La Revue du Spectacle, le magazine des arts de la scène et du spectacle vivant. Infos théâtre, chanson, café-théâtre, cirque, arts de la rue, agenda, CD, etc.



Augmenter la taille du texte
Diminuer la taille du texte
Partager
Concerts

Les "Jatekok" ou l'art pétillant du piano en duo

Le Duo Jatekok, composé des deux pianistes Naïri Badal et Adélaïde Panaget, s'est imposé avec fougue et talent dans le riche paysage des duettistes classiques. Classiques ? Plutôt joyeuses et créatives, ces deux jeunes femmes passionnées montreront cette semaine tout leur talent lors de l'édition 2016 de la Folle Journée de Nantes. Entretien avec Naïri Badal.



© 2016 Mairie de Lons. Tous droits réservés.
© 2016 Mairie de Lons. Tous droits réservés.
Elles ont la trentaine, sont amies dans la vie depuis leurs dix ans et leurs années de conservatoire. Elles ont noué en 2007, à l'occasion d'un concours de piano à quatre mains, la joyeuse relation sororale qui fonde l'âme de leur duo. Une relation faite de complicité et de soutien mutuel - bref la plus belle expérience d'une amitié humaine et artistique qui soit. Naïri Badal a bien voulu nous raconter les coulisses d'un duo à suivre.

Christine Ducq - Comment s'est formé le Duo Jatekok ?

Naïri Badal - Nous nous connaissons depuis longtemps. Beaucoup plus tard au conservatoire supérieur - pour l'obtention d'examens de musique de chambre - il fallait, entre autres, réussir une épreuve de piano à quatre mains et une autre à deux pianos. Nous les avons passées tout naturellement ensemble.

Ensuite Adélaïde m'a convaincue de passer le Concours de Valberg (un concours pour piano à quatre mains, Ndlr) l'été suivant. Cela nous changeait des concours de solistes ! Le répertoire nous a énormément plu, de même que le fait de jouer autrement en sortant de nos habitudes de jeu. Et ce, en nous amusant beaucoup ! Nous sommes arrivées en finale et ce résultat encourageant nous a incitées à continuer en duo.

Nous avons appris à fonctionner ensemble, à assumer une responsabilité vis-à-vis de l'autre - et nous nous sommes aussi rendu compte que nous étions plus fortes à deux. Aujourd'hui nous avons acquis une expérience scénique grâce aux personnes qui nous ont fait confiance et nous avons beaucoup appris.

Duo Jatekok © Geoffrey Arnoldy.
Duo Jatekok © Geoffrey Arnoldy.
Vous avez donc créé le duo en 2007 ?

Naïri Badal - Oui, mais le duo a vraiment acquis une stature professionnelle en 2010.

Le répertoire pour un duo de pianistes vous ouvre des possibilités qui n'existent pas pour un soliste. Un répertoire qu'on pourrait qualifier de "symphonique" ?

Naïri Badal - En effet. Il existe de nombreuses combinaisons. Nous avons en concert le choix de jouer à quatre mains (sur un seul piano, NDLR) ou sur deux pianos, et c'est très différent. Le quatre mains relève plutôt de la musique de chambre. Avec deux pianos existe une réelle dimension orchestrale avec des transcriptions de symphonies par exemple. Il existe un large répertoire pour ces deux types de jeu même si les compositeurs ont davantage écrit pour un seul piano - un concert avec deux pianos exige une vraie logistique et ce n'est pas toujours simple à mettre en place pour les organisateurs.

L'écriture pour quatre mains est très différente de celle pour deux pianos en ce qui concerne vos parties respectives…

Naïri Badal - En effet. On ne joue pas du tout de la même manière quand il faut partager un clavier ou si nous avons chacune le nôtre. Dans le quatre mains, l'une a la mélodie et l'autre assume le rôle de l'accompagnement, avec des variations et des échanges bien-sûr. Et il faut gérer la pédale pour l'autre, ce qui est très compliqué. Mais ce qui est très beau, c'est la dimension chorégraphique du jeu à quatre mains, les mouvements croisés, les passages de pédale.

À deux pianos nous pouvons jouer la même chose au même moment (cela s'appelle "se doubler"), on peut aussi jouer à la tierce en ayant toutes les deux la mélodie et l'accompagnement. Les partitions pour les œuvres à deux pianos s'apparentent finalement davantage à celles des solistes. Mais des solistes en duo qui visent davantage les effets, le rendu sonore que la stricte technique pianistique. Nous devons dans les deux cas cultiver notre sens de la cohésion.

© 2016 Mairie de Lons. Tous droits réservés.
© 2016 Mairie de Lons. Tous droits réservés.
Quand deux artistes jouent en duo forment-ils un nouvel individu créé à partir des deux ou chacun garde-t-il sa personnalité ?

