La Revue du Spectacle, le magazine des arts de la scène et du spectacle vivant. Infos théâtre, chanson, café-théâtre, cirque, arts de la rue, agenda, CD, etc.



Augmenter la taille du texte
Diminuer la taille du texte
Partager
Trib'Une

Licencié ! Motif : se prend pour Molière... mais pas pour Luchini !

La chronique d'Isa-belle L

Luchini étant complet depuis 2004 pour une durée indéterminée, j'ai jeté mon dévolu en ce dimanche quasi printanier, loin d'être estival, il faut se calmer ! Sur un comédien fraîchement rencontré.



© Pauline Marbot.
© Pauline Marbot.
Aller s'enfermer dans une salle, alors que, dehors, trois rayons de soleil se battent en duel pour les beaux yeux des Parigots, ravis de pouvoir crâner avec leur "Ray-Ban" aux terrasses des cafés, ce n'est pas la meilleure idée. Mais, comme je ne porte pas de "Ray-Ban", que ma peau n'aime le soleil qu'en Bretagne au mois de mai, c'était réglé. Direction le Guichet Montparnasse. Charmante petite salle que j'ai souvent citée.

Surprise ! Nous étions quelques-uns à être allergiques au soleil. La salle était quasiment remplie. Génial ! Pour lui. Fabrice Luchini n'a pas ce genre de souci. Frédéric Cosson, oui. Non pas que son spectacle ne soit pas bon. Évidemment ! Sinon je ne serai pas entrain d'assommer telle une guerrière inspirée, la touche "i" de mon clavier d'ordi. Luchini est complet et en plus il a trop de i ! Bref ! Je m'emballe et je reviens à ce charmant comédien.

Frédéric Cosson a écrit et interprète donc ce personnage fantasque - Plumet - licencié pour une cause assez peu banale : il ne s'exprime qu'en vers. Et se prend soi-disant un peu trop pour Molière.

© Pauline Marbot.
© Pauline Marbot.
Le problème, c'est qu'il ne peut guère faire autrement. Cette particularité orale lui a été collée enfant. Un enfant né avec des vers dans la bouche, des rimes dans le gosier, des Alexandrins dans les jambes, ça fait mouche ! Et c'est ce qu'il vient nous conter, cet élégant comédien sur plus d'une heure de temps.

Élégant car bien sapé, j'entends. Ça me touche toujours moi, les hommes qui délaissent un peu le jean et les baskets pour les tenues classes, et plus encore, les hommes qui manient la langue française avec autant de tact et beaucoup de grâce.

Frédéric Cosson a pris des risques avec ce spectacle. Tous les artistes, intermittents aimant la création et le spectacle vivant prennent des risques et ça leur coûte (trop) souvent.

Il a pris un risque : celui d'écrire en vers en 2015, à l'heure où la majorité des seuls en scène virent "tchatche" moderne sur air du temps. La poésie, les rimes et les vers, aujourd'hui… c'est une rareté.

© Pauline Marbot.
© Pauline Marbot.
Frédéric Cosson a pris un risque et je tiens à féliciter ce jeune homme, de rentrer dans la catégorie des auteurs hexagonaux qui "savent écrire autre chose que des histoires d'adultère et de couple". Récemment, une "grande" étude fournie par un gros canard du dimanche s'inquiétait du manque d'originalité des auteurs français. Qui envoient à foison des textes aux directeurs de théâtre (c'est une directrice de théâtre qui s'exprimait) sans aucune originalité évoquant souvent les mêmes sujets : le couple et l'adultère.

Une très bonne façon pour moi de détourner ce constat puisque non seulement Frédéric Cosson écrit en vers et en aucun cas il est question de couple, ni d'adultère… à moins que le second volet de sa saga termine en pugilat, façon "Guerre des roses" et qu'à défaut de vers, sa future épouse lui envoie un autre type de verre, dans la figure ! Il a donc pris "Un Risque" et, étonnamment, en une semaine, j'ai découvert cet auteur en me baladant ailleurs que dans les quartiers prisés des journalistes du JDD mais un peu plus loin sur ma droite, au Lucernaire, j'ai assisté à une lecture où là non plus, il n'était pas question de couple ni d'adultère. Comme quoi ! La curiosité réserve de belles surprises.

