La Revue du Spectacle, le magazine des arts de la scène et du spectacle vivant. Infos théâtre, chanson, café-théâtre, cirque, arts de la rue, agenda, CD, etc.



Augmenter la taille du texte
Diminuer la taille du texte
Partager
Cirque & Rue

"Play/replay" The Rat Pack Compagnie fait son cirque… et son cinéma... Action !

Après le succès mondial de "Speakeasy", la compagnie circassienne The Rat Pack est de retour avec une création intitulée "Play/Replay". Explorant précédemment le genre "films de gangsters" au cœur d'un bar clandestin - que l'on appelait, au temps de la prohibition, un "speakeasy" -, nous les découvrons pour ce nouveau spectacle sur un plateau en plein tournage d'une scène caractéristique des "films d'action", le cambriolage d'un objet précieux. On retrouve donc avec plaisir ce qui fait aujourd'hui leur marque de fabrique… un cocktail explosif mêlant acrobatie, musique et cinéma… plus, cette fois-ci, l'humour décalé de Jos Houben !



© Zenzel.
© Zenzel.
Imaginez un joyau convoité, un œuf précieux - façon œuf de Fabergé - protégé par des faisceaux verts que l'on perçoit bien dans une nuit noire et volontairement enfumée. Quoi de mieux pour exercer ses talents d'acrobate que le franchissement subtilement chorégraphié de ceux-ci. Ainsi débute "Play/Replay" avec cette scène ô combien classique digne d'un "Mission Impossible", d'un Ocean's Twelve (référence directe à l'œuf) ou d'un James Bond... Et la magie opère. Les six artistes de The Rat Pack - usant souvent du jeu d'ombres chinoises et de ses effets de mystères en "noir et blanc" - déploient humour et créativité pour se jouer des codes de ce genre cinématographique et les détourner avec espièglerie et autodérision.

Au fil des séquences - certaines reproduisant des cascades ou des défis réputés impossibles, improbables ou nécessitants de judicieux trucages -, ils réalisent des numéros s'enchaînant avec fluidité, sans temps mort, où il est fait appel à la roue Cyr, aux nombreuses déclinaisons du main à main, aux multiples variations du corps à corps, aux périlleux exercices de voltige, etc. Ainsi, culbutes, chutes, bagarres, explosions, ralentis, flashbacks, courses-poursuites - tout autant haletantes que burlesques -, attitudes figées clownesques alimentent l'histoire qui nous est contée et les coulisses qui nous sont dévoilées.

© Zenzel.
© Zenzel.
Ainsi, avec le langage et le vocabulaire corporel propres au cirque, les six circassiens de The Rat Pack nous prouvent que la maîtrise virtuose de l'acrobatie et de la voltige peut se jouer des situations les plus aventureuses ou risquées - sur scène ou sur piste - et remplacer les effets spéciaux utilisés habituellement sur un plateau de tournage. Et, ici, leurs talents avérés maintiennent de manière spectaculaire la permanence de la prouesse.

En référence et hommage aux films muets, la musique (tout comme dans "Speakeasy) a une place prépondérante, déterminante, donnant connaissance aux spectateurs des différentes ambiances et humeurs au fil de la narration, ici visuelle. Celle-ci endosse un rôle à part entière et elle est l'élément sonore qui marque, rythme, entraîne les différentes séquences et marque, indique les caractères et attitudes de chacun des acrobates par le tempo plus ou moins rapide, allant de la dramatisation au clownesque. Pour accompagner cette création, les membres de The Rat Pack ont fait appel au collectif électro hip-hop Bold Supa Jay.

© Zenzel.
© Zenzel.
Les compositions élaborées pour le spectacle - mêlant hip-hop old school et trip-hop sur des rythmiques plus modernes usant de boucles répétitives et inspirées de la trap et de l'électro - collent parfaitement à la folie réjouissante de "Play/Replay", adhérant parfaitement à la veine burlesque et un peu déjantée tracée par Jos Houben et les énergiques et enthousiastes Ann-Katrin Jornot, Lola Ruiz, Guillaume Juncar, Andrea Catozzi, Xavier Lavabre et Denis Dulon.

Le talentueux et incontesté maître de l'art du rire qu'est Jos Houben apporte un souffle comique et décalé, plein d'effervescence, aux prestations circassiennes de ces têtes brûlées toujours riches de folles idées acrobatiques… tout en réussissant à préserver une indéfinissable élégance "so british" ! Il participe de la folie collective tout en réalisant une mise en scène millimétrée et on se laisse emmener sans résistance dans les jeux très bien réglés des artistes de The Rat Pack, naviguant entre une narration fictionnelle très dynamique "dans le feu de l'action" et l'envers du décor où se déroulent toutes les petites jalousies et les mesquins conflits - toutes et tous très "cinématographiques" - prenant souvent une tournure comique.
Tout l'art du temps et du contretemps est là !

