La Revue du Spectacle, le magazine des arts de la scène et du spectacle vivant. Infos théâtre, chanson, café-théâtre, cirque, arts de la rue, agenda, CD, etc.



Augmenter la taille du texte
Diminuer la taille du texte
Partager
Pitchouns

"Rencontre avec Michel B." Comment transformer une fausse conférence en spectacle à sensation ?

Avec ce spectacle, Denis Athimon met en place une mystification élaborée. Elle commence par le texte de présentation de la soirée : un certain Michel B., auteur du livre autobiographique "Je suis différent et alors ?", sera là pour en parler et surtout de la teneur de celui-ci. Il s'agit d'expliquer la part d'ombre qui lui appartient et qui a suscité tant d'effroi dans la société, lors de faits divers violents. La présentation insiste par ailleurs sur le fait que toutes les mesures de sécurité ont été mises en place pour que les spectateurs puissent venir sans risque.



© Géraldine Le Tirant.
© Géraldine Le Tirant.
Vous voilà prévenu. Car il s'agit ici de voir sur scène un monstre. Ou pour le moins un méchant. Un être sans aucun doute dangereux pour notre société qui, par le passé, a causé tant de peur qu'il serait vain ici de les énumérer toutes. Denis Athimon et la Compagnie Bob a donc décidé de parler franchement, sans détours et de façon la plus assumée de ce méchant. Et plus largement de tenter de comprendre ce que sont ces méchants. Pourquoi le sont-ils ? Est-ce finalement leur faute s'ils sont méchants ou n'est-ce pas juste une question de naturel inadapté à la vie sociale ?

Ainsi, entrant dans la salle, le public est prévenu. Sur le plateau, un être à la mine furieuse est assis à une table. Autour de lui, une ligne blanche forme un carré où il semble enfermé. C'est le cas. En effet, sur le bord du plateau, un autre personnage est assis. Devant lui, un dispositif électrique est à portée de ses mains.

Michel B. nous explique en préambule qu'il ne faut absolument pas avoir peur de lui, car le second personnage est sur scène pour l'empêcher de sortir du carré marqué au sol par les lignes blanches. Le dispositif électrique est effectivement là pour se déclencher s'il lui prenait l'envie de sortir de cet espace et l'empêcher de nuire. En effet, dès qu'il met un pied hors de son espace, une sonnerie se déclenche ainsi qu'un décompte censé mener à une déflagration.

© Géraldine Le Tirant.
© Géraldine Le Tirant.
Pourquoi un tel déploiement de forces ? On n'en sait rien. Mais l'on suspecte que l'homme peut ne pas être maître de ses actes… et alors qu'adviendrait-il ?

Mis dans l'ambiance, le public composé en majorité d'enfants d'au moins neuf ans est attentif. Presque aux aguets. Il va le rester tout au long du spectacle et de plus en plus intensément. Car Denis Athimon distille avec un art consommé la vérité sur le personnage qu'il incarne, sur la raison de ces mesures de sécurité, sur le danger que risquent les enfants en sa présence…

L'idée de ce spectacle est follement ingénieuse. Une idée qui permet à Denis Athimon d'explorer un mythe des contes et légendes qui forment nos inconscients collectifs. Une idée périlleuse également. Et l'on se dit que ce spectacle se joue sur un fil ténu, en équilibre, entre vérité et illusion, entre peurs pour de rire et vraie trouille. Car le dispositif est tellement crédible que, jusqu'à la dernière seconde, une partie de nous-mêmes reste crédule et préfère ne pas voir l'illusion pour mieux ressentir les émotions.

Pour savoir la teneur entière du spectacle, le mieux est encore d'y aller voir soi-même. N'ayez pas peur. Vous ne craignez rien. D'ailleurs toutes les mesures de sécurité ont été mises en œuvre pour éviter tout accident…

"Rencontre avec Michel B."

