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Trib'Une

Une balade à la découverte de l’art septentrional, c’est top !

Future rubrique "Expos"

Votre reporter préférée s’est promenée le long des canaux et des rues de la jolie métropole lilloise et a repéré pour vous trois créateurs de la scène artistique septentrionale qui valent le déplacement. En voiture pour un riche voyage ensoleillé (eh oui !) à la rencontre de Marie-Jo Bétrémieux, Victor Torren et Claude Raquet !



Bains d'oiseaux ©  Marie-Jo Bétrémieux.
Bains d'oiseaux © Marie-Jo Bétrémieux.
Sous le soleil, cette dynamique région du Nord, qui abrite une scène artistique des plus florissantes, brille de tous ses charmes. J’ai eu la chance de rencontrer au cours de mes promenades trois artistes originaux et attachants. C’est avec joie que je partage ici avec vous mes coups de cœur ! Mon choix s’est porté sur la céramique fine et classieuse de la charmante Marie-Jo Bétrémieux, sur les images cinétiques et mystérieuses de l’énigmatique Victor Torren et sur les sculptures déliées et acrobates de Claude Raquet. Je vous fiche mon billet qu’on en entendra reparler !

C’est dans son atelier, qui donne sur un très beau jardin que me reçoit Marie-Jo Bétrémieux. Avec son beau sourire bienveillant, elle me présente une œuvre riche et aventurière. Des objets décoratifs de toute beauté et de la vaisselle en émail, en porcelaine, en des alliages improbables travaillés sensuellement au tour, mais pas seulement. Ce qu’elle crée est frappé au coin des péripéties et des accidents de la matière, après cuisson. Et c’est beau.

"Didon" ©  Marie-Jo Bétrémieux.
"Didon" © Marie-Jo Bétrémieux.
Approfondissant diverses techniques, cette artiste - passée par les Beaux Arts et l’atelier de V. Besangez - modèle la terre, l’émail, la silice, la pâte avec kaolin (pour la porcelaine), le papier, entre autres. Et tout un théâtre fantastique prend vie : des guerrières en dentelle ("Didon"), des outres fabriquées avec de la cendre ("Cendrillon"), des boîtes de Pandore contenant des pensées du jour glissées avant cuisson ("Kubik"), sans oublier ces "Bains d‘oiseaux" en grès noir, à piquer dans le sol d’un jardin.

C’est simple, la quête d’une nouvelle matière est un "bonheur vital" pour Marie-Jo Bétrémieux qui n’est jamais plus heureuse que "les mains dans la terre" ! C’est une évidence que son œuvre céramique fertile irradie les joies de la terre, nous rendant plus intimes les lourds secrets de sa vie secrète.

© Victor Torren.
© Victor Torren.
Une autre fois, plus loin sur cette belle terre Nordeste, me voilà arrêtée et envoûtée par les "Cutxeros" de Victor Torren. Des images intrigantes et hybrides qui font penser aux encres de Victor Hugo, aux collages surréalistes - Victor Torren fut le fondateur de la section locale du mouvement surréaliste à 13 ans ! -, voire à certains aspects du travail de Marcel Duchamp.

Mais les images radicalement inédites de Victor Torren sont irréductibles à toutes ces références. "Cutxeros" est un travail archéologique passionnant sur ce que recèle l’image, sa puissance latente de révélation et, ce, avec les moyens modernes de la photocopieuse. Posant la question de la matérialité, les images de l’artiste décomposent le mouvement, se font écran de projection de nos fantasmes. Un théâtre mental au scalpel (ce n’est pas une métaphore) qui dissèque clandestinement les rêves, ou plutôt les cauchemars de Torren.

© Victor Torren.
© Victor Torren.
Ce faisant, ce sont nos hantises, nos mémoires médusées que revisitent des œuvres marquées par les thèmes de l’enfance, de la mort, de la violence, de la disparition. Un processus de persistance rétinienne, rappelé du royaume du passé par la photocopieuse et les entailles, s’entête dans ces mystérieux "Sisyphe", "Les Maîtres", "Le Trou noir" ou encore "La Terrasse accablée". Autant de monstres hybrides conçus en série sur lesquels l’artiste ne s’épanche guère, timide et légèrement ironique. C’est que Victor Torren se voit en artisan de l’ombre, lui qui arpente les souterrains de notre imaginaire.

