La Revue du Spectacle, le magazine des arts de la scène et du spectacle vivant. Infos théâtre, chanson, café-théâtre, cirque, arts de la rue, agenda, CD, etc.



Augmenter la taille du texte
Diminuer la taille du texte
Partager
Trib'Une

Olympe de Gouges… La femme naît libre et doit être égale à l’homme en droits…

La chronique d'Isa-belle L

Reprise ! "Un commerce d’hommes ! Grand Dieu ! Et la nature ne frémit pas ? S’ils sont des animaux, ne le sommes-nous pas comme eux ?" Olympe de Gouges. Réflexions sur les hommes nègres, 1788 (France).
"Des commerces ouverts le dimanche et les hommes laissent faire cela ? Gagner plus en travaillant le dimanche… le plus simple ne serait-il pas d’augmenter le Smic ?" Isabelle Lauriou. Réflexions sur les salaires, 2012 (France).



© Hannah Palmer.
© Hannah Palmer.
J’ai pris du retard Olympe. J’ai troqué ta plume contre un clavier et me suis endormie sur ta biographie. Tel est le monde d’aujourd’hui. Tout ce que tu veux savoir sur quelqu’un, tu le trouves en deux temps trois mouvements. J’ai tapé sur mon "ordi" : "Olympe de Gouges", après avoir applaudi la prestation d’une troupe aux multiples talents et, "portée par ta fougue, je me suis emportée au loin mais le son de ta voix m’est revenu ce matin car cette chronique, je te la dois bien".

Olympe de Gouges n’a pas manqué d’enthousiasme. Je lui ressemble un peu. En revanche, je préférerais ne pas finir comme elle. Bien qu’encore à notre époque, tout ne soit pas simple pour les langues bien "pendues". Les femmes préférant ouvrir leurs bouches que dégrafer leurs soutiens gorges sont rangées illico dans la catégorie "caractérielles" ou deviennent : "black listées" - nouvelle expression de l’année. Très en vogue dans le milieu du spectacle.

Olympe, je ne suis pas certaine que ce monde d’aujourd’hui, "moderne" comme on dit, te plairait tant que cela si tu y trainais ta robe en taffetas. L’électricité a remplacé les chandelles, le clavier : la plume et les encriers, la langue française s’anglicise à la moindre contrariété, les laissés pour compte se comptent par millions, l’égalité homme femme n’a guère progressé et pourtant, en matière d’égalité, tu n’as pas lésiné avec ta déclaration des "droits de la femme et de la citoyenne". (1791)

© Hannah Palmer.
© Hannah Palmer.
Ton nom, Olympe de Gouges, m’est apparu au Mémorial de l’abolition de l’esclavage. Je ne te connaissais pas et voilà que je tombe, si j’ose dire, sur cette réflexion sur les hommes nègres. J’ai su d’emblée que j’allais beaucoup t’apprécier.

J’en reviens au présent et au Guichet Montparnasse. Au spectacle que j’ai vu l’autre soir.
Voici donc ma nouvelle chronique avant cette fin du monde, annoncée le 21 décembre, quelques jours avant Noël. Voici mon cadeau déballé pour une citoyenne féministe enRagée.

Une grande dame dans un petit espace. Olympe de Gouges au Guichet Montparnasse. Elle mériterait bien le stade de France ou l’Olympia. Oui. L’Olympia pour Olympe fallait y penser !
La vie est mal faite quand même ! Quand je pense qu’un pseudo comique désengagé a bénéficié d’un stade pour balancer des propos aussi gras que plats, aussi graveleux que vulgaires. Le monde a changé. Le pire, c’est que ce "comique", personne ne peut le faire taire. Si cette fin du monde qu’on nous prédit est toujours d’actualité, la bonne nouvelle c’est qu’on en sera débarrassé.

