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"Le Petit Prince" Pour rire de bon cœur avec les étoiles

Un aviateur, à la suite d'un souci mécanique sur son avion, doit se poser en urgence dans le désert du Sahara pour tenter de le réparer. Le lendemain de cet atterrissage forcé, il est réveillé par une petite voix insistante qui lui demande s'il peut lui dessiner un mouton ! Très surpris par cette miraculeuse apparition, l'aviateur obéit, mais aucun des dessins du mouton ne conviennent au jeune garçon. Sous l'apparence d'un conte pour enfants, Le Petit Prince relate à chaque chapitre une rencontre d'un tout jeune garçon qui le laisse perplexe : un monarque, un vaniteux, un ivrogne, un businessman propriétaire d'étoiles, un allumeur de réverbère, un vieil homme géographe, un serpent, un renard…



© Inès Millet.
© Inès Millet.
Qu'est-ce qui peut bien pousser encore à mettre en scène ce célèbre livre pour enfants écrit pour des adultes ? Il s'agit là d'une question que l'on peut se poser tant de nombreuses études, analyses, versions théâtrales et scéniques, cinématographiques, musicales ont déjà été faites de cette œuvre incontournable de la littérature.

Probablement, les créateurs(rices) ont-ils ou ont-elles, chacun(e), en leur for intérieur, des raisons bien distinctes et toutes personnelles : une certaine identification, des valeurs communes, des interrogations existentielles sur le monde et la nature humaine, des interprétations possibles de cette histoire qui leur sont propres ? Et, à ce titre, le champ des prospectives est large ! Il semblerait que ce soit le cas pour Florence Fouéré, directrice de la compagnie la Scala du Théo Théâtre, qui a décidé de reprogrammer en cette rentrée, dans son théâtre du XVe arrondissement de Paris, une nouvelle adaptation de l'œuvre.

Mais comment respecter une œuvre aussi célèbre sans la dénaturer, si tant est qu'un jour, il soit possible de décrypter véritablement les intentions profondes qui y ont été celles de Saint-Exupéry !

© Inès Millet.
© Inès Millet.
La fine équipe de la Scala s'y est frottée malgré tout et c'est à une bien jolie adaptation à laquelle nous avons assisté samedi 14 octobre dernier, fluide, interprétée de façon très professionnelle par les trois comédiens et comédiennes et, à certains égards, fort originale.

Notamment via le choix de voix narratives distinctes et polyphoniques interprétées avec brio par Séverine Wolff et Olivier Courbier mais aussi par l'apport sensuel ou virevoltant de musiques de jazz comme "My Favorite Things" de John Coltrane, "Cry me a river" d'Ella Fitzgerald, "So What", ou encore "Ascenseur pour l'échafaud" de Miles Davis. Des notes jazzy intemporelles qui renforcent le propos également intemporel de Saint-Ex.

Gageons que ce dernier aurait certainement apprécié ce choix musical, lui qui écoutait beaucoup de musiques variées et qui, précisément, était curieux de cette musique afro-américaine. De manière subtile, le jazz accentue l'empreinte à la fois légère et pessimiste de l'histoire et lui apporte une touche très particulière et fort agréable. Les titres n'ayant pas été choisis à la légère, de toute évidence.

© Inès Millet.
© Inès Millet.
Au fil de ces jolies notes musicales, les deux comédiennes et le comédien évoluent avec grâce, interprétant à tour de rôles différents personnages, à l'exception du Petit Prince. Qui d'autre que Charlotte Jouslin aurait pu incarner avec autant de poésie et de charisme ce jeune garçon aux cheveux blonds, si sensible et si attachant ?

Une mention toute particulière aussi à la comédienne Séverine Wolff, élégante dans sa gestuelle de danseuse formée au CNR de Strasbourg et dont la présence à chaque personnage interprété ravit et captive. Olivier Courbier n'est pas en reste dans le rôle du Buveur, de l'Aviateur, du Roi ou encore de l'Allumeur de réverbères. Ses très beaux costumes, agrémentés de masques de la Comedia d'ell Arte, séduisent incontestablement. Et un grand bravo à Séverine Wolff pour ces bien jolies tenues confectionnées avec goût, sans oublier Annmarie Petit pour le décor de l'avion échoué, néanmoins coloré et bien présent sur scène.

© Inès Millet.
© Inès Millet.
"Dans cette mise en scène, j'ai désiré travailler sur le passage du rire aux larmes, mais aussi sur la résilience. Le texte de la pièce n'a pas été édulcoré, car je tenais à ce que petits et grands découvrent ou redécouvrent ce beau texte de la littérature", Florence Fouéré.

Courez vite avec vos enfants, petits-enfants, ou même seul, pour découvrir cette charmante adaptation du Petit Prince au Théo Théâtre et demandez-vous, vous aussi, si "les étoiles rient toujours de bon cœur le soir", si le Petit Prince meurt à la fin ou s'il est parti retrouver sa rose amoureuse…

Autant de questions qui vous permettront d'échapper un tant soit peu à la fureur du monde ambiant du moment. Pour continuer à avancer…

"Le Petit Prince"

© Inès Millet.
© Inès Millet.
Texte : Antoine de Saint-Exupéry.
Mise en scène : Florence Fouéré.
Assistant mise en scène : Olivier Courbier.
Avec : Olivier Courbier, Charlotte Jouslin, Sévérine Wolff.
Décor : Annmarie Petit.
Costumes : Sévérine Wolff.
Tout public à partir de 6 ans.
Durée : 1 h.

