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Concerts

Festival de Prades : À l'Est... des nouveaux !

Le Festival de Prades - et son directeur artistique le clarinettiste Michel Lethiec - place au cœur de ses engagements la volonté de faire découvrir les talents de demain. Le public a donc eu l’opportunité d’applaudir des personnalités de la scène émergente internationale. La Revue du Spectacle a choisi trois interprètes dont on fait ici le pari - à vrai dire peu risqué - qu’ils seront les grands noms de demain.



Irina Zahharenkova © DR.
Irina Zahharenkova © DR.
Une femme et deux hommes : une estonienne, deux russes, tous trentenaires, dont la réputation en France devrait s’installer forcément. Irina Zahharenkova est pianiste et claveciniste. Boris Andrianov est violoncelliste, Dimitri Illarionov guitariste classique. Ils mènent des carrières de solistes et sont déjà régulièrement invités par des orchestres "worldwide", de l’Oural à l’Europe, du Japon à la Suisse en passant par Israël. Seule la France - à l’exception des Festivals - brille par son absence d’imagination programmatique (Pour l’instant. Cependant Boris Andrianov a joué avec l’Orchestre national de France, et Irina Zahharenkova sous la direction de Patrick Gallois).

Leurs points communs ? Ils sont lauréats de prestigieux concours internationaux - par exemple Boris Andrianov a gagné le Concours Rostropovitch - et diplômés de Conservatoires réputés : Le Conservatoire Tchaïkovski de Moscou (pour notre duo russe) ou ceux de Talinn et de Helsinki pour Irina. Cette dernière vit désormais en Finlande et a notablement remporté le premier prix du Concours Jean-Sébastien Bach de Leipzig. Dimitri Illarionov a remporté trois prix (dont le premier) au Concours (espagnol) Franscico Tárrega - premier russe depuis plus de quarante ans à réussir cette gageure !

Dimitri Illarionov © DR.
Dimitri Illarionov © DR.
Ils sont impressionnants techniquement, très investis car pleins d’un juvénile enthousiasme malgré leur – déjà longue – carrière internationale. C’est sans surprise qu’ils ont électrisé le public de Prades.

Irina Zahharenkova joue du pianoforte (une espèce d’ancêtre du piano mais pas tout à fait), du piano (instrument aux cordes frappées) et du clavecin (aux cordes pincées). Excusez du peu. Elle est la digne héritière d’une Wanda Landowska par son jeu expressif, par son vaste répertoire (en gros de Scarlatti à Ligeti) et une technique époustouflante ! Le 8 août, dans la petite église de Molitg, elle a recréé "Melopa", une œuvre pour clavecin du jeune compositeur tchèque Krystof Maratka. Une pièce qui nécessite une réelle virtuosité. Vous auriez admiré cette lutte de la main droite et de la gauche sur les deux claviers, dans un vrai "galop frénétique". Et quelques jours plus tard, dans un programme Manuel de Falla et Maurice Ohana, elle a prouvé que le feu catalan brûlait dans son cœur slave. Elle qui paraît si timide quand elle ne joue pas.

Boris Andrianov © DR.
Boris Andrianov © DR.
Du tempérament, nos musiciens russes en ont aussi à revendre. Admirés pour leur virtuosité technique (différente bien sûr, selon leur instrument), le violoncelliste et le guitariste classique partagent une sensibilité, une musicalité remarquées et un son dense. Leur parfaite entente - un duo formé il y a dix ans - a éclaté à Prades tant dans le répertoire espagnol (Ô le souvenir vif de cette transcription des "Sept chansons populaires espagnoles" de Falla dans l’Abbaye Saint-Michel de Cuxa, faisant revivre l’âme flamenca et le "cante jondo" andalou) que dans celui de la terre slave avec une "Suite moldave traditionnelle", enchantant le public, un autre jour. Sans oublier le concert des deux solistes à Saint-Michel du Canigou (donné au bout d’une petite randonnée d’une heure !), ensuite applaudis par des spectateurs leur faisant une haie d’honneur ! Leurs prestations solo ne décevant évidemment pas.

Après Auvers-sur-Oise et Prades, les producteurs français seraient bien avisés de les inviter sur d’autres scènes pour les faire connaître. L’appel est lancé !

En attendant, nous vous conseillons :
● Le CD que Irina Zahharenkova a gravé en 2012 (les "Sonates" de Domenico Scarlatti). A noter également qu'elle va enregistrer en 2013 de la musique française (Chopin, Ravel, Debussy, etc.).
● Le CD "Classical Duo" avec Boris Andrianov et Dimitri Illarionov chez Delos (Bach, Schubert, Falla, etc.).

Prochains concerts :
● Pour Dimitri Illarionov, un concert le 29 août 2012 au Festival Rheingau Sommer (Allemagne).
● Pour Boris Andrianov, des concerts en septembre en Autriche et en octobre aux USA.
● Pour les trois artistes, des prestations sont prévues l’an prochain aux Festivals d’Auvers-sur-Oise, de Bourges, de Prades, etc.

