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La d[a]nsité poétique des chansons denses de Frédéric Pagès

Deux âmes, deux cœurs, entre France et Brésil, entre paroles et musiques, unis pour un même poétique et universel chant... Ce permanent voyage des mots et des maux de nos dérives, parfois joyeuses, parfois désespérantes, c'est celui de Frédéric Pagès... Et son neuvième album est à l'image de ce chanteur-voyageur qui use des rimes et des rythmes avec la virtuosité du jongleur de rêves... puisant l'énergie dans les éternels futurs récits de nos contemporains.



Promo CD Pagès © DR.
Promo CD Pagès © DR.
Avec la poésie comme exigence textuelle, l'ouverture aux musiques de monde pour tisser la trame de ses compositions - tantôt chatoyantes, tantôt sombres -, la complicité instrumentale comme credo et le partage/échange comme terrain d'aventures, Frédéric Pagès poursuit, depuis des années, un parcours artistique atypique, d'un continent à l'autre, au fil des rencontres, des fidèles collaborations, variant les pratiques artistiques... et développant l'originalité de ses créations.

Dans la multitude de ses aventures, on peut notamment retenir la création et l'animation, dans les années quatre-vingt-dix, de l'AGEM (Atelier Grenoble Espace Musical) ; ses nombreux concerts et créations (dans le cadre de l'Année de la France au Brésil) en Amazonie, à Diadema et à Porto Alegre ; son projet "Avec Nougaro" en cours d'élaboration, avec la complicité de Hélène Nougaro ; et ses différentes mises en musique de poèmes de Hugo, Rimbaud, Audiberti, Sulivan, Cendrars, Louÿs, Garcia Lorca, Guimarães Rosa, Césaire, Kerouac, etc.

Mais Frédéric Pagès est bien plus que tout cela. Artiste polymorphe, il enchaîne aussi les expériences d'écritures musicales (basées sur le terreau de ses fidèles collaborations, dont le percussionniste Xavier Desandre-Navarre) et poétiques - dont le projet "Manual de Literatura (En)cantada pour la ville de Diadema au Brésil. Son nouvel album, "Entre délices et terreur", est à l'image de cette ouverture et de cette insatiable curiosité.

Pochette réalisée par le peintre africain Freddy Mutumbo © DR.
Pochette réalisée par le peintre africain Freddy Mutumbo © DR.
Sur des textes de sa composition, il entame une nouvelle danse créatrice, appelant à de nouvelles pulsations instrumentales. Turbulences plus électriques, syncopes informatiques confrontées à des instrumentations plus classiques où cordes et cuivres imposent leur présence. Dans ce champ créateur fertile, on retrouve l'Alter Quintet et de fidèles compagnons dont Pascal Pallisco à l'accordéon et Xavier Desandre-Navarre aux percussions.

"Je suis dans la danse étrange" : Premier titre... Premiers coups d'archers (de l'Alter Quintet), immédiatement la voix se pose sur le fil de la contrebasse... et la danse des mots commence. Danse étrange qu'emmène Frédéric Pagès entre chant et récit, respiration presque incantatoire. Souffle qui se poursuit, sur des lignes féminines avec "Farouche". Notes jazzy posées sur le phrasé délicat, subtil de l'harmonica de Mauricio Einhorn et les envolées de Jesse Sadoc au flugelhorn (bugle).

Poétique écologique, contemporains et lucides vers tissés "Entre Sacre et massacre", entre Apollinaire et Éluard... désespérant retour de l'Enchanteur pourrissant sur la Terre... bleue comme une orange. Au-dessus de la ronde planète, jaillissant comme d’improbables pics tourmentés, "Les Paraboles de l'antenne". Mécaniques et informatiques syncopes cathodiques pour une diatribe en rimes sur fond de forêts paraboliques diffusant au quotidien son venin visuel hypnotique.

Souvenirs cahotants et bariolés de voyages, assis au fond d'un vieux bus brinquebalant... Musique enjouée pour laisser défiler les nostalgiques images qu'on n'aime pas... qu'on ne veut pas oublier... "Oh qu'un vieil autocar" est une fraîche balade/ballade qui nous rappelle que Frédéric Pagès s'est nourri tant d'ombres que de lumières... et qu'ici, la luminosité à de belles couleurs latines.