© Pauline Marbot.
© Pauline Marbot.
Enfin, si je devais noter le spectacle "Licencié, ! Motif : se prend pour Molière", je lui accorderais un 18/20. 6 points pour l'originalité de l'écriture et la prise de risque de ne pas nous avoir raconté sa vie, ses femmes, ses maîtresses, sur une heure et demie. 6 points pour la sobriété de la mise en scène et l'occupation du plateau du Guichet. Et les derniers points pour le comédien, à la fois touchant, émouvant, et si humble envers son talent.

Son spectacle est une belle histoire où il est question de différence. S'exprimer avec des vers en l'occurrence. Comment vivre avec ce handicap ? Qui ne se voit pas, certes, mais empoisonne au quotidien. Comment vivre ce handicap ? Qui parfois fait qu'on se détourne de vous au point de vous virer, de vous licencier.

Au placard ! C'est drôle. Ça me rappelle Feydeau…
Je souhaite à Frédéric Cosson autant de public que Fabrice Luchini.
Je souhaite à Frédéric Cosson autant de succès que Fabrice Luchini
Je souhaite à Frédéric Cosson autant d'inventivité, de créativité pour terminer, qui sait ? Au Studio des Champs-Élysées.

"Licencié ! Motif : se prend pour Molière"

De : Frédéric Cosson.
Mis en scène : Pauline Marbot.
Avec : Frédéric Cosson.
Compagnie P’tit Loup.

Du 3 avril au 3 mai 2015.
vendredi et samedi à 19 h, dimanche à 15 h.
Théâtre Le Guichet Montparnasse, Paris 14e, 01 43 27 88 61.
>> guichetmontparnasse.com

Isabelle Lauriou
Lundi 27 Avril 2015

Théâtre | Danse | Concerts & Lyrique | À l'affiche | À l'affiche bis | Cirque & Rue | Humour | Festivals | Pitchouns | Paroles & Musique | Avignon 2017 | Avignon 2018 | Avignon 2019 | CédéDévédé | Trib'Une | RV du Jour | Pièce du boucher | Coulisses & Cie | Coin de l’œil | Archives | Avignon 2021 | Avignon 2022 | Avignon 2023 | Avignon 2024 | À l'affiche ter







À découvrir

"Rimbaud Cavalcades !" Voyage cycliste au cœur du poétique pays d'Arthur

"Je m'en allais, les poings dans mes poches crevées…", Arthur Rimbaud.
Quel plaisir de boucler une année 2022 en voyageant au XIXe siècle ! Après Albert Einstein, je me retrouve face à Arthur Rimbaud. Qu'il était beau ! Le comédien qui lui colle à la peau s'appelle Romain Puyuelo et le moins que je puisse écrire, c'est qu'il a réchauffé corps et cœur au théâtre de l'Essaïon pour mon plus grand bonheur !

© François Vila.
Rimbaud ! Je me souviens encore de ses poèmes, en particulier "Ma bohème" dont l'intro est citée plus haut, que nous apprenions à l'école et que j'avais déclamé en chantant (et tirant sur mon pull) devant la classe et le maître d'école.

Beauté ! Comment imaginer qu'un jeune homme de 17 ans à peine puisse écrire de si sublimes poèmes ? Relire Rimbaud, se plonger dans sa bio et venir découvrir ce seul en scène. Voilà qui fera un très beau de cadeau de Noël !

C'est de saison et ça se passe donc à l'Essaïon. Le comédien prend corps et nous invite au voyage pendant plus d'une heure. "Il s'en va, seul, les poings sur son guidon à défaut de ne pas avoir de cheval …". Et il raconte l'histoire d'un homme "brûlé" par un métier qui ne le passionne plus et qui, soudain, décide de tout quitter. Appart, boulot, pour suivre les traces de ce poète incroyablement doué que fut Arthur Rimbaud.