Christine Ducq
Mercredi 22 Août 2012

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Concerts | Lyrique







À découvrir

"Le Chef-d'œuvre Inconnu" Histoire fascinante transcendée par le théâtre et le génie d'une comédienne

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© Jean-François Delon.
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Pour peu que l'on foule de temps en temps les planches des théâtres en tant que comédiens(nes) amateurs(es), on saura doublement jauger à quel point jouer est un métier hors du commun !
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"L'Effet Papillon" Se laisser emporter au fil d'un simple vol de papillon pour une fascinante expérience

Vous pensez que vos choix sont libres ? Que vos pensées sont bien gardées dans votre esprit ? Que vous êtes éventuellement imprévisibles ? Et si ce n'était pas le cas ? Et si tout partait de vous… Ouvrez bien grands les yeux et vivez pleinement l'expérience de l'Effet Papillon !

© Pics.
Vous avez certainement entendu parler de "l'effet papillon", expression inventée par le mathématicien-météorologue Edward Lorenz, inventeur de la théorie du chaos, à partir d'un phénomène découvert en 1961. Ce phénomène insinue qu'il suffit de modifier de façon infime un paramètre dans un modèle météo pour que celui-ci s'amplifie progressivement et provoque, à long terme, des changements colossaux.

Par extension, l'expression sous-entend que les moindres petits événements peuvent déterminer des phénomènes qui paraissent imprévisibles et incontrôlables ou qu'une infime modification des conditions initiales peut engendrer rapidement des effets importants. Ainsi, les battements d'ailes d'un papillon au Brésil peuvent engendrer une tornade au Mexique ou au Texas !

C'est à partir de cette théorie que le mentaliste Taha Mansour nous invite à nouveau, en cette rentrée, à effectuer un voyage hors du commun. Son spectacle a reçu un succès notoire au Sham's Théâtre lors du Festival d'Avignon cet été dernier.

Impossible que quiconque sorte "indemne" de cette phénoménale prestation, ni que nos certitudes sur "le monde comme il va", et surtout sur nous-mêmes, ne soient bousculées, chamboulées, contrariées.

"Le mystérieux est le plus beau sentiment que l'on peut ressentir", Albert Einstein. Et si le plus beau spectacle de mentalisme du moment, en cette rentrée parisienne, c'était celui-là ? Car Tahar Mansour y est fascinant à plusieurs niveaux, lui qui voulait devenir ingénieur, pour qui "Centrale" n'a aucun secret, mais qui, pourtant, a toujours eu une âme d'artiste bien ancrée au fond de lui. Le secret de ce spectacle exceptionnel et époustouflant serait-il là, niché au cœur du rationnel et de la poésie ?

Brigitte Corrigou
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"Deux mains, la liberté" Un huis clos intense qui nous plonge aux sources du mal

Le mal s'appelle Heinrich Himmler, chef des SS et de la Gestapo, organisateur des camps de concentration du Troisième Reich, très proche d'Hitler depuis le tout début de l'ascension de ce dernier, près de vingt ans avant la Deuxième Guerre mondiale. Himmler ressemble par son physique et sa pensée à un petit, banal, médiocre fonctionnaire.

© Christel Billault.
Ordonné, pratique, méthodique, il organise l'extermination des marginaux et des Juifs comme un gestionnaire. Point. Il aurait été, comme son sous-fifre Adolf Eichmann, le type même décrit par Hannah Arendt comme étant la "banalité du mal". Mais Himmler échappa à son procès en se donnant la mort. Parfois, rien n'est plus monstrueux que la banalité, l'ordre, la médiocrité.

Malgré la pâleur de leur personnalité, les noms de ces âmes de fonctionnaires sont gravés dans notre mémoire collective comme l'incarnation du Mal et de l'inimaginable, quand d'autres noms - dont les actes furent éblouissants d'humanité - restent dans l'ombre. Parmi eux, Oskar Schindler et sa liste ont été sauvés de l'oubli grâce au film de Steven Spielberg, mais également par la distinction qui lui a été faite d'être reconnu "Juste parmi les nations". D'autres n'ont eu aucune de ces deux chances. Ainsi, le héros de cette pièce, Félix Kersten, oublié.

Joseph Kessel lui consacra pourtant un livre, "Les Mains du miracle", et, aujourd'hui, Antoine Nouel, l'auteur de la pièce, l'incarne dans la pièce qu'il a également mise en scène. C'est un investissement total que ce comédien a mis dans ce projet pour sortir des nimbes le visage étonnant de ce personnage de l'Histoire qui, par son action, a fait libérer près de 100 000 victimes du régime nazi. Des chiffres qui font tourner la tête, mais il est le résultat d'une volonté patiente qui, durant des années, négocia la vie contre le don.

Bruno Fougniès
15/10/2023