La Revue du Spectacle, le magazine des arts de la scène et du spectacle vivant. Infos théâtre, chanson, café-théâtre, cirque, arts de la rue, agenda, CD, etc.



Augmenter la taille du texte
Diminuer la taille du texte
Partager
Pitchouns

"L'Arbre d'Hipollène" Un spectacle pluridisciplinaire coloré, jouissif et philosophique comme une invitation au rêve

Un spectacle dans lequel le parcours initiatique d'une petite fille revêt des aspects bien plus philosophiques qu'il n'y paraît. Entre poésie, univers merveilleux et monde fantastique.



© DR.
© DR.
Hipollène est un petit être anthropomorphique (mi-petite fille, mi-écureuil), bientôt grande. Elle est confrontée au départ d'un être cher, sa grand-mère. Alors débute pour elle un long parcours initiatique au cœur des racines de son arbre refuge au cours duquel elle devra affronter ses propres peurs et sa finitude pour finalement accepter la mort et en sortir grandie. Mais parallèlement, son père a décidé de lui apprendre la chasse aux glousses et leur habitation dans l'arbre sans fin ne lui rendra pas les choses faciles !

L'arbre pleure à cause de la disparition de grand-mère et Hipollène se transforme en larme, tant elle est emportée par le chagrin. C'est ainsi que se déroule pour elle un voyage picaresque via sa découverte de la vie aidée par tout un tas de personnages déjantés et loufoques. En un mot, des personnages "pontiesques" à l'envie.

Trois ans ! Il a fallu trois ans à la Nad Compagnie pour donner naissance à ce bien joli spectacle jeune public - mais pas que -, libre adaptation de l'album de Claude Ponti "L'Arbre sans fin", auteur-illustrateur phare de l'École des Loisirs depuis fort longtemps. Trois années durant lesquelles l'équipe artistique a œuvré bec et ongles sous les houlettes érudites et passionnées de Mathias le Cartonneur à la conception des décors aidé par Jean-Marie Gallardo et Joëlle Clerc de la société Orgacompte pour les gigantesques décors pop-up. Sans oublier Nicolas Audouze (Spontus), Rafaël Monteiro et Olivier Guernion aux lumières, effets spéciaux et numéros de magie.

© DR.
© DR.
Le tout sublimé par une mise en scène d'Aymeric de Nadaillac qui participe largement à emporter petits et grands vers un ailleurs duquel on aimerait ne pas revenir. Aidé du comédien Kader Taibaoui dans sa collaboration artistique, le metteur en scène n'a pas démérité dans ses intentions, multiples et foisonnantes, tant l'univers de Ponti le permet. Un univers où domine le rêve pour tenter d'échapper à une réalité bien souvent cruelle voire sinistre à laquelle malheureusement personne n'échappe.

"J'ai besoin de dire les choses autrement que ce qu'il est convenu de dire quand je m'adresse aux enfants. Parce que la convenance, c'est une prison !", dit Claude Ponti. Tout le talent d'Aymeric de Nadaillac et des trois autres comédiens dans ce spectacle a été de sublimer cette profonde réflexion de l'auteur. Des décors pop-up grandioses et colorés virevoltent sur le plateau, montent dans les cintres, des marionnettes gesticulent et prennent vie grâce à Jean-François Mann ; la comédienne circassienne Fanny Passelaigue, si attachante, captive les regards aux côtés de l'acrobate comédien Alex Dey qui rassure par son charisme protecteur. Sans oublier la chanteuse lyrique, danseuse et claquettiste Diane Viaz à la voix cristalline et si mélodieuse.

Une belle équipe en coulisses que celle-ci qui a su mettre en valeur tout cet univers foisonnant de Claude Ponti sans ostentation inutile ni message subliminal abscons. Les escaliers et les portes parlent et prennent vie sur scène en donnant une touche d'humour à l'ensemble de la représentation, les créations vidéo égayent l'ensemble en convainquant le public de battre la mesure et d'exulter, le monstre fait vraiment peur et lors de la première où nous étions, une fillette a dû quitter la salle. Le pari est gagné !