"Play/replay"

© Zenzel.
© Zenzel.
Compagnie The Rat Pack.
Mise en scène : Jos Houben et Cie The Rat Pack.
Avec : Ann-Katrin Jornot (acrobate, voltigeuse), Lola Ruiz (acrobate aérienne), Guillaume Juncar (acrobate, roue Cyr), Andrea Catozzi (acrobate, danseur), Xavier Lavabre (acrobate, porteur), Denis Dulon (acrobate, porteur), Jos Houben.
Création musicale : Bold/Supa Jay.
Création lumière : Elsa Revol et Cécile Hérault.
Scénographie : Claire jouët Pastré.
Costumes : Pierre-Yves Loup Forest.
Régie lumière : Cécile Hérault et Paul Deschamps.
Régie son : Lucas Garnier.
Durée : 1 h.
À partir de 6 ans.

Du 8 au 11 décembre 2022.
Jeudi à 14 h, vendredi à 20 h 30, samedi à 18 h et dimanche à 15 h.
Cirque-Théâtre - Pôle national cirque en Normandie, Elbeuf (76).

© Zenzel.
© Zenzel.
16 décembre 2022 à 20 h.
Carré Magique - Pôle national cirque en Bretagne, Lannion (22).

Du 30 novembre 2022 au 8 janvier 2023.
Du mardi au vendredi à 19 h, samedi à 15 h et 19 h, dimanche à 15 h.
Relâche les 8 ,9 ,10, 11, 14, 15, 16, le 17 à 15h, 18, 20, 25 décembre 2022, 1er et 2 janvier 2023.
Théâtre La Scala, Paris 10e, 01 40 03 44 30.
>> lascala-paris.fr

Tournée
20 et 21 janvier 2023 : Escher Theater, Esch-sur-Alzette (Luxembourg).
26 janvier 2023 : Ma Scène Nationale, Montbéliard (25).
7 au 9 mars 2023 : Maison de la Culture, Bourges (18).
18 mars 2023 : Maison des Arts et de la Culture, Épinay-sous-Sénard (91).
25 et 26 mars 2023 : Théâtre de Saint-Maur, Saint-Maur-des-Fossés (94).
1er et 2 juin 2023 : CIRCA Festival, Auch (32).

Gil Chauveau
Mardi 20 Décembre 2022

Nouveau commentaire :

Théâtre | Danse | Concerts & Lyrique | À l'affiche | À l'affiche bis | Cirque & Rue | Humour | Festivals | Pitchouns | Paroles & Musique | Avignon 2017 | Avignon 2018 | Avignon 2019 | CédéDévédé | Trib'Une | RV du Jour | Pièce du boucher | Coulisses & Cie | Coin de l’œil | Archives | Avignon 2021 | Avignon 2022 | Avignon 2023 | À l'affiche ter


Brèves & Com


Numéros Papier

Anciens Numéros de La Revue du Spectacle (10)

Vente des numéros "Collectors" de La Revue du Spectacle.
10 euros l'exemplaire, frais de port compris.






À découvrir

"L'Effet Papillon" Se laisser emporter au fil d'un simple vol de papillon pour une fascinante expérience

Vous pensez que vos choix sont libres ? Que vos pensées sont bien gardées dans votre esprit ? Que vous êtes éventuellement imprévisibles ? Et si ce n'était pas le cas ? Et si tout partait de vous… Ouvrez bien grands les yeux et vivez pleinement l'expérience de l'Effet Papillon !

© Pics.
Vous avez certainement entendu parler de "l'effet papillon", expression inventée par le mathématicien-météorologue Edward Lorenz, inventeur de la théorie du chaos, à partir d'un phénomène découvert en 1961. Ce phénomène insinue qu'il suffit de modifier de façon infime un paramètre dans un modèle météo pour que celui-ci s'amplifie progressivement et provoque, à long terme, des changements colossaux.

Par extension, l'expression sous-entend que les moindres petits événements peuvent déterminer des phénomènes qui paraissent imprévisibles et incontrôlables ou qu'une infime modification des conditions initiales peut engendrer rapidement des effets importants. Ainsi, les battements d'ailes d'un papillon au Brésil peuvent engendrer une tornade au Mexique ou au Texas !

C'est à partir de cette théorie que le mentaliste Taha Mansour nous invite à nouveau, en cette rentrée, à effectuer un voyage hors du commun. Son spectacle a reçu un succès notoire au Sham's Théâtre lors du Festival d'Avignon cet été dernier.

Impossible que quiconque sorte "indemne" de cette phénoménale prestation, ni que nos certitudes sur "le monde comme il va", et surtout sur nous-mêmes, ne soient bousculées, chamboulées, contrariées.

"Le mystérieux est le plus beau sentiment que l'on peut ressentir", Albert Einstein. Et si le plus beau spectacle de mentalisme du moment, en cette rentrée parisienne, c'était celui-là ? Car Tahar Mansour y est fascinant à plusieurs niveaux, lui qui voulait devenir ingénieur, pour qui "Centrale" n'a aucun secret, mais qui, pourtant, a toujours eu une âme d'artiste bien ancrée au fond de lui. Le secret de ce spectacle exceptionnel et époustouflant serait-il là, niché au cœur du rationnel et de la poésie ?