Naïri Badal - C'est toute la question de la musique de chambre - qu'on joue en duo, trio ou quatuor. Il faut savoir préserver sa personnalité tout en faisant les compromis nécessaires : s'écouter, argumenter aussi au moment des choix artistiques pris en commun après mûre réflexion. C'est un pur bonheur de travailler ensemble. Nous nous enrichissons mutuellement et mûrissons de concert aussi - même si ce n'est pas toujours facile tous les jours (elle rit).

Comment définiriez-vous vos deux caractères ?

Naïri Badal - Voilà une question difficile mais qu'on nous pose de plus en plus souvent ! Ma réponse sera forcément subjective. Adélaïde sait ce qu'elle veut et a plutôt une conception globale des œuvres. Elle est d'une nature optimiste et doute assez peu. Moi, au contraire, je doute souvent et, avec ma propre sensibilité, je m'attache davantage aux petits détails qui me tiennent à cœur. Nos avançons cependant ensemble et sommes donc très complémentaires. En fait, nous jouons comme nous sommes dans la vie.

© Anjou Maine.
© Anjou Maine.
À votre avis quelles sont les qualités nécessaires pour former un duo ?

Naïri Badal - En ce qui nous concerne c'est l'amitié qui compte. Et aimer beaucoup parler ! (Elle rit). Notre duo est formé avant tout sur le désir du partage, l'amour de la musique et le plaisir.

Vous avez choisi un nom qui semble prouver un attachement à la musique contemporaine…

Naïri Badal - Nous avons joué cette pièce "Jàtékok" du compositeur hongrois György Kurtàg au Concours de Valberg justement. Nous l'avons adorée - comme le titre qui signifie "jeu". Sortant d'une période austère comme solistes nous nous sommes dit qu'il était temps de se faire plaisir !

Nous jouons régulièrement de la musique contemporaine mais ce n'est pas une spécialité. Notre répertoire s'étend du romantisme au XXe siècle avec une prédilection pour la musique de Ravel, Fauré ou Stravinsky.

Un des lieux de concerts de La Folle Journée © La Folle Journée de Nantes.
Un des lieux de concerts de La Folle Journée © La Folle Journée de Nantes.
C'est la deuxième fois que vous êtes invitées à la Folle Journée de Nantes ?

Naïri Badal - C'est notre troisième participation à cette manifestation dont l'esprit nous plaît beaucoup. C'est un peu comme un festival rock ! À Nantes, nous sortons des codes du concert classique et le public a une écoute incroyable.

Pour cette édition 2016, dont le thème est la nature, nous avons deux programmes. Un autour du thème du bestiaire avec "Le Carnaval des Animaux" de Saint-Saëns et "Jurassic Trip" de Guillaume Connesson. Nous jouerons avec des instrumentistes de l'Orchestre national des Pays de Loire. L'autre programme parlera "nature" avec le "Prélude à l'après-midi d'un faune" de Debussy et "Le Sacre du printemps" de Stravinsky - dans des transcriptions des compositeurs.

Interview réalisée le 27 janvier 2016.

Concerts du Duo Jatekok les 5, 6 et 7 février 2016.

La Folle Journée de Nantes.
Du 3 au 7 février 2016.
Cité internationale des Congrès, 5, rue de Valmy Nantes (44).
Tél. : 0 892 705 205 (0,40 € / min).
>> follejournee.fr
>> duojatekok.com


Christine Ducq
Mardi 2 Février 2016

Nouveau commentaire :

Concerts | Lyrique







À Découvrir

"Bienvenue Ailleurs" Faire sécession avec un monde à l'agonie pour tenter d'imaginer de nouveaux possibles

Sara a 16 ans… Une adolescente sur une planète bleue peuplée d’une humanité dont la grande majorité est sourde à entendre l’agonie annoncée, voire amorcée diront les plus lucides. Une ado sur le chemin de la prise de conscience et de la mutation, du passage du conflit générationnel… à l'écologie radicale. Aurélie Namur nous parle, dans "Bienvenue ailleurs", de rupture, de renversement, d'une jeunesse qui ne veut pas s'émanciper, mais rompre radicalement avec notre monde usé et dépassé… Le nouvel espoir d'une jeunesse inspirée ?

© PKL.
Sara a donc 16 ans lorsqu'elle découvre les images des incendies apocalyptiques qui embrasent l'Australie en 2020 (dont l'île Kangourou) qui blessent, brûlent, tuent kangourous et koalas. Images traumatiques qui vont déclencher les premiers regards critiques, les premières révoltes générées par les crimes humains sur l'environnement, sans évocation pour elle d'échelle de gravité, cela allant du rejet de solvant dans les rivières par Pimkie, de la pêche destructrice des bébés thons en passant de l'usage de terres rares (et les conséquences de leur extraction) dans les calculettes, les smartphones et bien d'autres actes criminels contre la planète et ses habitants non-humains.

