La Revue du Spectacle, le magazine des arts de la scène et du spectacle vivant. Infos théâtre, chanson, café-théâtre, cirque, arts de la rue, agenda, CD, etc.



Augmenter la taille du texte
Diminuer la taille du texte
Partager
CédéDévédé

Des "Quintettes pour Piano et Cordes", le nec plus ultra de l’Ars Gallica

La violoniste américano-japonaise Yoé Miyazaki réunit de grands interprètes français en gravant sur CD cinq des fleurons des Quintettes pour Piano et Cordes français composés entre 1856 et 1920. Un très bel enregistrement qui fait revivre les plus connus (ceux de Saint-Saëns et de César Franck) comme des pièces méconnues (à tort) de Louis Vierne et Charles Marie Widor.



Le projet de Yoé Miyazaki dans lequel s’inscrit cet événement - le "Yoe’s Project Supra" - vise depuis quelques années à renforcer les liens entre les arts musicaux japonais et européens mais aussi à faire redécouvrir des chefs-d’œuvre parfois oubliés. Et c’est toujours en très bonne compagnie. Dans cet enregistrement de cinq quintettes français - des formations destinées à cinq solistes -, nous sommes heureux de retrouver le violoniste Jean-Pierre Wallez, son mentor de toujours. Mais aussi des artistes qu’on ne présente plus : l’altiste Bruno Pasquier (lancé en 1972 par Lorin Maazel), le pianiste Bruno Rigutto (disciple unique du légendaire Samson François). Sans oublier le pianiste François-Joël Thiollier (avec ses huit grands prix internationaux) et le violoncelliste que la Revue préfère : Henri Demarquette (lui qui fut choisi par Hélène Grimaud et Yehudi Menuhi à ses débuts).

Trois CD retracent donc la légende de la création chambriste française. Le "Quintette pour Piano et Cordes" opus 14 est composé dès 1855 par un Camille Saint-Saëns âgé de vingt ans. Une composition novatrice, qui répond à son "Quatuor avec Piano" donné un an auparavant, une forme alors inconnue en France. Force est de constater à l’écoute que Saint-Saëns est à juste titre considéré comme le père du renouveau de la musique française - qui mène jusqu’à Claude Debussy et Maurice Ravel. C’est encore à Saint-Saëns qu’on doit la création (avec Romain Bussine) de la Société nationale de Musique en 1871, une digue destinée à arrêter la vague romantique germanique (bientôt wagnériste). Sa devise "Ars Gallica" disait bien la volonté de défendre la musique instrumentale française (et qui comptait parmi ses membres des compositeurs éminents tels César Franck, Jules Massenet, Gabriel Fauré et Henri Duparc, entre autres). On écoutera donc avec délectation le fameux (et unique) "Quintette en fa mineur" de César Franck, chef d’œuvre sublime de 1879, dédié justement à Saint-Saëns. Une œuvre magistrale de modernité composée selon Vincent d’Indy (son élève) dans sa dernière et meilleure période de création.

Mais on sera également ravis de (re)faire connaissance avec deux "Quintettes" de Charles Marie Widor. Ce compositeur très prolifique, ami de Gioacchino Rossini et Darius Milhaud, incarne le classicisme dès 1867, avec son opus 7 écrit à vingt-trois ans - et pour une forme toujours peu connue en France. A fortiori, en 1894, son opus 68 permet de mesurer l’évolution de son art. Last but not least, on aura l’émotion de retrouver le "Quintette en ut mineur" opus 42 de Louis Vierne, l’élève de César Franck et Charles Marie Widor. Œuvre pathétique et résolue de 1920, elle est un véritable ex-voto dédiée à son fils Jacques, engagé volontaire en 1914 à seize ans et fusillé pour l’exemple en 1917 comme objecteur de conscience par les séides du colonel Pétain (un parmi ces milliers qui attendent d’être réhabilités en cette année 2014 de commémoration). L’interprétation homogène et de haute volée rend un bel hommage à ces pionniers.

● "Quintettes pour Piano et Cordes". César Franck, Louis Vierne, Charles Marie Widor, Camille Saint-Saëns.
Coffret 3 CD.
Production : 2PYM01.
Distribution : D.E.M.
Sortie : 15 novembre 2013.

Jean-Pierre Wallez, Yoé Miyazaki, violons.
Bruno Pasquier, alto.
Henri Demarquette, violoncelle.
Bruno Rigutto (Franck, Vierne), François-Joël Thiollier (Widor, Saint-Saëns), pianos.

Christine Ducq
Mardi 7 Janvier 2014

Nouveau commentaire :

Théâtre | Danse | Concerts & Lyrique | À l'affiche | À l'affiche bis | Cirque & Rue | Humour | Festivals | Pitchouns | Paroles & Musique | Avignon 2017 | Avignon 2018 | Avignon 2019 | CédéDévédé | Trib'Une | RV du Jour | Pièce du boucher | Coulisses & Cie | Coin de l’œil | Archives | Avignon 2021 | Avignon 2022 | Avignon 2023 | Avignon 2024 | À l'affiche ter | Avignon 2025












À Découvrir

"La Chute" Une adaptation réussie portée par un jeu d'une force organique hors du commun

Dans un bar à matelots d'Amsterdam, le Mexico-City, un homme interpelle un autre homme.
Une longue conversation s'initie entre eux. Jean-Baptiste Clamence, le narrateur, exerçant dans ce bar l'intriguant métier de juge-pénitent, fait lui-même les questions et les réponses face à son interlocuteur muet.

