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Avignon Off 2013 : Les aventures savoureuses et terriblement humaines de Grand-Bec et Touki

"Si loin, si haut !", Collège de la Salle, Avignon

Grand bec est un drôle d’oiseau en forme de petit d’homme et Touki est plutôt un chien au caractère gentil. Ils sont célèbres aux Pays-Bas et sont des personnages de courts métrages de dessins animés au graphisme épuré.



© Baptiste Hamousin.
© Baptiste Hamousin.
Lorsque la Compagnie Rouge les Anges a voulu créer leurs marionnettes, l’auteur Wouter van Reek a été enthousiaste et a même créé pour le spectacle "Si loin, si haut !" des vidéos.
Et c’est beau.

Grand bec et Touki aiment le confort de la maison qu’ils partagent en commun et jouer. Ils aiment apprendre et bricoler. En dépit du temps qui passe et des espaces de rêverie qui leurs sont propres et peuvent les éloigner de temps en temps. Ils sont touchants car ils savent se réconcilier sans reproche. En fait, ils sont inséparables. Qu’il fasse pluie, qu’il fasse vent.

Dans "Si beau si loin !", le spectateur lit de prime abord le désir de chaleur, la peur de l’abandon, le rêve de décrocher les nuages. Le plaisir simple d’une vie paisible.

© Baptiste Hamousin.
© Baptiste Hamousin.
À bien y regarder, pendant que Gros bec bricole de manière désordonnée une échelle aventureuse, Touki (comme le peintre Mondrian), lui, s’essaie( sans y parvenir vraiment) à tout ranger par formes et par couleurs.

Le récit, dans sa simplicité, prend de l’épaisseur et dans sa totalité exprime le tâtonnement d’un monde qui recherche un ordre qui le constituerait. Une recherche métaphysique de l’essence de la vie.

Rien que de très humain en somme.

© Baptiste Hamousin.
© Baptiste Hamousin.
Avec beaucoup de sobriété de finesse et de malice les comédiens disposent de leur castelet à grande ouverture comme d’une avant -scène, d’une table à manipulation ou d’une page d’un livre maquette, d’un pop-up.

Ce dispositif de mise en abyme permet de jouer avec calme et dynamisme les dimensions de l’espace et du temps, d’exprimer les liens entre le concret et l’imaginaire avec beaucoup de fluidité. D’ouvrir et de refermer sans drame les portes des sentiments.

Que les parents peuvent expliquer à leurs enfants sages.

N.B. : D’après les livres de Wouter van Reek (Editions Bayard Jeunesse) : "Mauvais temps" et "La grande échelle". Traduction : Joëlle Cariou.

"Si loin, si haut"

© Baptiste Hamousin.
© Baptiste Hamousin.
Texte : Wouter van Reek.
Mise en scène : Laurence Belet.
Interprètes : Jano Bonnin, Philippe Gelda, Denis Lagrâce.
Lumières, régie : Marco Gosselin.
Montage vidéo, régie : Joël Abriac.
Décor : Pierre Gosselin.
Marionnettes : L. Belet, L. Besson.
Objets, accessoires : Marie Senga.
Musique originale : Philippe Gelda.
Vidéos : Wouter van Reek.
Spectacle à partir de trois ans.
Durée : 40 minutes.
Compagnie Rouges les Anges.

Avignon Off 2013.
Du 8 au 31 juillet 2013.
Tous les jours à 17 h.
Collège de la Salle, Salle de Classe, Avignon, 04 32 76 20 12.

Jean Grapin
Vendredi 19 Juillet 2013

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"L'Effet Papillon" Se laisser emporter au fil d'un simple vol de papillon pour une fascinante expérience

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© Pics.
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© Grégory Juppin.
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© Alejandro Guerrero.
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Les profils psychologiques des deux personnages sont subtilement élaborés, puis finement étudiés, analysés, au fil de la narration, avec une inversion, un basculement "dominant - dominé", s'inscrivant en douceur dans le déroulement de la pièce. La confrontation, involontaire au début, Peter se laissant tout d'abord porter par le récit de Jerry, devient plus prégnante, incisive, ce dernier portant ses propos plus sur des questionnements existentiels sur la vie, sur les injonctions à la normalité de la société et la réalité pitoyable – selon lui – de l'existence de Peter… cela sous prétexte d'une prise de pouvoir de son espace vital de repos qu'est le banc que celui-ci utilise pour sa pause déjeuner.

La rencontre fortuite entre ces deux humains est en réalité un faux-semblant, tout comme la prétendue histoire du zoo qui ne viendra jamais, Edward Albee (1928-2016) proposant ici une réflexion sur les dérives de la société humaine qui, au fil des décennies, a construit toujours plus de barrières entre elle et le vivant, créant le terreau des détresses ordinaires et des grandes solitudes. Ce constat fait dans les années cinquante par l'auteur américain de "Qui a peur de Virginia Woolf ?" se révèle plus que jamais d'actualité avec l'évolution actuelle de notre monde dans lequel l'individualisme a pris le pas sur le collectif.

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15/09/2023