© Géraldine Le Tirant.
© Géraldine Le Tirant.
Écriture, mise en scène : Denis Athimon.
Interprétation : Denis Athimon.
Collaboration artistique : Olivier Martin Salvan.
Création musicale : François Athimon.
Création lumière : Gwendal Malard.
Production : Bob théâtre.
Spectacle tout public dès 9 ans.
Durée : 1 h.

Vu dans le cadre du festival Festival Marmaille/Marmaille en fugue, Rennes, qui s'est déroulé du 19 au 29 octobre 2021.

Tournée
Du 18 au 19 novembre 2021 : Le Quai des Arts, Argentan (61).
Du 3 au 4 décembre 2021 : La Graineterie, Houilles (78).
Du 10 au 11 janvier 2022 : Le Strapontin, Pont-Scorff (56).
Vendredi 4 mars 2022 : Le Pôle Sud, Chartres-De-Bretagne (35).
Du 25 au 26 avril 2022 : Salle Jean Carmet, Allonnes (72).

Bruno Fougniès
Dimanche 7 Novembre 2021

Nouveau commentaire :

Théâtre | Danse | Concerts & Lyrique | À l'affiche | À l'affiche bis | Cirque & Rue | Humour | Festivals | Pitchouns | Paroles & Musique | Avignon 2017 | Avignon 2018 | Avignon 2019 | CédéDévédé | Trib'Une | RV du Jour | Pièce du boucher | Coulisses & Cie | Coin de l’œil | Archives | Avignon 2021 | Avignon 2022 | Avignon 2023 | Avignon 2024 | À l'affiche ter




Numéros Papier

Anciens Numéros de La Revue du Spectacle (10)

Vente des numéros "Collectors" de La Revue du Spectacle.
10 euros l'exemplaire, frais de port compris.






À Découvrir

•Off 2024• "Mon Petit Grand Frère" Récit salvateur d'un enfant traumatisé au bénéfice du devenir apaisé de l'adulte qu'il est devenu

Comment dire l'indicible, comment formuler les vagues souvenirs, les incertaines sensations qui furent captés, partiellement mémorisés à la petite enfance. Accoucher de cette résurgence voilée, diffuse, d'un drame familial ayant eu lieu à l'âge de deux ans est le parcours théâtral, étonnamment réussie, que nous offre Miguel-Ange Sarmiento avec "Mon petit grand frère". Ce qui aurait pu paraître une psychanalyse impudique devient alors une parole salvatrice porteuse d'un écho libératoire pour nos propres histoires douloureuses.

© Ève Pinel.
9 mars 1971, un petit bonhomme, dans les premiers pas de sa vie, goûte aux derniers instants du ravissement juvénile de voir sa maman souriante, heureuse. Mais, dans peu de temps, la fenêtre du bonheur va se refermer. Le drame n'est pas loin et le bonheur fait ses valises. À ce moment-là, personne ne le sait encore, mais les affres du destin se sont mis en marche, et plus rien ne sera comme avant.

En préambule du malheur à venir, le texte, traversant en permanence le pont entre narration réaliste et phrasé poétique, nous conduit à la découverte du quotidien plein de joie et de tendresse du pitchoun qu'est Miguel-Ange. Jeux d'enfants faits de marelle, de dinette, de billes, et de couchers sur la musique de Nounours et de "bonne nuit les petits". L'enfant est affectueux. "Je suis un garçon raisonnable. Je fais attention à ma maman. Je suis un bon garçon." Le bonheur est simple, mais joyeux et empli de tendresse.

Puis, entre dans la narration la disparition du grand frère de trois ans son aîné. La mort n'ayant, on le sait, aucune morale et aucun scrupule à commettre ses actes, antinaturelles lorsqu'il s'agit d'ôter la vie à un bambin. L'accident est acté et deux gamins dans le bassin sont décédés, ceux-ci n'ayant pu être ramenés à la vie. Là, se révèle l'avant et l'après. Le bonheur s'est enfui et rien ne sera plus comme avant.