Pendant que le monde tremble à l’idée de se voir définitivement engloutit, Olympe de Gouges ressuscite. Au guichet Montparnasse vous en avez deux pour le prix d’une. Quand je dis qu’elle ressuscite, je ne raconte pas de cracks. Elle revient, sous les traits d’Annie Vergne d’abord. Vieillie. Quelques deux cents années plus tard, imaginez ! Elle a plutôt bonne mine pour quelqu’un qui a traversé les siècles. Elle atterrit dans un appartement où un jeune homme se prend la tête préparant une thèse sur les droits de la femme. Le théâtre est un lieu incroyable. Où tout devient possible, où tout devient crédible. Olympe surgit, l’homme bondit et se demande bien qui elle est, d’où elle vient et le calme renaît. Les femmes sont douées pour apaiser.

© Hannah Palmer.
© Hannah Palmer.
Olympe de Gouges. La femme qui tombe à pic. La femme qui vient de loin.
"La vie entre mes mains. Elle prend des risques. Ça n’est jamais, jamais en vain. D’aventure en aventure, elle poursuit son chemin. Elle prend la vie comme elle vient. Car elle croit au destin".

Je n’ai jamais accroché sur la série "L’homme qui tombe à pic", mais je pique les paroles du générique, et toc !

Je reprends ma chronique. Clavier face à l’écran. J’irai moins vite avec de l’encre. Logique !

Sur la scène du Guichet Montparnasse. Peu de décor, c’est toujours mieux pour profiter des acteurs. Il y a donc la vraie Olympe à qui, Juliette Stevez, comédienne très classe, donne toute sa grâce. Il y a Olympe, deux cents ans plus tard, incarnée par Annie Vergne, touchante. Puis ce beau et talentueux Ghislain Geiger à la voix délicieusement ensorceleuse.

Un trio délicat, impliqué et magistral, au service d’une femme, artiste indépendante et engagée. Aucun rapport, mais je pense à ce comique qui a sévi au Stade de France. J’imagine Olympe de Gouges lui adressant la parole et lui, incapable de dialoguer sans émettre une grossièreté. La célébrité fait mal au cœur. Quand on l’acquiert on perd neurones et notions de politesse. Une cure d’Olympe de Gouges vaut tous les coups de pieds aux fesses !

© Hannah Palmer.
© Hannah Palmer.
Olympe de Gouges pourrait être une amie à moi. Sa plume est mon clavier. Son papier est mon écran. Sa colère est légitime, son combat héroïque. C’est bien qu’elle ressuscite un moment. Pour les hommes, ce soir-là, très présents.

Je saute une ligne et je reviens à Juliette. La comédienne qui incarne Olympe au XVIIIe siècle. Épatante. Émouvante. Captivante. Sidérante.
C’est l’avantage des petites salles ça. La découverte. Vive Juliette ! Et je saute une ligne de nouveau.

De Juliette à Olympe, d’Annie à Ghislain, je vais devenir schizo ! Ou sténo dactylo. En revanche, j’aurais galéré avec mon encrier !

Olympe de Gouges, je l’ai donc rencontrée par hasard au Mémorial dédié à la lutte négrière. Je longeais ce site assez incroyable, où s’entremêlaient aux mots : la pluie et le vent. Il ne faisait pas beau. Visiter un mémorial sous les gouttes, c’est bien. On s’y abrite en se cultivant. J’ai donc découvert à l’ombre de mon parapluie, le texte court mis en exergue.

© Hannah Palmer.
© Hannah Palmer.
Au théâtre du Guichet Montparnasse, la thèse de notre jeune homme a pris un nouveau tournant, progressivement les pages se sont noircies. Olympe, calmement, lui a tout dit.

Dans le noir, j’ai regardé un homme assis non loin de moi. Il a soufflé deux ou trois fois.
Chaud ? Mal à l’aise ? Agacé ?
"La femme naît libre et demeure égale à l’homme en droits". Article premier de la déclaration des droits de la femme et de la citoyenne – Olympe de Gouges – 1791.

Dans le noir, j’ai regardé un homme assis non loin de moi. Il a soufflé deux ou trois fois.
Impressionné ?

Olympe de Gouges, j’ai été ravie de vous rencontrer. Et de vous voir ressusciter, le temps d’un soir.

NOIR (ou black).