Promo CD Pagès © DR.
Promo CD Pagès © DR.
En toute logique, le titre suivant, "Allons voir le soleil" prolonge le voyage pour se laisser caresser par la chaleur humide sur les bords de l'Amazonie. Ambiance et formation brésilienne, enregistré à l'ombre du Corcovado de Rio de Janeiro. La minute qui suit est celle du "Bouffon"... de celui qui est prêt à baisser son pantalon pour une futile minute de gloire... à la télévision... Phrasé bref et doucement rageur dans l'ombre d'un maître parmi d'autres... Léo n'est pas loin !

Laissons maintenant un peu de mystère... Les quatre titres suivants sont propices à l'exploration... L'art du voyage étant l'art de la découverte, "Entre délices et terreur" se lit, s'écoute à cœur ouvert. L'aventure est intense, dense... et mène la danse sur les rayons lumineux d'une poésie, belle car intelligente, mais simple et fluide. De celle qui, entre clair et obscur, nous pousse à l'évasion, vers des horizons accueillants où nos errances s'effacent sur des rythmes jazzy-brésiliens...
À écouter d'urgence ou à voir en concert actuellement à Paris !

• Frédéric Pagès "Entre délices et terreur".
Sortie en mars 2012.
Label (et distribution) : Le Grand Babyl.
Pochette et livret réalisés par le peintre africain Freddy Mutumbo.

Frédéric Pagès en concert.
Accompagné de Xavier Desandre-Navarre (percussions), , Alfonso Pacin (guitare), Pascal Pallisco (accordéon) & Invités.
Du 1er au 23 juin et du 7 au 29 septembre 2012.
Vendredi et samedi à 19 h 30 (relâche exceptionnelle le 21 septembre).
Théâtre Les Déchargeurs, Paris 1er, 08 92 70 12 28.
>> lesdechargeurs.fr

Gil Chauveau
Mercredi 6 Juin 2012

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"Le Chef-d'œuvre Inconnu" Histoire fascinante transcendée par le théâtre et le génie d'une comédienne

À Paris, près du quai des Grands-Augustins, au début du XVIIe siècle, trois peintres devisent sur leur art. L'un est un jeune inconnu promis à la gloire : Nicolas Poussin. Le deuxième, Franz Porbus, portraitiste du roi Henri IV, est dans la plénitude de son talent et au faîte de sa renommée. Le troisième, le vieux Maître Frenhofer, personnage imaginé par Balzac, a côtoyé les plus grands maîtres et assimilé leurs leçons. Il met la dernière main dans le plus grand secret à un mystérieux "chef-d'œuvre".

© Jean-François Delon.
Il faudra que Gilette, la compagne de Poussin, en qui Frenhofer espère trouver le modèle idéal, soit admise dans l'atelier du peintre, pour que Porbus et Poussin découvrent le tableau dont Frenhofer gardait jalousement le secret et sur lequel il travaille depuis 10 ans. Cette découverte les plongera dans la stupéfaction !

Quelle autre salle de spectacle aurait pu accueillir avec autant de justesse cette adaptation théâtrale de la célèbre nouvelle de Balzac ? Une petite salle grande comme un mouchoir de poche, chaleureuse et hospitalière malgré ses murs tout en pierres, bien connue des férus(es) de théâtre et nichée au cœur du Marais ?

Cela dit, personne ne nous avait dit qu'à l'Essaïon, on pouvait aussi assister à des séances de cinéma ! Car c'est pratiquement à cela que nous avons assisté lors de la générale de presse lundi 27 mars dernier tant le talent de Catherine Aymerie, la comédienne seule en scène, nous a emportés(es) et transportés(es) dans l'univers de Balzac. La force des images transmises par son jeu hors du commun nous a fait vire une heure d'une brillante intensité visuelle.

Pour peu que l'on foule de temps en temps les planches des théâtres en tant que comédiens(nes) amateurs(es), on saura doublement jauger à quel point jouer est un métier hors du commun !
C'est une grande leçon de théâtre que nous propose là la Compagnie de la Rencontre, et surtout Catherine Aymerie. Une très grande leçon !

