renard pâle" sont portés par Johanne, directrice artistique, qui réalise différentes formes de "Performances Funambules".

Toutes les rencontres et expériences diverses sur le fil lui ont donné envie d'aller plus loin dans ses recherches. Son travail et sa démarche artistique s'inscrivent dans le dépassement de soi, dans la recherche de ses limites et dans la capacité à les repousser. Toutes les créations sont accompagnées par de la musique en live. Le spectacle "Résiste" existe deux versions : salle et rue. La dernière formule est souvent programmée dans le cadre de festivals des arts de la rue.

Alors, la tête dans les étoiles, n'hésitez pas à découvrir, à rêver en regardant cette artiste peu commune qui défit les lois de la pesanteur en se promenant à hauteur d'imaginaire sur un fil d'argent, voie lactée où une femme défit avec poésie le céleste !

Vu le vendredi 18 mars 2022 à La Halle Tropisme, Domaine d'O, Montpellier (34).

"Résiste"

© Kalimba.
© Kalimba.
Création collective sous la direction artistique de Johanne Humblet.
Funambule : Johanne Humblet.
Chanteuses : Violette Legrand, Annelies Jonkers, Fanny Aquaron (en alternance).
Collaboration à la mise en scène : Yann Ecauvre.
Collaboration artistique : Maxime Bourdon.
Création musicale : Deadwood (duo blues électro : Violette Legrand/musicienne chanteuse et Jérémy Manche/musicien chanteur).
Régie générale et plateau, construction : Steve Duprez.
Régie son : Jérémy Manche.
Création lumière : David Baudenon.
Costumes : Solenne Capmas.
Chaussons de fil : Maison Clairvoy.
Construction Fil Instable : Sud Side.
Graphisme : Virginie Fremaux.
Production : Cie Les filles du renard pâle.
À partir de 4 ans.
Durée : 1 h.

Tournée
13 mai 2022 : Train Bleu, Istres (13)
25 et 26 mai 2022 : Tête à tête, Bremen (Allemagne).
31 mai et 1er juin 2022 : Bonlieu - Scène nationale, Annecy (74).
2 et 3 juin 2022 : Résidence de reprise, Bonlieu - Scène nationale, Annecy (74).
10 et 11 juin 2022 : Perspectives, Sarrebruck (Allemagne).
17 juin 2022 : La rue est à Amiens, Amiens (80).
1er juillet 2022 : Festival RenaissanceS, Bar-Le-Duc (55).
2 ou 3 juillet 2022 : Théâtre de la Madeleine, Troyes (10).
7 juillet 2022 : Faire briller les étoiles, Marseille (13).
22 juillet 2022 : Festival Résurgence, Lodève (34).
30 juillet 2022 : Ax-les-Thermes (09).
24 et 25 août 2022 : Les Rias, Le Fourneau Centre National des Arts de la Rue, Quimperlé (29) option.
16 septembre 2022 : Plus Petit Cirque du Monde, Bagneux (92).
17 septembre 2022 : Théâtre Jean Vilar, Vitry (94).
1er ou 2 octobre 2022 : Théâtre Jean Lurçat - Scène nationale, Aubusson (23).

Gil Chauveau
Jeudi 12 Mai 2022

Nouveau commentaire :

Théâtre | Danse | Concerts & Lyrique | À l'affiche | À l'affiche bis | Cirque & Rue | Humour | Festivals | Pitchouns | Paroles & Musique | Avignon 2017 | Avignon 2018 | Avignon 2019 | CédéDévédé | Trib'Une | RV du Jour | Pièce du boucher | Coulisses & Cie | Coin de l’œil | Archives | Avignon 2021 | Avignon 2022 | Avignon 2023 | Avignon 2024 | À l'affiche ter





Numéros Papier

Anciens Numéros de La Revue du Spectacle (10)

Vente des numéros "Collectors" de La Revue du Spectacle.
10 euros l'exemplaire, frais de port compris.






À découvrir

"Rimbaud Cavalcades !" Voyage cycliste au cœur du poétique pays d'Arthur

"Je m'en allais, les poings dans mes poches crevées…", Arthur Rimbaud.
Quel plaisir de boucler une année 2022 en voyageant au XIXe siècle ! Après Albert Einstein, je me retrouve face à Arthur Rimbaud. Qu'il était beau ! Le comédien qui lui colle à la peau s'appelle Romain Puyuelo et le moins que je puisse écrire, c'est qu'il a réchauffé corps et cœur au théâtre de l'Essaïon pour mon plus grand bonheur !