© Claude Raquet.
© Claude Raquet.
Enfin, last but not least, au Nord, il y a du nouveau et ce sont les élégantes sculptures de Claude Raquet : un travail magnifique qui réenchante le rêve d’équilibre de la pierre, de l’acier et du verre. Ce sculpteur diplômé des Beaux Arts de Belgique aime travailler la terre, la pierre et le métal, avec le souci tantôt d’une force, tantôt d’une grâce toute serpentine des matières élémentaires taillées, soudées ou fondues.

La nature et le corps humain sont ses champs d’observation privilégiés et sa devise se décline dans toutes ses œuvres : "Tout s’écoule, rien ne reste tel." Le métal de "Couple" s’oxyde, vit sa vie, évoluant avec les aléas du temps. Ses "Murs Murs" dressent leurs bouches muettes, prisonnières des galets du Boulonnais que l’artiste a ramassés patiemment aux Caps Blanc-Nez et Gris-Nez - des têtes qui formaient primitivement un ensemble de 400 pièces dans une installation ! Les thèmes qui nourrissent ce travail sont, entre autres, l’amour, l’échange, la ductilité des sentiments, la danse, la ronde des planètes.

© Claude Raquet.
© Claude Raquet.
Métal vieilli, ou couleurs rouge et noire, les pièces se tiennent en équilibre pour une brève éternité humaine : "Porte-bonheur", fragile sur sa pierre de minier ; un danseur-bilboquet prêt pour le "Grand saut" ; un "Dialogue" en extérieur, qui rappelle le dispositif du peintre dans "Meurtre dans un jardin anglais" pour capturer le paysage. Dans le regard de Claude Raquet, concentré et rêveur, je vois briller ces flammes qu’il a éternisées en bleu dans un très beau travail. Parce que décidément les rêves méritent de durer. Notons que l’artiste travaille désormais le verre. Enchanteur, vous dis-je.

L’œuvre de Marie-Jo Bétrémieux est en dépôt à la galerie associative Lasécu,
26, rue Bourjembois, Lille (59).
>> lasecu.org

Pour les œuvres de Victor Torren et Claude Raquet, laissez vos coordonnées ci-dessous ("Nouveau commentaire").

Christine Ducq
Mardi 30 Juillet 2013


1.Posté par B Robert le 05/08/2013 13:22
Bravo pour ces articles qui donnent envie de sortir de Bruay quand on va voir son père! Béatrice

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"Le Chef-d'œuvre Inconnu" Histoire fascinante transcendée par le théâtre et le génie d'une comédienne

À Paris, près du quai des Grands-Augustins, au début du XVIIe siècle, trois peintres devisent sur leur art. L'un est un jeune inconnu promis à la gloire : Nicolas Poussin. Le deuxième, Franz Porbus, portraitiste du roi Henri IV, est dans la plénitude de son talent et au faîte de sa renommée. Le troisième, le vieux Maître Frenhofer, personnage imaginé par Balzac, a côtoyé les plus grands maîtres et assimilé leurs leçons. Il met la dernière main dans le plus grand secret à un mystérieux "chef-d'œuvre".

© Jean-François Delon.
Il faudra que Gilette, la compagne de Poussin, en qui Frenhofer espère trouver le modèle idéal, soit admise dans l'atelier du peintre, pour que Porbus et Poussin découvrent le tableau dont Frenhofer gardait jalousement le secret et sur lequel il travaille depuis 10 ans. Cette découverte les plongera dans la stupéfaction !

Quelle autre salle de spectacle aurait pu accueillir avec autant de justesse cette adaptation théâtrale de la célèbre nouvelle de Balzac ? Une petite salle grande comme un mouchoir de poche, chaleureuse et hospitalière malgré ses murs tout en pierres, bien connue des férus(es) de théâtre et nichée au cœur du Marais ?

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Pour peu que l'on foule de temps en temps les planches des théâtres en tant que comédiens(nes) amateurs(es), on saura doublement jauger à quel point jouer est un métier hors du commun !
C'est une grande leçon de théâtre que nous propose là la Compagnie de la Rencontre, et surtout Catherine Aymerie. Une très grande leçon !