Isabelle Lauriou
25/03/2024
Spectacle à la Une

"Mon Petit Grand Frère" Récit salvateur d'un enfant traumatisé au bénéfice du devenir apaisé de l'adulte qu'il est devenu

Comment dire l'indicible, comment formuler les vagues souvenirs, les incertaines sensations qui furent captés, partiellement mémorisés à la petite enfance. Accoucher de cette résurgence voilée, diffuse, d'un drame familial ayant eu lieu à l'âge de deux ans est le parcours théâtral, étonnamment réussie, que nous offre Miguel-Ange Sarmiento avec "Mon petit grand frère". Ce qui aurait pu paraître une psychanalyse impudique devient alors une parole salvatrice porteuse d'un écho libératoire pour nos propres histoires douloureuses.

© Ève Pinel.
9 mars 1971, un petit bonhomme, dans les premiers pas de sa vie, goûte aux derniers instants du ravissement juvénile de voir sa maman souriante, heureuse. Mais, dans peu de temps, la fenêtre du bonheur va se refermer. Le drame n'est pas loin et le bonheur fait ses valises. À ce moment-là, personne ne le sait encore, mais les affres du destin se sont mis en marche, et plus rien ne sera comme avant.

En préambule du malheur à venir, le texte, traversant en permanence le pont entre narration réaliste et phrasé poétique, nous conduit à la découverte du quotidien plein de joie et de tendresse du pitchoun qu'est Miguel-Ange. Jeux d'enfants faits de marelle, de dinette, de billes, et de couchers sur la musique de Nounours et de "bonne nuit les petits". L'enfant est affectueux. "Je suis un garçon raisonnable. Je fais attention à ma maman. Je suis un bon garçon." Le bonheur est simple, mais joyeux et empli de tendresse.

Puis, entre dans la narration la disparition du grand frère de trois ans son aîné. La mort n'ayant, on le sait, aucune morale et aucun scrupule à commettre ses actes, antinaturelles lorsqu'il s'agit d'ôter la vie à un bambin. L'accident est acté et deux gamins dans le bassin sont décédés, ceux-ci n'ayant pu être ramenés à la vie. Là, se révèle l'avant et l'après. Le bonheur s'est enfui et rien ne sera plus comme avant.

Gil Chauveau
05/04/2024
Spectacle à la Une

"Un prince"… Seul en scène riche et pluriel !

Dans une mise en scène de Marie-Christine Orry et un texte d'Émilie Frèche, Sami Bouajila incarne, dans un monologue, avec superbe et talent, un personnage dont on ignore à peu près tout, dans un prisme qui brasse différents espaces-temps.

© Olivier Werner.
Lumière sur un monticule qui recouvre en grande partie le plateau, puis le protagoniste du spectacle apparaît fébrilement, titubant un peu et en dépliant maladroitement, à dessein, son petit tabouret de camping. Le corps est chancelant, presque fragile, puis sa voix se fait entendre pour commencer un monologue qui a autant des allures de récit que de narration.

Dans ce monologue dans lequel alternent passé et présent, souvenirs et réalité, Sami Bouajila déploie une gamme d'émotions très étendue allant d'une voix tâtonnante, hésitante pour ensuite se retrouver dans un beau costume, dans une autre scène, sous un autre éclairage, le buste droit, les jambes bien plantées au sol, avec un volume sonore fort et bien dosé. La voix et le corps sont les deux piliers qui donnent tout le volume théâtral au caractère. L'évidence même pour tout comédien, sauf qu'avec Sami Bouajila, cette évidence est poussée à la perfection.

Toute la puissance créative du comédien déborde de sincérité et de vérité avec ces deux éléments. Nul besoin d'une couronne ou d'un crucifix pour interpréter un roi ou Jésus, il nous le montre en utilisant un large spectre vocal et corporel pour incarner son propre personnage. Son rapport à l'espace est dans un périmètre de jeu réduit sur toute la longueur de l'avant-scène.

Safidin Alouache
12/03/2024