Du 14 octobre au 23 décembre 2023.
Samedi à 17 h. Relâche les 28 novembre, 25novembre, 2 et 9 décembre.
Théo-Théâtre, Paris 15e, 01 45 54 00 16.
>> theotheatre.com

Brigitte Corrigou
Mercredi 25 Octobre 2023

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"L'Effet Papillon" Se laisser emporter au fil d'un simple vol de papillon pour une fascinante expérience

Vous pensez que vos choix sont libres ? Que vos pensées sont bien gardées dans votre esprit ? Que vous êtes éventuellement imprévisibles ? Et si ce n'était pas le cas ? Et si tout partait de vous… Ouvrez bien grands les yeux et vivez pleinement l'expérience de l'Effet Papillon !

© Pics.
Vous avez certainement entendu parler de "l'effet papillon", expression inventée par le mathématicien-météorologue Edward Lorenz, inventeur de la théorie du chaos, à partir d'un phénomène découvert en 1961. Ce phénomène insinue qu'il suffit de modifier de façon infime un paramètre dans un modèle météo pour que celui-ci s'amplifie progressivement et provoque, à long terme, des changements colossaux.

Par extension, l'expression sous-entend que les moindres petits événements peuvent déterminer des phénomènes qui paraissent imprévisibles et incontrôlables ou qu'une infime modification des conditions initiales peut engendrer rapidement des effets importants. Ainsi, les battements d'ailes d'un papillon au Brésil peuvent engendrer une tornade au Mexique ou au Texas !

C'est à partir de cette théorie que le mentaliste Taha Mansour nous invite à nouveau, en cette rentrée, à effectuer un voyage hors du commun. Son spectacle a reçu un succès notoire au Sham's Théâtre lors du Festival d'Avignon cet été dernier.

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"Le mystérieux est le plus beau sentiment que l'on peut ressentir", Albert Einstein. Et si le plus beau spectacle de mentalisme du moment, en cette rentrée parisienne, c'était celui-là ? Car Tahar Mansour y est fascinant à plusieurs niveaux, lui qui voulait devenir ingénieur, pour qui "Centrale" n'a aucun secret, mais qui, pourtant, a toujours eu une âme d'artiste bien ancrée au fond de lui. Le secret de ce spectacle exceptionnel et époustouflant serait-il là, niché au cœur du rationnel et de la poésie ?

Brigitte Corrigou
08/09/2023
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La comédie musicale rock de Broadway enfin en France ! Récompensée quatre fois aux Tony Awards, Hedwig, la chanteuse transsexuelle germano-américaine, est-allemande, dont la carrière n'a jamais démarré, est accompagnée de son mari croate,Yithak, qui est aussi son assistant et choriste, mais avec lequel elle entretient des relations malsaines, et de son groupe, the Angry Inch. Tout cela pour retracer son parcours de vie pour le moins chaotique : Berlin Est, son adolescence de mauvais garçon, son besoin de liberté, sa passion pour le rock, sa transformation en Hedwig après une opération bâclée qui lui permet de quitter l'Allemagne en épouse d'un GI américain, ce, grâce au soutien sans failles de sa mère…

© Grégory Juppin.
Hedwig bouscule les codes de la bienséance et va jusqu'au bout de ses rêves.
Ni femme, ni homme, entre humour queer et confidences trash, il/elle raconte surtout l'histoire de son premier amour devenu l'une des plus grandes stars du rock, Tommy Gnosis, qui ne cessera de le/la hanter et de le/la poursuivre à sa manière.

"Hedwig and the Angry inch" a vu le jour pour la première fois en 1998, au Off Broadway, dans les caves, sous la direction de John Cameron Mitchell. C'est d'ailleurs lui-même qui l'adaptera au cinéma en 2001. C'est la version de 2014, avec Neil Patrick Harris dans le rôle-titre, qui remporte les quatre Tony Awards, dont celui de la meilleure reprise de comédie musicale.

Ce soir-là, c'était la première fois que nous assistions à un spectacle au Théâtre du Rouge Gorge, alors que nous venons pourtant au Festival depuis de nombreuses années ! Situé au pied du Palais des Papes, du centre historique et du non moins connu hôtel de la Mirande, il s'agit là d'un lieu de la ville close pour le moins pittoresque et exceptionnel.

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Central Park, à l'heure de la pause déjeuner. Un homme seul profite de sa quotidienne séquence de répit, sur un banc, symbole de ce minuscule territoire devenu son havre de paix. Dans ce moment voulu comme une trêve face à la folie du monde et aux contraintes de la société laborieuse, un homme surgit sans raison apparente, venant briser la solitude du travailleur au repos. Entrant dans la narration d'un pseudo-récit, il va bouleverser l'ordre des choses, inverser les pouvoirs et détruire les convictions, pour le simple jeu – absurde ? – de la mise en exergue de nos inhumanités et de nos dérives solitaires.

© Alejandro Guerrero.
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La rencontre fortuite entre ces deux humains est en réalité un faux-semblant, tout comme la prétendue histoire du zoo qui ne viendra jamais, Edward Albee (1928-2016) proposant ici une réflexion sur les dérives de la société humaine qui, au fil des décennies, a construit toujours plus de barrières entre elle et le vivant, créant le terreau des détresses ordinaires et des grandes solitudes. Ce constat fait dans les années cinquante par l'auteur américain de "Qui a peur de Virginia Woolf ?" se révèle plus que jamais d'actualité avec l'évolution actuelle de notre monde dans lequel l'individualisme a pris le pas sur le collectif.

Gil Chauveau
15/09/2023