Brigitte Corrigou
08/09/2023
Spectacle à la Une

"Hedwig and the Angry inch" Quand l'ingratitude de la vie œuvre en silence et brise les rêves et le talent pourtant si légitimes

La comédie musicale rock de Broadway enfin en France ! Récompensée quatre fois aux Tony Awards, Hedwig, la chanteuse transsexuelle germano-américaine, est-allemande, dont la carrière n'a jamais démarré, est accompagnée de son mari croate,Yithak, qui est aussi son assistant et choriste, mais avec lequel elle entretient des relations malsaines, et de son groupe, the Angry Inch. Tout cela pour retracer son parcours de vie pour le moins chaotique : Berlin Est, son adolescence de mauvais garçon, son besoin de liberté, sa passion pour le rock, sa transformation en Hedwig après une opération bâclée qui lui permet de quitter l'Allemagne en épouse d'un GI américain, ce, grâce au soutien sans failles de sa mère…

© Grégory Juppin.
Hedwig bouscule les codes de la bienséance et va jusqu'au bout de ses rêves.
Ni femme, ni homme, entre humour queer et confidences trash, il/elle raconte surtout l'histoire de son premier amour devenu l'une des plus grandes stars du rock, Tommy Gnosis, qui ne cessera de le/la hanter et de le/la poursuivre à sa manière.

"Hedwig and the Angry inch" a vu le jour pour la première fois en 1998, au Off Broadway, dans les caves, sous la direction de John Cameron Mitchell. C'est d'ailleurs lui-même qui l'adaptera au cinéma en 2001. C'est la version de 2014, avec Neil Patrick Harris dans le rôle-titre, qui remporte les quatre Tony Awards, dont celui de la meilleure reprise de comédie musicale.

Ce soir-là, c'était la première fois que nous assistions à un spectacle au Théâtre du Rouge Gorge, alors que nous venons pourtant au Festival depuis de nombreuses années ! Situé au pied du Palais des Papes, du centre historique et du non moins connu hôtel de la Mirande, il s'agit là d'un lieu de la ville close pour le moins pittoresque et exceptionnel.

Brigitte Corrigou
20/09/2023
Spectacle à la Une

"Zoo Story" Dans un océan d'inhumanités, retrouver le vivre ensemble

Central Park, à l'heure de la pause déjeuner. Un homme seul profite de sa quotidienne séquence de répit, sur un banc, symbole de ce minuscule territoire devenu son havre de paix. Dans ce moment voulu comme une trêve face à la folie du monde et aux contraintes de la société laborieuse, un homme surgit sans raison apparente, venant briser la solitude du travailleur au repos. Entrant dans la narration d'un pseudo-récit, il va bouleverser l'ordre des choses, inverser les pouvoirs et détruire les convictions, pour le simple jeu – absurde ? – de la mise en exergue de nos inhumanités et de nos dérives solitaires.

© Alejandro Guerrero.
Lui, Peter (Sylvain Katan), est le stéréotype du bourgeois, cadre dans une maison d'édition, "détenteur" patriarcal d'une femme, deux enfants, deux chats, deux perruches, le tout dans un appartement vraisemblablement luxueux d'un quartier chic et "bobo" de New York. L'autre, Jerry (Pierre Val), à l'opposé, est plutôt du côté de la pauvreté, celle pas trop grave, genre bohème, mais banale qui fait habiter dans une chambre de bonne, supporter les inconvénients de la promiscuité et rechercher ces petits riens, ces rares moments de défoulement ou d'impertinence qui donnent d'éphémères et fugaces instants de bonheur.

Les profils psychologiques des deux personnages sont subtilement élaborés, puis finement étudiés, analysés, au fil de la narration, avec une inversion, un basculement "dominant - dominé", s'inscrivant en douceur dans le déroulement de la pièce. La confrontation, involontaire au début, Peter se laissant tout d'abord porter par le récit de Jerry, devient plus prégnante, incisive, ce dernier portant ses propos plus sur des questionnements existentiels sur la vie, sur les injonctions à la normalité de la société et la réalité pitoyable – selon lui – de l'existence de Peter… cela sous prétexte d'une prise de pouvoir de son espace vital de repos qu'est le banc que celui-ci utilise pour sa pause déjeuner.

La rencontre fortuite entre ces deux humains est en réalité un faux-semblant, tout comme la prétendue histoire du zoo qui ne viendra jamais, Edward Albee (1928-2016) proposant ici une réflexion sur les dérives de la société humaine qui, au fil des décennies, a construit toujours plus de barrières entre elle et le vivant, créant le terreau des détresses ordinaires et des grandes solitudes. Ce constat fait dans les années cinquante par l'auteur américain de "Qui a peur de Virginia Woolf ?" se révèle plus que jamais d'actualité avec l'évolution actuelle de notre monde dans lequel l'individualisme a pris le pas sur le collectif.

Gil Chauveau
15/09/2023