"Olympe de Gouges porteuse d'Espoir"

Texte : Annie Vergne et Clarissa Palmer.
D’après les écrits d’Olympe de Gouges.
Mise en scène : Annie Vergne.
Assistant à la mise en scène : Julien Séchaud.
Avec : Ghislain Geiger (Sébastien), Juliette Stevez (Olympe de Gouges au XVIIIe siècle), Annie Vergne (Olympe vue par l’imaginaire de Sébastien).
Décor : Pierre Bailly.
Musique originale : Nicolas Van Melle.
Costumes : Clarissa Palmer.

À lire absolument : "Olympe de Gouges, porteuse d’Espoir" de Annie Vergne et Clarissa Palmer (version bilingue français et anglais), Collection Théâtre des 5 continents, Éditions de L’Harmattan.

Reprise du 9 septembre au 16 décembre 2018.
Dimanche à 15 h.
Théâtre Le Guichet Montparnasse, Paris 14e, 01 43 27 88 61.
>> guichetmontparnasse.com

Première publication le 19 décembre 2012.

Isabelle Lauriou
Mercredi 5 Septembre 2018

Nouveau commentaire :

Théâtre | Danse | Concerts & Lyrique | À l'affiche | À l'affiche bis | Cirque & Rue | Humour | Festivals | Pitchouns | Paroles & Musique | Avignon 2017 | Avignon 2018 | Avignon 2019 | CédéDévédé | Trib'Une | RV du Jour | Pièce du boucher | Coulisses & Cie | Coin de l’œil | Archives | Avignon 2021 | Avignon 2022 | Avignon 2023 | Avignon 2024 | À l'affiche ter | Avignon 2025







À Découvrir

"Lilou et Lino Le Voyage vers les étoiles" Petit à petit, les chats deviennent l'âme de la maison*

Qu'il est bon de se retrouver dans une salle de spectacle !
Qu'il est agréable de quitter la jungle urbaine pour un moment de calme…
Qu'il est hallucinant de risquer encore plus sa vie à vélo sur une piste cyclable !
Je ne pensais pas dire cela en pénétrant une salle bondée d'enfants, mais au bruit du dehors, très souvent infernal, j'ai vraiment apprécié l'instant et le brouhaha des petits, âgés, de 3 à 8 ans.

© Delphine Royer.
Sur scène du Théâtre Essaïon, un décor représente une chambre d'enfant, celle d'une petite fille exactement. Cette petite fille est interprétée par la vive et solaire Vanessa Luna Nahoum, tiens ! "Luna" dans son prénom, ça tombe si bien. Car c'est sur la lune que nous allons voyager avec elle. Et les enfants, sages comme des images, puisque, non seulement, Vanessa a le don d'adoucir les plus dissipés qui, très vite, sont totalement captés par la douceur des mots employés, mais aussi parce que Vanessa apporte sa voix suave et apaisée à l'enfant qu'elle incarne parfaitement. Un modèle pour les parents présents dans la salle et un régal pour tous ses "mini" yeux rivés sur la scène. Face à la comédienne.

Vanessa Luna Nahoum est Lilou et son chat – Lino – n'est plus là. Ses parents lui racontent qu'il s'est envolé dans les étoiles pour y pêcher. Quelle étrange idée ! Mais la vie sans son chat, si belle âme, à la fois réconfortante, câline et surprenante, elle ne s'y résout pas comme ça. Elle l'adore "trop" son animal de compagnie et qui, pour ne pas comprendre cela ? Personne ce matin en tout cas. Au contraire, les réactions fusent, le verbe est bien choisi. Les enfants sont entraînés dans cette folie douce que propose Lilou : construire une fusée et aller rendre visite à son gros minet.

Isabelle Lauriou
15/05/2025
Spectacle à la Une

"Un Chapeau de paille d'Italie" Une version singulière et explosive interrogeant nos libertés individuelles face aux normalisations sociétales et idéologiques

Si l'art de générer des productions enthousiastes et inventives est incontestablement dans l'ADN de la compagnie L'Éternel Été, l'engagement citoyen fait aussi partie de la démarche créative de ses membres. La présente proposition ne déroge pas à la règle. Ainsi, Emmanuel Besnault et Benoît Gruel nous offrent une version décoiffante, vive, presque juvénile, mais diablement ancrée dans les problématiques actuelles, du "Chapeau de paille d'Italie"… pièce d'Eugène Labiche, véritable référence du vaudeville.

