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"La morsure de l'âne" Un spectacle jeune public qui explore l'inconnu du passage dans l'autre monde

Sur scène, un monde étrange, aux repères incertains. Les corps se déplacent sans l'aide des jambes, les personnages se croisent dans une sorte de manège à double sens étoilé de traverses de lumières qui forment des allées en rose des vents. Des lumières rasantes et surtout l'apparent naturel avec lequel les personnages s'y déplacent, comme dans un lieu tout à fait normal ajoutent encore à l'étrangeté de cet univers. Seul le personnage central, Paco, montre de la surprise et sa bouche fourmille de questions.



© Eine Sichtweise.
© Eine Sichtweise.
On croirait l'ambiance d'un rêve. Cet univers va se développer tout au long du spectacle avec l'ouverture d'une porte en fond de scène, des arrière-plans, des vidéos projetées sur plusieurs supports (dont un ventre) et l'apparition de différents personnages (des proches passés ou futurs de notre Paco) et surtout un personnage différent : l'âne.

L'âne intervient vite dans l'histoire. Il sera une sorte de guide pour Paco. Il sera aussi là pour tester régulièrement sa sensibilité en le mordant aux fesses, car toute l'intrigue du spectacle réside sur le désir ou l'absence de désir de vivre de ce Paco qui est en fait plongé dans un coma profond dans une chambre d'hôpital. Le texte de Nathalie Papin explore cet entre-deux, entre vie et mort.

Ainsi, les apparitions plaident pour son réveil, son retour vers les vivants - à la manière qu'ont les proches des comateux de venir leur parler dans les chambres d'hôpital. Il y a même mieux dans cet univers mental où tout est possible : le rêve d'avenir de Paco, sa destinée, sa descendance possible sous la forme d'une petite fille vient plaider pour la vie. Tourbillon d'apparitions et de disparitions jusqu'à ce que Paco se dédouble entre spirituel et matériel et débatte ainsi avec lui-même pour un dernier tour de manège.

© Eine Sichtweise.
© Eine Sichtweise.
La morsure de l'âne est cet appel à la vie. Malgré la noirceur du propos que le texte de Nathalie Papin n'élude pas, il reste cet aiguillon capable de peser dans la balance du choix ultime.

La mise en scène féérique d'Émilie Le Roux et la scénographie majestueuse de Stéphanie Mathieu servent admirablement la pièce. Elles mettent également en valeur la pesanteur de ces heures, de ces jours qui accompagnent l'attente du réveil de ces drôles de vivants en transit.

"La morsure de l'âne"

© Eine Sichtweise.
© Eine Sichtweise.
Texte : Nathalie Papin
Mise en scène : Émilie Le Roux.
Assistante à la mise en scène : Fanny Duchet.
Avec : Dominique Laidet, Lou Martin-Fernet, Martine Maximin, Jonathan Moussalli, Najib Oudghiri.
Scénographie : Stéphanie Mathieu.
Lumières : Éric Marynower.
Son : Gilles Daumas.
Direction musicale - bande son : Roberto Negro.
Interprétation musicale : Théo Ceccaldi (violon), Manon Gillardot (violoncelle), Roberto Negro (piano), Valentin Ceccaldi (conseil).
Enregistrement et mixage : Mathieu Pion.
Avec la participation de : Maëlle Guichard, Augustin Moreau.
Création vidéo : Pierre Reynard.
Création masque : Mario Broutin.
Costumes : Laëtitia Tesson.
Réalisation scénographie : Nicolas Picot et les Ateliers de décors du TMG, Pierre Ploteau.
Durée : 1 h 10.
À partir de 10 ans.

Du 22 au 26 novembre 2022.
22 novembre à 19 h, 23 novembre à 10 h et 15 h, 24 novembre à 10 h et 14 h 30, 25 novembre à 14 h 30, 26 novembre à 15 h.
Théâtre des Abbesses, Paris 18e, 01 42 74 22 77.
>> theatredelaville-paris.com

Tournée
2 et 3 février 2023 : Théâtre des Bergeries, Noisy-le-Sec (93).
2 juin 2023 : Théâtre Croisette, Cannes (06).

Bruno Fougniès
Vendredi 25 Novembre 2022

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À Paris, près du quai des Grands-Augustins, au début du XVIIe siècle, trois peintres devisent sur leur art. L'un est un jeune inconnu promis à la gloire : Nicolas Poussin. Le deuxième, Franz Porbus, portraitiste du roi Henri IV, est dans la plénitude de son talent et au faîte de sa renommée. Le troisième, le vieux Maître Frenhofer, personnage imaginé par Balzac, a côtoyé les plus grands maîtres et assimilé leurs leçons. Il met la dernière main dans le plus grand secret à un mystérieux "chef-d'œuvre".

© Jean-François Delon.
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Quelle autre salle de spectacle aurait pu accueillir avec autant de justesse cette adaptation théâtrale de la célèbre nouvelle de Balzac ? Une petite salle grande comme un mouchoir de poche, chaleureuse et hospitalière malgré ses murs tout en pierres, bien connue des férus(es) de théâtre et nichée au cœur du Marais ?

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Vous pensez que vos choix sont libres ? Que vos pensées sont bien gardées dans votre esprit ? Que vous êtes éventuellement imprévisibles ? Et si ce n'était pas le cas ? Et si tout partait de vous… Ouvrez bien grands les yeux et vivez pleinement l'expérience de l'Effet Papillon !

© Pics.
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Par extension, l'expression sous-entend que les moindres petits événements peuvent déterminer des phénomènes qui paraissent imprévisibles et incontrôlables ou qu'une infime modification des conditions initiales peut engendrer rapidement des effets importants. Ainsi, les battements d'ailes d'un papillon au Brésil peuvent engendrer une tornade au Mexique ou au Texas !

C'est à partir de cette théorie que le mentaliste Taha Mansour nous invite à nouveau, en cette rentrée, à effectuer un voyage hors du commun. Son spectacle a reçu un succès notoire au Sham's Théâtre lors du Festival d'Avignon cet été dernier.

Impossible que quiconque sorte "indemne" de cette phénoménale prestation, ni que nos certitudes sur "le monde comme il va", et surtout sur nous-mêmes, ne soient bousculées, chamboulées, contrariées.

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© Christel Billault.
Ordonné, pratique, méthodique, il organise l'extermination des marginaux et des Juifs comme un gestionnaire. Point. Il aurait été, comme son sous-fifre Adolf Eichmann, le type même décrit par Hannah Arendt comme étant la "banalité du mal". Mais Himmler échappa à son procès en se donnant la mort. Parfois, rien n'est plus monstrueux que la banalité, l'ordre, la médiocrité.

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Bruno Fougniès
15/10/2023