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Cirque & Rue

"Moya" Du cirque coloré, dansé, théâtral, musical et inclusif !

Ils sont d'Afrique du Sud et apportent avec eux leur culture en mariant le cirque avec de la musique, de la danse, des chansons et du théâtre. Dans ce kaléidoscope artistique, Zip Zap Circus délivre aussi, dans son univers de facéties et de joie, un message politique en œuvrant activement depuis plus de trente ans à la cohésion sociale dans leur pays.



© Joan Ward.
© Joan Ward.
Ils sont dix et viennent avec un message arc-en-ciel de paix et inclusif qu'ils portent artistiquement avec brio. "Moya", le nom de leur spectacle, est un mot zoulou qui signifie esprit, air, âme et vent.

C'est frais et joyeux, et le tout démarre avec des couleurs vives. Il y a de la musique et des chansons, dont deux françaises. Zip Zap Circus, créé en 1992 et venu tout droit du Cap, apporte un soin tout particulier à faire honneur au pays qui l'accueille pour ces représentations parisiennes, comme ils portent une attention particulière à promouvoir un message d'inclusion dans leur création. C'est à la fois une troupe et une école de cirque qui favorisent la cohésion sociale en permettant aux jeunes d'Afrique du Sud de pouvoir prendre en main leur vie via une pratique artistique. Depuis plus de trente ans, Zip Zap Circus a déjà aidé des milliers de jeunes et certains ont pu intégrer la compagnie.

Le spectacle est composé de différents tableaux avec une sorte de monsieur Loyal (Luqmaan Benjamin) qui joue le rôle d'animateur et de joyeux luron en effectuant quelques acrobaties. À dessein, il n'est pas intégré au début dans le groupe. Il incarne en effet l'individu malhabile de ses mains et de son corps, un peu rejeté par les autres. Mais il n'en est rien, car il est le fil rouge de la représentation en jouant de farces et de facéties.

© Joseph Banderet.
© Joseph Banderet.
Les tableaux vont au-delà de l'univers du cirque. Il y a de la danse, du théâtre et de la chanson dans une très belle dynamique de groupe.

Pour le volet danse, une chorégraphie de danse contemporaine, tout en synchronisation, est effectuée. Dans un second temps, place au Gumboot, danse venant d'Afrique du Sud qui a pris naissance au début du XIXe siècle avec des mineurs noirs victimes d'Apartheid, comme toute population noire dans le pays de 1948 à 1991. Le Gumboot est aujourd'hui présent sur tout le continent africain. Chaussés de bottes blanches, les artistes tapent de façon synchronisée sur celles-ci en pliant légèrement le tronc et en faisant quelques pas sur le côté avec le pied droit qui s'allonge, alors que la jambe gauche opère un pas de côté en tournoyant légèrement. Cela donne au spectacle une direction plus rythmée, avec une tension plus importante dans les mouvements.

Plus loin, une roue allemande apparaît où l'artiste finit son numéro, le corps étendu sur l'anneau, fessier et tronc un peu relevés durant plusieurs oscillations de roue, faisant corps avec son accessoire. Ailleurs, de très belles figures sont effectuées dans les airs à l'aide d'un grand tissu rouge par Bridgette Berning. Son corps se plie et se déplie, monte et descend par la force de ses bras. La mise en tension qu'elle effectue avec son corps lui permet d'opérer des clés et des figures acrobatiques. Tout est en grâce avec cette figure longitudinale qui effectue des déplacements rotatifs dans les airs.

© Joan Ward.
© Joan Ward.
Ailleurs, place à la banquine où des porteurs réalisent une poussée de leurs mains entrecroisées, appelée banquette, pour lancer dans les airs un troisième circassien. C'est un enchaînement de différentes figures de ce type qui s'effectuent dans un autre genre avec les sangles aériennes.

Une série de jonglages avec des boules est réalisée entre Jason Barnard et Luqmaan Benjamin, situés l'un en face de l'autre. À tour de rôle, ils empilent un nombre de plus en plus important de boules. C'est beau, gracieux, tout en synchronisation entre les deux circassiens qui s'amusent à changer de position durant leur jonglage. De belles figures, toujours régulières, se dessinent avec les balles en rebond blanches qui se calent dans la paume de leurs mains.

Les acrobaties s'enchaînent en série. Zip Zap Circus est un groupe soudé, avec aucun numéro qui ne se trouve être en solo, même pour ceux qui devraient l'être, comme pour le tissu rouge où l'on voit, à dessein, en arrière-scène des artistes de la troupe prendre part à un mécanisme de tirage de lourdes cordes afin que Bridgette Berning puisse effectuer ses figures rotatives en la faisant monter et descendre. De même, le jonglage, avec des quilles, démarre en solo puis rapidement, d'autres membres s'intègrent en duo ou en groupe dans le numéro.

C'est festif, joyeux et très agréable à regarder. C'est aussi un message pour tous avec Monsieur Loyal qui, au final, est accepté et intégré dans le groupe, lui qui était en marge de celle-ci malgré ses appels. Le spectacle puise son terreau dans un sol artistique où chacun, néophyte et connaisseur, petit et grand, jeune et âgé, s'y retrouve. Un vrai régal !
◙ Safidin Alouache

"Moya"

© Joan Ward.
© Joan Ward.
Metteur en scène : Brent van Rensburg.
Compositeur : Josh Hawks.
Collaborateurs : Nikolas Pulka, Sabine van Rensburg, Brin Schoellkopf.
Avec : Jason Barnard, Luqmaan Benjamin, Bridgette Berning, Jacobus Claassen, Masizakhe Kovi, Vuyani Lottering, Akho Narwele, Phelelani Ndakrokra, Matthew Risk, Lukhanyo Samson.
Chorégraphie : Adele Blank.
Costumes : Catherine Lourioux.
Assistante costumes : Beaura Jacobs.
Production : Zip Zap Circus.
Durée : 1 h.

Les représentations ont eu lieu du 11 au 29 décembre 2024 à l'espace Chapiteau, Parc de La Villette, Paris 19e.
>> lavillette.com

© Joseph Banderet.
© Joseph Banderet.

Safidin Alouache
Mercredi 15 Janvier 2025

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