© François Vila.
Rimbaud ! Je me souviens encore de ses poèmes, en particulier "Ma bohème" dont l'intro est citée plus haut, que nous apprenions à l'école et que j'avais déclamé en chantant (et tirant sur mon pull) devant la classe et le maître d'école.

Beauté ! Comment imaginer qu'un jeune homme de 17 ans à peine puisse écrire de si sublimes poèmes ? Relire Rimbaud, se plonger dans sa bio et venir découvrir ce seul en scène. Voilà qui fera un très beau de cadeau de Noël !

C'est de saison et ça se passe donc à l'Essaïon. Le comédien prend corps et nous invite au voyage pendant plus d'une heure. "Il s'en va, seul, les poings sur son guidon à défaut de ne pas avoir de cheval …". Et il raconte l'histoire d'un homme "brûlé" par un métier qui ne le passionne plus et qui, soudain, décide de tout quitter. Appart, boulot, pour suivre les traces de ce poète incroyablement doué que fut Arthur Rimbaud.

Isabelle Lauriou
25/03/2024
Spectacle à la Une

"Le consentement" Monologue intense pour une tentative de récit libératoire

Le livre avait défrayé la chronique à sa sortie en levant le voile sur les relations pédophiles subies par Vanessa Springora, couvertes par un milieu culturel et par une époque permissive où ce délit n'était pas considéré comme tel, même quand celui-ci était connu, car déclaré publiquement par son agresseur sexuel, un écrivain connu. Sébastien Davis nous en montre les ressorts autant intimes qu'extimes où, sous les traits de Ludivine Sagnier, la protagoniste nous en fait le récit.

© Christophe Raynaud de Lage.
Côté cour, Ludivine Sagnier attend à côté de Pierre Belleville le démarrage du spectacle, avant qu'elle n'investisse le plateau. Puis, pleine lumière où V. (Ludivine Sagnier) apparaît habillée en bas de jogging et des baskets avec un haut-le-corps. Elle commence son récit avec le visage fatigué et les traits tirés. En arrière-scène, un voile translucide ferme le plateau où parfois V. plante ses mains en étirant son corps après chaque séquence. Dans ces instants, c'est presque une ombre que l'on devine avec une voix, continuant sa narration, un peu en écho, comme à la fois proche, par le volume sonore, et distante par la modification de timbre qui en est effectuée.

Dans cet entre-deux où le spectacle n'a pas encore débuté, c'est autant la comédienne que l'on voit qu'une inconnue, puisqu'en dehors du plateau et se tenant à l'ombre, comme mise de côté sur une scène pourtant déjà éclairée avec un public pas très attentif de ce qui se passe.

Safidin Alouache
21/03/2024
Spectacle à la Une

"Un prince"… Seul en scène riche et pluriel !

Dans une mise en scène de Marie-Christine Orry et un texte d'Émilie Frèche, Sami Bouajila incarne, dans un monologue, avec superbe et talent, un personnage dont on ignore à peu près tout, dans un prisme qui brasse différents espaces-temps.

© Olivier Werner.
Lumière sur un monticule qui recouvre en grande partie le plateau, puis le protagoniste du spectacle apparaît fébrilement, titubant un peu et en dépliant maladroitement, à dessein, son petit tabouret de camping. Le corps est chancelant, presque fragile, puis sa voix se fait entendre pour commencer un monologue qui a autant des allures de récit que de narration.

Dans ce monologue dans lequel alternent passé et présent, souvenirs et réalité, Sami Bouajila déploie une gamme d'émotions très étendue allant d'une voix tâtonnante, hésitante pour ensuite se retrouver dans un beau costume, dans une autre scène, sous un autre éclairage, le buste droit, les jambes bien plantées au sol, avec un volume sonore fort et bien dosé. La voix et le corps sont les deux piliers qui donnent tout le volume théâtral au caractère. L'évidence même pour tout comédien, sauf qu'avec Sami Bouajila, cette évidence est poussée à la perfection.

Toute la puissance créative du comédien déborde de sincérité et de vérité avec ces deux éléments. Nul besoin d'une couronne ou d'un crucifix pour interpréter un roi ou Jésus, il nous le montre en utilisant un large spectre vocal et corporel pour incarner son propre personnage. Son rapport à l'espace est dans un périmètre de jeu réduit sur toute la longueur de l'avant-scène.

Safidin Alouache
12/03/2024