© DR.
© DR.
"L'Arbre d'Hipollène" est une adaptation vertigineuse de l'album de Claude Ponti, une œuvre pétillante non dépourvue d'une certaine gravité, présente forcément aussi dans l'adaptation d'Aymeric de Nadaillac. La mise en scène dépasse le simple propos de la fragilité de l'existence pour démontrer avec brio que l'humain a surmonté, surmonte et surmontera encore longtemps les épreuves de la vie.

Ce spectacle est virevoltant, coloré, jouissif, philosophique - juste ce qu'il faut-, pétillant et nous inculque notamment que la vie est "bellissima" et que les racines des arbres sont l'invisible nécessaire à ce que les glousses croissent, meurent et renaissent encore et encore. Encore faut-il savoir les attraper ! Croyez en vos rêves et surtout ne les loupez pas cet été à Avignon. Le cirque, le chant lyrique (arrangé par Marie Lizé et Martino Roberts), l'acrobatie, la magie, la vidéo, les claquettes. Que demander de plus pour être littéralement transporté dans ce que le théâtre propose d'essentiel et de libérateur…

"L'Arbre d'Hipollène"

Création jeune public.
Librement adapté de "L'Arbre sans fin" de Claude Ponti.
Mise en scène : Aymeric de Nadillac.
Avec : Alex Dey, Diane Vaz, Aymeric de Naillac, Fanny Passelaigue.
Scénographie : Aymeric de Nadaillac et Joëlle Clerc.
Chant : Diane Viaz.
Conception pop-up : Jean-Marie Gallardo et Orgacompte.
Arrangements musicaux : Martino Roberts.
Magie et effets spéciaux : Nicolas Audouze et Spontus.
Costumes : Madeleine Lhospitallier et Louis-Antoine Hernadez.
Marionnettes : Jean-François Mann.
Conception décors : Mathias Le Cartonneur.
Animation vidéo : Damien Caravagno.
Par la NAD Compagnie.

A été représenté du 18 au 27 février 2022 au Théâtre du Gymnase à Paris.

Sera présent à Avignon Off 2022 (du 7 au 30 juillet) à la Chapelle des Italiens, 33-35 rue Paul Saïn.

>> lanadcompagnie.com

Brigitte Corrigou
Mardi 1 Mars 2022

Nouveau commentaire :

Théâtre | Danse | Concerts & Lyrique | À l'affiche | À l'affiche bis | Cirque & Rue | Humour | Festivals | Pitchouns | Paroles & Musique | Avignon 2017 | Avignon 2018 | Avignon 2019 | CédéDévédé | Trib'Une | RV du Jour | Pièce du boucher | Coulisses & Cie | Coin de l’œil | Archives | Avignon 2021 | Avignon 2022 | Avignon 2023 | Avignon 2024 | À l'affiche ter





Numéros Papier

Anciens Numéros de La Revue du Spectacle (10)

Vente des numéros "Collectors" de La Revue du Spectacle.
10 euros l'exemplaire, frais de port compris.






À découvrir

"Rimbaud Cavalcades !" Voyage cycliste au cœur du poétique pays d'Arthur

"Je m'en allais, les poings dans mes poches crevées…", Arthur Rimbaud.
Quel plaisir de boucler une année 2022 en voyageant au XIXe siècle ! Après Albert Einstein, je me retrouve face à Arthur Rimbaud. Qu'il était beau ! Le comédien qui lui colle à la peau s'appelle Romain Puyuelo et le moins que je puisse écrire, c'est qu'il a réchauffé corps et cœur au théâtre de l'Essaïon pour mon plus grand bonheur !

© François Vila.
Rimbaud ! Je me souviens encore de ses poèmes, en particulier "Ma bohème" dont l'intro est citée plus haut, que nous apprenions à l'école et que j'avais déclamé en chantant (et tirant sur mon pull) devant la classe et le maître d'école.