Puisant ici son sujet dans les questionnements et problèmes écologiques actuels ou récurrents depuis de nombreuses années, Aurélie Namur explore le parcours de la révolte légitime d’une adolescente, dont les constats et leur expression suggèrent une violence sous-jacente réelle, puissante, et une cruelle lucidité, toutes deux fondées sur une rupture avec la société qui s'obstine à ne pas réagir de manière réellement efficace face au réchauffement climatique, à l'usure inconsidérée – et exclusivement humaine – de la planète, à la perte de confiance dans les hommes politiques, etc.

Composée de trois fragments ("Revoir les kangourous", "Dézinguée" et "Qui la connaît, cette vie qu'on mène ?") et d'un interlude** – permettant à la jeunesse de prendre corps "dansant" –, la pièce d'Aurélie Namur s'articule autour d'une trajectoire singulière, celle d'une jeune fille, quittant le foyer familial pour, petit à petit, s'orienter vers l'écologie radicale, et de son absence sur le plateau, le récit étant porté par Camila, sa mère, puis par Aimé, son amour, et, enfin, par Pauline, son amie. Venant compléter ce trio narrateur, le musicien Sergio Perera et sa narration instrumentale.

Gil Chauveau
10/12/2024
Spectacle à la Une

"Dub" Unité et harmonie dans la différence !

La dernière création d'Amala Dianor nous plonge dans l'univers du Dub. Au travers de différents tableaux, le chorégraphe manie avec rythme et subtilité les multiples visages du 6ᵉ art dans lequel il bâtit un puzzle artistique où ce qui lie l'ensemble est une gestuelle en opposition de styles, à la fois virevoltante et hachée, qu'ondulante et courbe.

© Pierre Gondard.
En arrière-scène, dans une lumière un peu sombre, la scénographie laisse découvrir sept grands carrés vides disposés les uns sur les autres. Celui situé en bas et au centre dessine une entrée. L'ensemble représente ainsi une maison, grande demeure avec ses pièces vides.

Devant cette scénographie, onze danseurs investissent les planches à tour de rôle, chacun y apportant sa griffe, sa marque par le style de danse qu'il incarne, comme à l'image du Dub, genre musical issu du reggae jamaïcain dont l'origine est due à une erreur de gravure de disque de l'ingénieur du son Osbourne Ruddock, alias King Tubby, en mettant du reggae en version instrumentale. En 1967, en Jamaïque, le disc-jockey Rudy Redwood va le diffuser dans un dance floor. Le succès est immédiat.

L'apogée du Dub a eu lieu dans les années soixante-dix jusqu'au milieu des années quatre-vingt. Les codes ont changé depuis, le mariage d'une hétérogénéité de tendances musicales est, depuis de nombreuses années, devenu courant. Le Dub met en exergue le couple rythmique basse et batterie en lui incorporant des effets sonores. Awir Leon, situé côté jardin derrière sa table de mixage, est aux commandes.

Safidin Alouache
17/12/2024
Spectacle à la Une

"R.O.B.I.N." Un spectacle jeune public intelligent et porteur de sens

Le trio d'auteurs, Clémence Barbier, Paul Moulin, Maïa Sandoz, s'emparent du mythique Robin des Bois avec une totale liberté. L'histoire ne se situe plus dans un passé lointain fait de combats de flèches et d'épées, mais dans une réalité explicitement beaucoup plus proche de nous : une ville moderne, sécuritaire. Dans cette adaptation destinée au jeune public, Robin est un enfant vivant pauvrement avec sa mère et sa sœur dans une sorte de cité tenue d'une main de fer par un être sans scrupules, richissime et profiteur.

© DR.
C'est l'injustice sociale que les auteurs et la metteure en scène Maïa Sandoz veulent mettre au premier plan des thèmes abordés. Notre époque, qui veut que les riches soient de plus en plus riches et les pauvres de plus pauvres, sert de caisse de résonance extrêmement puissante à cette intention. Rien n'étonne, en fait, lorsque la mère de Robin et de sa sœur, Christabelle, est jetée en prison pour avoir volé un peu de nourriture dans un supermarché pour nourrir ses enfants suite à la perte de son emploi et la disparition du père. Une histoire presque banale dans notre monde, mais un acte que le bon sens répugne à condamner, tandis que les lois économiques et politiques condamnent sans aucune conscience.

Le spectacle s'adresse au sens inné de la justice que portent en eux les enfants pour, en partant de cette situation aux allures tristement documentaires et réalistes, les emporter vers une fiction porteuse d'espoir, de rires et de rêves. Les enfants Robin et Christabelle échappent aux services sociaux d'aide à l'enfance pour s'introduire dans la forêt interdite et commencer une vie affranchie des règles injustes de la cité et de leur maître, quitte à risquer les foudres de la justice.

Bruno Fougniès
13/12/2024