La Revue du Spectacle, le magazine des arts de la scène et du spectacle vivant. Infos théâtre, chanson, café-théâtre, cirque, arts de la rue, agenda, CD, etc.

À propos des perturbations au Théâtre de la Ville-Paris  23/10/2011

Communiqué de Presse

Les premières représentations du spectacle de Romeo Castellucci "Sur le concept du visage du fils de Dieu" au Théâtre de la Ville, ont été gravement perturbées par des groupes organisés au nom de la religion chrétienne. Leur demande d’interdiction du spectacle par voie de justice ayant été déboutée par une décision du Tribunal de Grande Instance en date du 18 octobre 2011.


Nous considérons qu’il ne s’agit pas de la simple perturbation d’un spectacle, mais d’actes violents visant à interdire l’accès du public au Théâtre de la Ville en s’en prenant aux personnes et aux biens :

>> Jeudi 20 octobre
- Tentative violente d’intrusion par des militants organisés, avec usage de gaz lacrymogènes.
- Enchaînement des portes de la salle dans le but d’en empêcher l’accès.
- Utilisation de boules puantes.
- Distribution de tracts dénonçant le prétendu caractère "christianophobe" du spectacle, reposant sur des allégations entièrement mensongères.
- Envahissement de la scène du théâtre par 9 activistes interrompant la représentation.

Devant les nombreuses menaces collectives ou personnelles que nous avons reçues depuis plusieurs semaines, faisant suite à l’odieuse campagne menée par Civitas, j’ai demandé à la Mairie de Paris de prendre des mesures susceptibles de garantir la sécurité du public, du personnel et des artistes tout en nous permettant d’assurer le maintien des représentations.

La présence des forces de police a permis de neutraliser les militants les plus violents. Lors de l’envahissement de la scène, devant l’impossibilité d’obtenir un départ dans le calme et sans violence et afin de prévenir un affrontement entre les manifestants et le public, j’ai demandé l’intervention de forces de l’ordre. Après l’évacuation des perturbateurs, la représentation a pu reprendre et se poursuivre jusqu’à son terme.

>> Vendredi 21 octobre
- Jet d’huile de vidange et d’œufs sur le public lors de l’entrée pour la représentation.
- Distribution de tracts.

Dans l’attente de l’intervention de la police pour déloger les agresseurs qui étaient juchés sur une corniche située au-dessus des portes d’entrée et interdisant l’accès au hall du théâtre, nous avons aménagé l’entrée du public par une issue de secours. Mais cela a pris énormément de temps et entraîné un retard de plus d’une heure de la représentation qui s’est finalement déroulée sans troubles.

>> Samedi 22 octobre
- Démarrage de la représentation avec 30’ de retard.
- Nouvel envahissement de la scène du théâtre par un groupuscule interrompant la représentation.
- Évacuation dans le calme. Reprise du spectacle.

Avant d’arriver en France, le spectacle a été présenté en Allemagne, en Belgique, en Norvège, en Grande-Bretagne, en Espagne, en Russie, aux Pays-Bas, en Grèce, en Suisse, en Italie et en Pologne. Il n’a pas suscité la moindre réaction analogue à celles que nous déplorons aujourd’hui.

Ces agissements à caractère fascisant sont absolument inadmissibles.

Mes collaborateurs et moi-même, en plein accord avec Romeo Castellucci et son équipe, ainsi que l’ensemble du personnel du théâtre, ne céderons sous aucun prétexte à ces menaces et à cette intimidation. Nous entendons défendre la liberté d’expression, les droits du théâtre, et la mission qui est la nôtre face à cette terreur. Nous entendons exercer pleinement nos droits et réclamer aux fauteurs de trouble réparation des dommages et préjudices importants qu’ils nous occasionnent.

Je tiens également à saluer l’attitude du public lors des deux premières représentations. Face à l’agression verbale, puis physique dont ils étaient l’objet, ils ont réagi avec calme et ont observé avec patience les mesures de contrôle que nous avons été contraints de mettre en place.

