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Concerts

L'Ensemble intercontemporain… toujours plus loin !

L'ensemble créé par Pierre Boulez repousse toujours plus loin les frontières sous les auspices de son directeur musical depuis 2013 Matthias Pintscher. Les concerts passés et à venir attestent sa mue, celle d'une avant-garde de plus en plus aventureuse et passionnante.



EIC © Quentin Chevrier.
EIC © Quentin Chevrier.
Trente-et-un solistes (et autant de "personnalités" entend-on souvent dire) pour un orchestre qui n'est pas exactement comme les autres, voilà ce qui ne change pas pour l'Ensemble intercontemporain. Pour le reste, la mutation est patente depuis quelques années et elle s'accélère en cette saison, alors que l'ensemble a fêté ses quarante ans en 2016-2017.

On se souvient que c'est à l'initiative du tout puissant Pierre Boulez, soutenu alors par le Ministère de la Culture, que l'Ensemble intercontemporain voit le jour en 1976. Il s'agit alors de promouvoir la création et la transmission de la musique dite contemporaine auprès d'un public bien peu concerné. L'arrivée du chef et compositeur Matthias Pintscher en 2013, adoubé par le Maître, ouvre une nouvelle ère pour l'orchestre. Pierre Boulez ne l'encourage-t-il pas en effet dans cette large voie en lui suggérant "Changez tout, soyez différent" ?

Et ses missions sont désormais variées comme jamais. Outre celles de toujours, la création (l'EIC commande quinze à vingt œuvres chaque année), la diffusion et la transmission du répertoire contemporain (qui ne se limite plus à l'écriture atonale, s'ouvre de plus en plus à la néo-tonalité pour aborder des styles musicaux de plus en plus variés), l'ensemble privilégie désormais les rencontres improbables et les dialogues féconds entre formes et disciplines artistiques très différentes comme la danse, le théâtre, la vidéo et les arts plastiques.

Matthias Pintscher © DR.
Matthias Pintscher © DR.
Il forme jeunes interprètes, chefs et compositeurs, poursuit sa collaboration avec l'Ircam pour des projets inédits utilisant les nouvelles technologies multimédia. L'EIC multiplie ainsi les coproductions pluridisciplinaires favorisant les interactions entre les instruments et la technologie, tout en ayant créé sa chaîne Youtube, son label - et tout en continuant à donner près de soixante concerts annuels partout dans le monde pour une cinquantaine de programmes différents.

Cette année, les frontières semblent encore repoussées avec une vitalité inédite. Une façon, selon Matthias Pintscher, de faire prospérer une identité originelle trempée forcément à l'avant-garde. Il y eut, à l'automne dernier, le week-end Frank Zappa à la Philharmonie (où l'EIC est en résidence depuis son ouverture en 2015) "The Grand Wazoo", puis la superbe soirée consacrée à Gyorgy Ligeti et son "Requiem" assorti d'une version concert du "Grand Macabre" avec les musiciens du Conservatoire national de Paris et le Chœur national hongrois. Deux manifestations, parmi d'autres, au succès critique et public indéniable. Non sans offrir ad libitum de nombreux concerts éducatifs qui contribuent à la reconnaissance de l'ensemble par un public qui va, lui aussi, s'élargissant.

Roscoe Mitchell © Jean-Baptiste Milot.
Roscoe Mitchell © Jean-Baptiste Milot.
Ce qui s'annonce pour 2019 n'est pas moins passionnant. À la Cité de la Musique, l'Ensemble intercontemporain fait son "Grand Soir Free Style" en organisant la rencontre (fructueuse à n'en pas douter) de la musique contemporaine et du Free Jazz, ce mouvement initié dans les années soixante dans le sillage de John Coltrane. Aux deux monstres sacrés que sont Roscoe Mitchell (dont l'EIC va créer une pièce qu'il lui a commandée, "Useful News") et George E. Lewis (pionnier de l'utilisation de l'informatique dans le jazz, qui verra deux de ses œuvres créées en France, dont "Emergent"), se mesureront les compositeurs Tyshawn Sorey et Johannes Boris Borowski.

Le 21 janvier, c'est à la Fondation Louis Vuitton que l'EIC rendra un vibrant "Hommage à Basquiat" à l'occasion de l'exposition des œuvres de ce dernier (confrontées à celles d'Egon Schiele) avec la création mondiale d'une "Nouvelle œuvre" de Matthias Pintscher pour trois trompettes, à côté d'œuvres de John Cage, de Yann Robin, de George Crumb et de Bryce Dessner (adepte du crossover : une petite révolution pour l'EIC en ce qui concerne son répertoire note avec enthousiasme le directeur musical et compositeur maison dans une vidéo).

EIC © DR.
EIC © DR.
Le 2 février, le public est invité à un spectacle gratuit à la Cité de la Musique (à 19 h). L'Ensemble intercontemporain donnera "Twice upon a Time" de Lucia Ronchetti et la création française du "Théâtre sans paroles" de Luciano Berio. À l'Opéra de Rennes, la compositrice Lucia Ronchetti sera encore à l'honneur avec des solistes de l'EIC avec ses "Aventures de Pinocchio", mises en espace par Matthieu Leroy.

Enfin, l'ensemble créera en février 2019 à la Maison de la Radio (lors du Festival "Présences") deux œuvres du hongrois Mate Bella et du français Florent Caron Darras. Le bel horizon que voilà tracé par un ensemble plus créatif que jamais.

"Grand Soir Free Style"
Durée : environ 2 h 15 dont 2 entractes.
18 janvier 2019 à 20 h 30.
Philharmonie de Paris.
Salle des concerts, Cité de la Musique, Paris 19e, 01 44 84 44 84.
>> philharmoniedeparis.fr

Christine Ducq
Jeudi 17 Janvier 2019

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