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"L'Effet Papillon" Se laisser emporter au fil d'un simple vol de papillon pour une fascinante expérience

Vous pensez que vos choix sont libres ? Que vos pensées sont bien gardées dans votre esprit ? Que vous êtes éventuellement imprévisibles ? Et si ce n'était pas le cas ? Et si tout partait de vous… Ouvrez bien grands les yeux et vivez pleinement l'expérience de l'Effet Papillon !

© Pics.
Vous avez certainement entendu parler de "l'effet papillon", expression inventée par le mathématicien-météorologue Edward Lorenz, inventeur de la théorie du chaos, à partir d'un phénomène découvert en 1961. Ce phénomène insinue qu'il suffit de modifier de façon infime un paramètre dans un modèle météo pour que celui-ci s'amplifie progressivement et provoque, à long terme, des changements colossaux.

Par extension, l'expression sous-entend que les moindres petits événements peuvent déterminer des phénomènes qui paraissent imprévisibles et incontrôlables ou qu'une infime modification des conditions initiales peut engendrer rapidement des effets importants. Ainsi, les battements d'ailes d'un papillon au Brésil peuvent engendrer une tornade au Mexique ou au Texas !

C'est à partir de cette théorie que le mentaliste Taha Mansour nous invite à nouveau, en cette rentrée, à effectuer un voyage hors du commun. Son spectacle a reçu un succès notoire au Sham's Théâtre lors du Festival d'Avignon cet été dernier.

Impossible que quiconque sorte "indemne" de cette phénoménale prestation, ni que nos certitudes sur "le monde comme il va", et surtout sur nous-mêmes, ne soient bousculées, chamboulées, contrariées.

"Le mystérieux est le plus beau sentiment que l'on peut ressentir", Albert Einstein. Et si le plus beau spectacle de mentalisme du moment, en cette rentrée parisienne, c'était celui-là ? Car Tahar Mansour y est fascinant à plusieurs niveaux, lui qui voulait devenir ingénieur, pour qui "Centrale" n'a aucun secret, mais qui, pourtant, a toujours eu une âme d'artiste bien ancrée au fond de lui. Le secret de ce spectacle exceptionnel et époustouflant serait-il là, niché au cœur du rationnel et de la poésie ?

Brigitte Corrigou
08/09/2023
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"Deux mains, la liberté" Un huis clos intense qui nous plonge aux sources du mal

Le mal s'appelle Heinrich Himmler, chef des SS et de la Gestapo, organisateur des camps de concentration du Troisième Reich, très proche d'Hitler depuis le tout début de l'ascension de ce dernier, près de vingt ans avant la Deuxième Guerre mondiale. Himmler ressemble par son physique et sa pensée à un petit, banal, médiocre fonctionnaire.

© Christel Billault.
Ordonné, pratique, méthodique, il organise l'extermination des marginaux et des Juifs comme un gestionnaire. Point. Il aurait été, comme son sous-fifre Adolf Eichmann, le type même décrit par Hannah Arendt comme étant la "banalité du mal". Mais Himmler échappa à son procès en se donnant la mort. Parfois, rien n'est plus monstrueux que la banalité, l'ordre, la médiocrité.

Malgré la pâleur de leur personnalité, les noms de ces âmes de fonctionnaires sont gravés dans notre mémoire collective comme l'incarnation du Mal et de l'inimaginable, quand d'autres noms - dont les actes furent éblouissants d'humanité - restent dans l'ombre. Parmi eux, Oskar Schindler et sa liste ont été sauvés de l'oubli grâce au film de Steven Spielberg, mais également par la distinction qui lui a été faite d'être reconnu "Juste parmi les nations". D'autres n'ont eu aucune de ces deux chances. Ainsi, le héros de cette pièce, Félix Kersten, oublié.

Joseph Kessel lui consacra pourtant un livre, "Les Mains du miracle", et, aujourd'hui, Antoine Nouel, l'auteur de la pièce, l'incarne dans la pièce qu'il a également mise en scène. C'est un investissement total que ce comédien a mis dans ce projet pour sortir des nimbes le visage étonnant de ce personnage de l'Histoire qui, par son action, a fait libérer près de 100 000 victimes du régime nazi. Des chiffres qui font tourner la tête, mais il est le résultat d'une volonté patiente qui, durant des années, négocia la vie contre le don.

Bruno Fougniès
15/10/2023