Les représentations du spectacle se poursuivront jusqu’au 30 octobre au Théâtre de la Ville. Je souhaite que le public continue à venir découvrir le travail d’un grand artiste que nous sommes fiers de soutenir et d’accompagner.

Emmanuel Demarcy-Mota,
Directeur du Théâtre de la Ville.

Photo : "Sul concetto di volto nel Figlio di Dio" (Sur le concept du visage du fils de Dieu) © Klaus Lefebvre.
La Rédaction


1.Posté par MARION René le 24/10/2011 12:28
Soutien au théâtre de la ville , à Roméo Castellucci ainsi qu'aux équipes.
Nous serons présents le 29 oct Place de la République sur Ruée Libre et nous vous apportons tout notre soutien.
rené Marion

2.Posté par Robert Culat le 30/10/2011 23:18
Voici la prise de position officielle du cardinal de Paris sur cette affaire:

http://www.dailymotion.com/video/xlzqhr_entretien-du-cardinal-radio-notre-dame-29-10-2011_news

Nouveau commentaire :








À Découvrir

"Lilou et Lino Le Voyage vers les étoiles" Petit à petit, les chats deviennent l'âme de la maison*

Qu'il est bon de se retrouver dans une salle de spectacle !
Qu'il est agréable de quitter la jungle urbaine pour un moment de calme…
Qu'il est hallucinant de risquer encore plus sa vie à vélo sur une piste cyclable !
Je ne pensais pas dire cela en pénétrant une salle bondée d'enfants, mais au bruit du dehors, très souvent infernal, j'ai vraiment apprécié l'instant et le brouhaha des petits, âgés, de 3 à 8 ans.

© Delphine Royer.
Sur scène du Théâtre Essaïon, un décor représente une chambre d'enfant, celle d'une petite fille exactement. Cette petite fille est interprétée par la vive et solaire Vanessa Luna Nahoum, tiens ! "Luna" dans son prénom, ça tombe si bien. Car c'est sur la lune que nous allons voyager avec elle. Et les enfants, sages comme des images, puisque, non seulement, Vanessa a le don d'adoucir les plus dissipés qui, très vite, sont totalement captés par la douceur des mots employés, mais aussi parce que Vanessa apporte sa voix suave et apaisée à l'enfant qu'elle incarne parfaitement. Un modèle pour les parents présents dans la salle et un régal pour tous ses "mini" yeux rivés sur la scène. Face à la comédienne.

Vanessa Luna Nahoum est Lilou et son chat – Lino – n'est plus là. Ses parents lui racontent qu'il s'est envolé dans les étoiles pour y pêcher. Quelle étrange idée ! Mais la vie sans son chat, si belle âme, à la fois réconfortante, câline et surprenante, elle ne s'y résout pas comme ça. Elle l'adore "trop" son animal de compagnie et qui, pour ne pas comprendre cela ? Personne ce matin en tout cas. Au contraire, les réactions fusent, le verbe est bien choisi. Les enfants sont entraînés dans cette folie douce que propose Lilou : construire une fusée et aller rendre visite à son gros minet.

Isabelle Lauriou
15/05/2025
Spectacle à la Une

"Un Chapeau de paille d'Italie" Une version singulière et explosive interrogeant nos libertés individuelles face aux normalisations sociétales et idéologiques

Si l'art de générer des productions enthousiastes et inventives est incontestablement dans l'ADN de la compagnie L'Éternel Été, l'engagement citoyen fait aussi partie de la démarche créative de ses membres. La présente proposition ne déroge pas à la règle. Ainsi, Emmanuel Besnault et Benoît Gruel nous offrent une version décoiffante, vive, presque juvénile, mais diablement ancrée dans les problématiques actuelles, du "Chapeau de paille d'Italie"… pièce d'Eugène Labiche, véritable référence du vaudeville.