© Philippe Hanula.
Il commence alors à lever le voile sur son passé glorieux et sa vie d'avocat parisien. Une vie réussie et brillante, jusqu'au jour où il croise une jeune femme sur le pont Royal à Paris, et qu'elle se jette dans la Seine juste après son passage. Il ne fera rien pour tenter de la sauver. Dès lors, Clamence commence sa "chute" et finit par se remémorer les événements noirs de son passé.

Il en est ainsi à chaque fois que nous prévoyons d'assister à une adaptation d'une œuvre d'Albert Camus : un frémissement d'incertitude et la crainte bien tangible d'être déçue nous titillent systématiquement. Car nous portons l'auteur en question au pinacle, tout comme Jacques Galaud, l'enseignant-initiateur bien inspiré auprès du comédien auquel, il a proposé, un jour, cette adaptation.

Pas de raison particulière pour que, cette fois-ci, il en eût été autrement… D'autant plus qu'à nos yeux, ce roman de Camus recèle en lui bien des considérations qui nous sont propres depuis toujours : le moi, la conscience, le sens de la vie, l'absurdité de cette dernière, la solitude, la culpabilité. Entre autres.

Brigitte Corrigou
09/10/2024
Spectacle à la Une

"Very Math Trip" Comment se réconcilier avec les maths

"Very Math Trip" est un "one-math-show" qui pourra réconcilier les "traumatisés(es)" de cette matière que sont les maths. Mais il faudra vous accrocher, car le cours est assuré par un professeur vraiment pas comme les autres !

© DR.
Ce spectacle, c'est avant tout un livre publié par les Éditions Flammarion en 2019 et qui a reçu en 2021 le 1er prix " La Science se livre". L'auteur en est Manu Houdart, professeur de mathématiques belge et personnage assez emblématique dans son pays. Manu Houdart vulgarise les mathématiques depuis plusieurs années et obtient le prix de " l'Innovation pédagogique" qui lui est décerné par la reine Paola en personne. Il crée aussi la maison des Maths, un lieu dédié à l'apprentissage des maths et du numérique par le jeu.

Chaque chapitre de cet ouvrage se clôt par un "Waooh" enthousiaste. Cet enthousiasme opère aussi chez les spectateurs à l'occasion de cet one-man-show exceptionnel. Un spectacle familial et réjouissant dirigé et mis en scène par Thomas Le Douarec, metteur en scène du célèbre spectacle "Les Hommes viennent de Mars et les femmes de Vénus".

N'est-ce pas un pari fou que de chercher à faire aimer les mathématiques ? Surtout en France, pays où l'inimitié pour cette matière est très notoire chez de nombreux élèves. Il suffit pour s'en faire une idée de consulter les résultats du rapport PISA 2022. Rapport édifiant : notre pays se situe à la dernière position des pays européens et avant-dernière des pays de l'OCDE.
Il faut urgemment reconsidérer les bases, Monsieur le ministre !

Brigitte Corrigou
12/04/2025
Spectacle à la Une

"La vie secrète des vieux" Aimer même trop, même mal… Aimer jusqu'à la déchirure

"Telle est ma quête", ainsi parlait l'Homme de la Mancha de Jacques Brel au Théâtre des Champs-Élysées en 1968… Une quête qu'ont fait leur cette troupe de vieux messieurs et vieilles dames "indignes" (cf. "La vieille dame indigne" de René Allio, 1965, véritable ode à la liberté) avides de vivre "jusqu'au bout" (ouaf… la crudité revendiquée de leur langue émancipée y autorise) ce qui constitue, n'en déplaise aux catholiques conservateurs, le sel de l'existence. Autour de leur metteur en scène, Mohamed El Khatib, ils vont bousculer les règles de la bienséance apprise pour dire sereinement l'amour chevillé au corps des vieux.

© Christophe Raynaud de Lage.
Votre ticket n'est plus valable. Prenez vos pilules, jouez au Monopoly, au Scrabble, regardez la télé… des jeux de votre âge quoi ! Et surtout, ayez la dignité d'attendre la mort en silence, on ne veut pas entendre vos jérémiades et – encore moins ! – vos chuchotements de plaisir et vos cris d'amour… Mohamed El Khatib, fin observateur des us et coutumes de nos sociétés occidentales, a documenté son projet théâtral par une série d'entretiens pris sur le vif en Ehpad au moment de la Covid, des mouroirs avec eau et électricité à tous les étages. Autour de lui et d'une aide-soignante, artiste professionnelle pétillante de malice, vont exister pleinement huit vieux et vieilles revendiquant avec une belle tranquillité leur droit au sexe et à l'amour (ce sont, aussi, des sentimentaux, pas que des addicts de la baise).

Un fauteuil roulant poussé par un vieux très guilleret fait son entrée… On nous avertit alors qu'en fonction du grand âge des participant(e)s au plateau, et malgré les deux défibrillateurs à disposition, certain(e)s sont susceptibles de mourir sur scène, ce qui – on l'admettra aisément – est un meilleur destin que mourir en Ehpad… Humour noir et vieilles dentelles, le ton est donné. De son fauteuil, la doyenne de la troupe, 91 ans, Belge et ancienne présentatrice du journal TV, va ar-ti-cu-ler son texte, elle qui a renoncé à son abonnement à la Comédie-Française car "ils" ne savent plus scander, un vrai scandale ! Confiant plus sérieusement que, ce qui lui manque aujourd'hui – elle qui a eu la chance d'avoir beaucoup d'hommes –, c'est d'embrasser quelqu'un sur la bouche et de manquer à quelqu'un.

Yves Kafka
30/08/2024