© Philippe Hanula.
L'argument, simple, n'en reste pas moins source de quiproquos, de riantes ficelles propres à la comédie et d'une bonne dose de situations grotesques, burlesques, voire absurdes. À l'aube d'un mariage des plus prometteurs avec la très florale Hélène – née sans doute dans les roses… ornant les pépinières parentales –, le fringant Fadinard se lance dans une quête effrénée pour récupérer un chapeau de paille d'Italie… Pour remplacer celui croqué – en guise de petit-déj ! – par un membre de la gent équestre, moteur exclusif de son hippomobile, ci-devant fiacre. À noter que le chapeau alimentaire appartenait à une belle – porteuse d'une alliance – en rendez-vous coupable avec un soldat, sans doute Apollon à ses heures perdues.

N'ayant pas vocation à pérenniser toute forme d'adaptation académique, nos deux metteurs en scène vont imaginer que cette histoire absurde est un songe, le songe d'une nuit… niché au creux du voyage ensommeillé de l'aimable Fadinard. Accrochez-vous à votre oreiller ! La pièce la plus célèbre de Labiche se transforme en une nouvelle comédie explosive, électro-onirique ! Comme un rêve habité de nounours dans un sommeil moelleux peuplé d'êtres extravagants en doudounes orange.

Gil Chauveau
11/03/2024
Spectacle à la Une

"La vie secrète des vieux" Aimer même trop, même mal… Aimer jusqu'à la déchirure

"Telle est ma quête", ainsi parlait l'Homme de la Mancha de Jacques Brel au Théâtre des Champs-Élysées en 1968… Une quête qu'ont fait leur cette troupe de vieux messieurs et vieilles dames "indignes" (cf. "La vieille dame indigne" de René Allio, 1965, véritable ode à la liberté) avides de vivre "jusqu'au bout" (ouaf… la crudité revendiquée de leur langue émancipée y autorise) ce qui constitue, n'en déplaise aux catholiques conservateurs, le sel de l'existence. Autour de leur metteur en scène, Mohamed El Khatib, ils vont bousculer les règles de la bienséance apprise pour dire sereinement l'amour chevillé au corps des vieux.

© Christophe Raynaud de Lage.
Votre ticket n'est plus valable. Prenez vos pilules, jouez au Monopoly, au Scrabble, regardez la télé… des jeux de votre âge quoi ! Et surtout, ayez la dignité d'attendre la mort en silence, on ne veut pas entendre vos jérémiades et – encore moins ! – vos chuchotements de plaisir et vos cris d'amour… Mohamed El Khatib, fin observateur des us et coutumes de nos sociétés occidentales, a documenté son projet théâtral par une série d'entretiens pris sur le vif en Ehpad au moment de la Covid, des mouroirs avec eau et électricité à tous les étages. Autour de lui et d'une aide-soignante, artiste professionnelle pétillante de malice, vont exister pleinement huit vieux et vieilles revendiquant avec une belle tranquillité leur droit au sexe et à l'amour (ce sont, aussi, des sentimentaux, pas que des addicts de la baise).

Un fauteuil roulant poussé par un vieux très guilleret fait son entrée… On nous avertit alors qu'en fonction du grand âge des participant(e)s au plateau, et malgré les deux défibrillateurs à disposition, certain(e)s sont susceptibles de mourir sur scène, ce qui – on l'admettra aisément – est un meilleur destin que mourir en Ehpad… Humour noir et vieilles dentelles, le ton est donné. De son fauteuil, la doyenne de la troupe, 91 ans, Belge et ancienne présentatrice du journal TV, va ar-ti-cu-ler son texte, elle qui a renoncé à son abonnement à la Comédie-Française car "ils" ne savent plus scander, un vrai scandale ! Confiant plus sérieusement que, ce qui lui manque aujourd'hui – elle qui a eu la chance d'avoir beaucoup d'hommes –, c'est d'embrasser quelqu'un sur la bouche et de manquer à quelqu'un.

Yves Kafka
30/08/2024