© Philippe Hanula.
L'argument, simple, n'en reste pas moins source de quiproquos, de riantes ficelles propres à la comédie et d'une bonne dose de situations grotesques, burlesques, voire absurdes. À l'aube d'un mariage des plus prometteurs avec la très florale Hélène – née sans doute dans les roses… ornant les pépinières parentales –, le fringant Fadinard se lance dans une quête effrénée pour récupérer un chapeau de paille d'Italie… Pour remplacer celui croqué – en guise de petit-déj ! – par un membre de la gent équestre, moteur exclusif de son hippomobile, ci-devant fiacre. À noter que le chapeau alimentaire appartenait à une belle – porteuse d'une alliance – en rendez-vous coupable avec un soldat, sans doute Apollon à ses heures perdues.

N'ayant pas vocation à pérenniser toute forme d'adaptation académique, nos deux metteurs en scène vont imaginer que cette histoire absurde est un songe, le songe d'une nuit… niché au creux du voyage ensommeillé de l'aimable Fadinard. Accrochez-vous à votre oreiller ! La pièce la plus célèbre de Labiche se transforme en une nouvelle comédie explosive, électro-onirique ! Comme un rêve habité de nounours dans un sommeil moelleux peuplé d'êtres extravagants en doudounes orange.

Gil Chauveau
11/03/2024
Spectacle à la Une

"La vie secrète des vieux" Aimer même trop, même mal… Aimer jusqu'à la déchirure

"Telle est ma quête", ainsi parlait l'Homme de la Mancha de Jacques Brel au Théâtre des Champs-Élysées en 1968… Une quête qu'ont fait leur cette troupe de vieux messieurs et vieilles dames "indignes" (cf. "La vieille dame indigne" de René Allio, 1965, véritable ode à la liberté) avides de vivre "jusqu'au bout" (ouaf… la crudité revendiquée de leur langue émancipée y autorise) ce qui constitue, n'en déplaise aux catholiques conservateurs, le sel de l'existence. Autour de leur metteur en scène, Mohamed El Khatib, ils vont bousculer les règles de la bienséance apprise pour dire sereinement l'amour chevillé au corps des vieux.

© Christophe Raynaud de Lage.
Votre ticket n'est plus valable. Prenez vos pilules, jouez au Monopoly, au Scrabble, regardez la télé… des jeux de votre âge quoi ! Et surtout, ayez la dignité d'attendre la mort en silence, on ne veut pas entendre vos jérémiades et – encore moins ! – vos chuchotements de plaisir et vos cris d'amour… Mohamed El Khatib, fin observateur des us et coutumes de nos sociétés occidentales, a documenté son projet théâtral par une série d'entretiens pris sur le vif en Ehpad au moment de la Covid, des mouroirs avec eau et électricité à tous les étages. Autour de lui et d'une aide-soignante, artiste professionnelle pétillante de malice, vont exister pleinement huit vieux et vieilles revendiquant avec une belle tranquillité leur droit au sexe et à l'amour (ce sont, aussi, des sentimentaux, pas que des addicts de la baise).

Un fauteuil roulant poussé par un vieux très guilleret fait son entrée… On nous avertit alors qu'en fonction du grand âge des participant(e)s au plateau, et malgré les deux défibrillateurs à disposition, certain(e)s sont susceptibles de mourir sur scène, ce qui – on l'admettra aisément – est un meilleur destin que mourir en Ehpad… Humour noir et vieilles dentelles, le ton est donné. De son fauteuil, la doyenne de la troupe, 91 ans, Belge et ancienne présentatrice du journal TV, va ar-ti-cu-ler son texte, elle qui a renoncé à son abonnement à la Comédie-Française car "ils" ne savent plus scander, un vrai scandale ! Confiant plus sérieusement que, ce qui lui manque aujourd'hui – elle qui a eu la chance d'avoir beaucoup d'hommes –, c'est d'embrasser quelqu'un sur la bouche et de manquer à quelqu'un.

Yves Kafka
30/08/2024