Brigitte Corrigou
06/03/2024
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"L'Effet Papillon" Se laisser emporter au fil d'un simple vol de papillon pour une fascinante expérience

Vous pensez que vos choix sont libres ? Que vos pensées sont bien gardées dans votre esprit ? Que vous êtes éventuellement imprévisibles ? Et si ce n'était pas le cas ? Et si tout partait de vous… Ouvrez bien grands les yeux et vivez pleinement l'expérience de l'Effet Papillon !

© Pics.
Vous avez certainement entendu parler de "l'effet papillon", expression inventée par le mathématicien-météorologue Edward Lorenz, inventeur de la théorie du chaos, à partir d'un phénomène découvert en 1961. Ce phénomène insinue qu'il suffit de modifier de façon infime un paramètre dans un modèle météo pour que celui-ci s'amplifie progressivement et provoque, à long terme, des changements colossaux.

Par extension, l'expression sous-entend que les moindres petits événements peuvent déterminer des phénomènes qui paraissent imprévisibles et incontrôlables ou qu'une infime modification des conditions initiales peut engendrer rapidement des effets importants. Ainsi, les battements d'ailes d'un papillon au Brésil peuvent engendrer une tornade au Mexique ou au Texas !

C'est à partir de cette théorie que le mentaliste Taha Mansour nous invite à nouveau, en cette rentrée, à effectuer un voyage hors du commun. Son spectacle a reçu un succès notoire au Sham's Théâtre lors du Festival d'Avignon cet été dernier.

Impossible que quiconque sorte "indemne" de cette phénoménale prestation, ni que nos certitudes sur "le monde comme il va", et surtout sur nous-mêmes, ne soient bousculées, chamboulées, contrariées.

"Le mystérieux est le plus beau sentiment que l'on peut ressentir", Albert Einstein. Et si le plus beau spectacle de mentalisme du moment, en cette rentrée parisienne, c'était celui-là ? Car Tahar Mansour y est fascinant à plusieurs niveaux, lui qui voulait devenir ingénieur, pour qui "Centrale" n'a aucun secret, mais qui, pourtant, a toujours eu une âme d'artiste bien ancrée au fond de lui. Le secret de ce spectacle exceptionnel et époustouflant serait-il là, niché au cœur du rationnel et de la poésie ?

Brigitte Corrigou
08/09/2023
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"Deux mains, la liberté" Un huis clos intense qui nous plonge aux sources du mal

Le mal s'appelle Heinrich Himmler, chef des SS et de la Gestapo, organisateur des camps de concentration du Troisième Reich, très proche d'Hitler depuis le tout début de l'ascension de ce dernier, près de vingt ans avant la Deuxième Guerre mondiale. Himmler ressemble par son physique et sa pensée à un petit, banal, médiocre fonctionnaire.

© Christel Billault.
Ordonné, pratique, méthodique, il organise l'extermination des marginaux et des Juifs comme un gestionnaire. Point. Il aurait été, comme son sous-fifre Adolf Eichmann, le type même décrit par Hannah Arendt comme étant la "banalité du mal". Mais Himmler échappa à son procès en se donnant la mort. Parfois, rien n'est plus monstrueux que la banalité, l'ordre, la médiocrité.

Malgré la pâleur de leur personnalité, les noms de ces âmes de fonctionnaires sont gravés dans notre mémoire collective comme l'incarnation du Mal et de l'inimaginable, quand d'autres noms - dont les actes furent éblouissants d'humanité - restent dans l'ombre. Parmi eux, Oskar Schindler et sa liste ont été sauvés de l'oubli grâce au film de Steven Spielberg, mais également par la distinction qui lui a été faite d'être reconnu "Juste parmi les nations". D'autres n'ont eu aucune de ces deux chances. Ainsi, le héros de cette pièce, Félix Kersten, oublié.

Joseph Kessel lui consacra pourtant un livre, "Les Mains du miracle", et, aujourd'hui, Antoine Nouel, l'auteur de la pièce, l'incarne dans la pièce qu'il a également mise en scène. C'est un investissement total que ce comédien a mis dans ce projet pour sortir des nimbes le visage étonnant de ce personnage de l'Histoire qui, par son action, a fait libérer près de 100 000 victimes du régime nazi. Des chiffres qui font tourner la tête, mais il est le résultat d'une volonté patiente qui, durant des années, négocia la vie contre le don.

Bruno Fougniès
15/10/2023