Beauté ! Comment imaginer qu'un jeune homme de 17 ans à peine puisse écrire de si sublimes poèmes ? Relire Rimbaud, se plonger dans sa bio et venir découvrir ce seul en scène. Voilà qui fera un très beau de cadeau de Noël !

C'est de saison et ça se passe donc à l'Essaïon. Le comédien prend corps et nous invite au voyage pendant plus d'une heure. "Il s'en va, seul, les poings sur son guidon à défaut de ne pas avoir de cheval …". Et il raconte l'histoire d'un homme "brûlé" par un métier qui ne le passionne plus et qui, soudain, décide de tout quitter. Appart, boulot, pour suivre les traces de ce poète incroyablement doué que fut Arthur Rimbaud.

Isabelle Lauriou
25/03/2024
Spectacle à la Une

"Le consentement" Monologue intense pour une tentative de récit libératoire

Le livre avait défrayé la chronique à sa sortie en levant le voile sur les relations pédophiles subies par Vanessa Springora, couvertes par un milieu culturel et par une époque permissive où ce délit n'était pas considéré comme tel, même quand celui-ci était connu, car déclaré publiquement par son agresseur sexuel, un écrivain connu. Sébastien Davis nous en montre les ressorts autant intimes qu'extimes où, sous les traits de Ludivine Sagnier, la protagoniste nous en fait le récit.

© Christophe Raynaud de Lage.
Côté cour, Ludivine Sagnier attend à côté de Pierre Belleville le démarrage du spectacle, avant qu'elle n'investisse le plateau. Puis, pleine lumière où V. (Ludivine Sagnier) apparaît habillée en bas de jogging et des baskets avec un haut-le-corps. Elle commence son récit avec le visage fatigué et les traits tirés. En arrière-scène, un voile translucide ferme le plateau où parfois V. plante ses mains en étirant son corps après chaque séquence. Dans ces instants, c'est presque une ombre que l'on devine avec une voix, continuant sa narration, un peu en écho, comme à la fois proche, par le volume sonore, et distante par la modification de timbre qui en est effectuée.

Dans cet entre-deux où le spectacle n'a pas encore débuté, c'est autant la comédienne que l'on voit qu'une inconnue, puisqu'en dehors du plateau et se tenant à l'ombre, comme mise de côté sur une scène pourtant déjà éclairée avec un public pas très attentif de ce qui se passe.

Safidin Alouache
21/03/2024
Spectacle à la Une

"Un prince"… Seul en scène riche et pluriel !

Dans une mise en scène de Marie-Christine Orry et un texte d'Émilie Frèche, Sami Bouajila incarne, dans un monologue, avec superbe et talent, un personnage dont on ignore à peu près tout, dans un prisme qui brasse différents espaces-temps.

© Olivier Werner.
Lumière sur un monticule qui recouvre en grande partie le plateau, puis le protagoniste du spectacle apparaît fébrilement, titubant un peu et en dépliant maladroitement, à dessein, son petit tabouret de camping. Le corps est chancelant, presque fragile, puis sa voix se fait entendre pour commencer un monologue qui a autant des allures de récit que de narration.

Dans ce monologue dans lequel alternent passé et présent, souvenirs et réalité, Sami Bouajila déploie une gamme d'émotions très étendue allant d'une voix tâtonnante, hésitante pour ensuite se retrouver dans un beau costume, dans une autre scène, sous un autre éclairage, le buste droit, les jambes bien plantées au sol, avec un volume sonore fort et bien dosé. La voix et le corps sont les deux piliers qui donnent tout le volume théâtral au caractère. L'évidence même pour tout comédien, sauf qu'avec Sami Bouajila, cette évidence est poussée à la perfection.

Toute la puissance créative du comédien déborde de sincérité et de vérité avec ces deux éléments. Nul besoin d'une couronne ou d'un crucifix pour interpréter un roi ou Jésus, il nous le montre en utilisant un large spectre vocal et corporel pour incarner son propre personnage. Son rapport à l'espace est dans un périmètre de jeu réduit sur toute la longueur de l'avant-scène.

Safidin Alouache
12/03/2024