Gil Chauveau
14/06/2024
Spectacle à la Une

•Off 2024• Lou Casa "Barbara & Brel" À nouveau un souffle singulier et virtuose passe sur l'œuvre de Barbara et de Brel

Ils sont peu nombreux ceux qui ont une réelle vision d'interprétation d'œuvres d'artistes "monuments" tels Brel, Barbara, Brassens, Piaf et bien d'autres. Lou Casa fait partie de ces rares virtuoses qui arrivent à imprimer leur signature sans effacer le filigrane du monstre sacré interprété. Après une relecture lumineuse en 2016 de quelques chansons de Barbara, voici le profond et solaire "Barbara & Brel".

© Betül Balkan.
Comme dans son précédent opus "À ce jour" (consacré à Barbara), Marc Casa est habité par ses choix, donnant un souffle original et unique à chaque titre choisi. Évitant musicalement l'écueil des orchestrations "datées" en optant systématiquement pour des sonorités contemporaines, chaque chanson est synonyme d'une grande richesse et variété instrumentales. Le timbre de la voix est prenant et fait montre à chaque fois d'une émouvante et artistique sincérité.

On retrouve dans cet album une réelle intensité pour chaque interprétation, une profondeur dans la tessiture, dans les tonalités exprimées dont on sent qu'elles puisent tant dans l'âme créatrice des illustres auteurs que dans les recoins intimes, les chemins de vie personnelle de Marc Casa, pour y mettre, dans une manière discrète et maîtrisée, emplie de sincérité, un peu de sa propre histoire.

"Nous mettons en écho des chansons de Barbara et Brel qui ont abordé les mêmes thèmes mais de manières différentes. L'idée est juste d'utiliser leur matière, leur art, tout en gardant une distance, en s'affranchissant de ce qu'ils sont, de ce qu'ils représentent aujourd'hui dans la culture populaire, dans la culture en général… qui est énorme !"

Gil Chauveau
19/06/2024
Spectacle à la Une

•Off 2024• "Un Chapeau de paille d'Italie" Une version singulière et explosive interrogeant nos libertés individuelles…

… face aux normalisations sociétales et idéologiques

Si l'art de générer des productions enthousiastes et inventives est incontestablement dans l'ADN de la compagnie L'Éternel Été, l'engagement citoyen fait aussi partie de la démarche créative de ses membres. La présente proposition ne déroge pas à la règle. Ainsi, Emmanuel Besnault et Benoît Gruel nous offrent une version décoiffante, vive, presque juvénile, mais diablement ancrée dans les problématiques actuelles, du "Chapeau de paille d'Italie"… pièce d'Eugène Labiche, véritable référence du vaudeville.

© Philippe Hanula.
L'argument, simple, n'en reste pas moins source de quiproquos, de riantes ficelles propres à la comédie et d'une bonne dose de situations grotesques, burlesques, voire absurdes. À l'aube d'un mariage des plus prometteurs avec la très florale Hélène – née sans doute dans les roses… ornant les pépinières parentales –, le fringant Fadinard se lance dans une quête effrénée pour récupérer un chapeau de paille d'Italie… Pour remplacer celui croqué – en guise de petit-déj ! – par un membre de la gent équestre, moteur exclusif de son hippomobile, ci-devant fiacre. À noter que le chapeau alimentaire appartenait à une belle – porteuse d'une alliance – en rendez-vous coupable avec un soldat, sans doute Apollon à ses heures perdues.

N'ayant pas vocation à pérenniser toute forme d'adaptation académique, nos deux metteurs en scène vont imaginer que cette histoire absurde est un songe, le songe d'une nuit… niché au creux du voyage ensommeillé de l'aimable Fadinard. Accrochez-vous à votre oreiller ! La pièce la plus célèbre de Labiche se transforme en une nouvelle comédie explosive, électro-onirique ! Comme un rêve habité de nounours dans un sommeil moelleux peuplé d'êtres extravagants en doudounes orange.

Gil Chauveau
26/03/2024