La Revue du Spectacle, le magazine des arts de la scène et du spectacle vivant. Infos théâtre, chanson, café-théâtre, cirque, arts de la rue, agenda, CD, etc.



Augmenter la taille du texte
Diminuer la taille du texte
Partager
Concerts

L'avenir du Violon se décide à la Menuhin Competition

Genève s'est faite capitale du violon en invitant l'édition 2018 du concours international du jeune virtuose créé par l'immense Yehudi Menuhin en 1983. À l'issue de dix jours de compétition, quelques-uns des meilleurs violonistes de demain ont été récompensés, notamment Christian Li, Chloé Chua (Prix Juniors ex-æquo) et Dania Adamyan (Prix Seniors).



Diana Adamyan, Prix Seniors 2018 © Nathalie Mastail-Hirosawa.
Diana Adamyan, Prix Seniors 2018 © Nathalie Mastail-Hirosawa.
Le concours fondé par Yehudi Menuhin a l'ambition de fédérer les jeunes prodiges du violon du monde entier afin de leur donner l'occasion de se mesurer dans une compétition annuelle, organisée dans une ville et un pays différents à chaque édition. Deux prix récompensent deux groupes de lauréats : le Prix Juniors pour les moins de seize ans et le Prix Seniors pour les moins de vingt-deux ans. Plus de trois-cents candidats se sont inscrits cette année, desquels quarante-quatre violonistes de dix-sept nationalités ont été choisis pour participer à Genève aux derniers tours de la compétition organisés entre le 13 et le 17 avril 2018.

La veille (le 12), un gala d'ouverture avec les violonistes et membres du jury Yesong Sophie Lee et Henning Kraggerud, accompagnés par l'Orchestre de la Suisse Romande (direction de Marin Alsop), était retransmis sur Arte Concert et sur la chaîne Espace 2 de la Radio Télévision Suisse, comme tous ceux qui suivront (pas moins d'un million de spectateurs et d'internautes ont suivi ces retransmissions).

Pendant la semaine dévolue aux sélections, permettant de désigner les dix finalistes (six pour les Juniors, quatre pour les Seniors) parmi les quarante-quatre candidats retenus, il était proposé à tous de prendre part à des événements spéciaux souvent ouverts au public : visiter des ateliers de lutherie (ceux de François Lebeau et Kaspar Maurer, sans oublier une exposition sur les luthiers Florian Leonhard et Christophe Landon), assister aux master-classes des neuf membres du jury (dont celle de Maxim Vengerov), rendre visite aux élèves du conservatoire genevois dans le cadre du programme "Orchestre en classe", participer à des ateliers avec le jury (1).

Chloé Chua, Prix Juniors ex-æquo © Olivier Miche Photography.
Chloé Chua, Prix Juniors ex-æquo © Olivier Miche Photography.
Pour le public (et dix mille spectateurs pour cette édition), des concerts en après-midi, des conférences (avec Bruno Monsaingeon pour "Conversations avec Menuhin", entre autres) et un cycle de documentaires ont été également proposés au Centre des Arts. Ce ne sont pas moins de cinquante événements qui ont été organisés cette année.

Deux soirées emblématiques ont couronné ces "Olympiades du Violon", comme on surnomme parfois le concours. La Finale Juniors réunissaient six enfants le 20 avril, de vrais petits génies (2) confrontés à un programme de haut niveau. Sommés de débuter avec une pièce contemporaine d'une dizaine de minutes "Self in mind" (3) particulièrement ardue, les petits candidats - dont chacune des arrivées a fait fondre le public - ont pu montrer leurs capacités (modes de jeu, art des dynamiques et des couleurs, puissance ou subtilité de l'archet…).

Ils jouaient ensuite une des saisons des "Quatre Saisons" de Vivaldi, accompagnés de l'Orchestre de Chambre de Genève dirigé par Julian Rachlin - par ailleurs violoniste et altiste. Un premier prix ex-æquo (donné pour la première fois dans l'histoire de la compétition) a été remis aux deux plus jeunes héros de la soirée : Chloé Chua, onze ans et Christian Li, dix ans (son incroyable aplomb lui a aussi gagné les faveurs du public et son Prix). La très talentueuse Hina Khuong-Huu est repartie avec le cinquième prix tandis que l'impressionnant brésilien Guido Sant'Anna a remporté le Prix des Internautes d'Arte.

Christian Li, Prix Juniors ex-æquo © Olivier Miche Photography
Christian Li, Prix Juniors ex-æquo © Olivier Miche Photography
Que couronne-t-on chez un finaliste quand tous présentent un niveau d'excellence et de maturité de jeu presque effrayante (pour de jeunes artistes) ? La deuxième soirée consacrée aux Seniors a permis de répondre à la question : le lauréat a ce supplément d'âme, cette relation intime et profonde avec l'œuvre et une faculté d'établir un lien spécial tant avec l'orchestre qu'avec le public, à qui il communique émotions et plaisir.

Incontestablement ce 21 avril au Victoria Hall, parmi quatre concurrents, c'est la personnalité artistique de l'arménienne Diana Adamyan (dix-huit ans) qui l'a remporté (avec son violon d'Urs Mächler) en interprétant avec une fougue, une musicalité passionnée et un art consommé des climats, le superbe Concerto n° 1 opus 26 de Max Bruch. Elle a remporté de surcroît le Prix du Public.

Le deuxième prix de la Menuhin Competition et le Prix des Internautes sont allés en toute justice au jeune violoniste de l'Orchestre National de France, Nathan Mierdl (vingt ans) dont la maturité et l'expressivité sensible ont fait vibrer le public et le jury avec le Concerto n° 3 opus 61 de Saint-Saëns. Les quatre candidats (4) étaient accompagnés du Royal Philharmonic Orchestra dirigé par le bienveillant Julian Rachlin.

Notez bien ces noms, ils seront bientôt les étoiles de nos scènes. Le gala de clôture leur a permis de rejoindre leurs aînés dont Maxim Vengerov pour un concert inoubliable. Dans deux ans, la compétition aura lieu à Richmond dans l'État de Virginie aux États-Unis.

(1) Le jury était composé de Joël Hattori, Pamela Franck, Maxim Vengerov, Soyoung Yoon, Lu Siqing, Josef Spacek, Ilya Gringolts, Henning Kraggerud, Itamar Golan.
(2) Les candidats étaient Clara Shen, Hina Khuong-Huu, Chloé Chua, Ruibing Liu, Christian Li, Guido Sant'Anna.
(3) Pièce de Jaehyuck Choi, un des compositeurs primés par la Composition Award 2017 à Genève (Premier Prix).
(4) Les finalistes étaient Tianyou Ma, Diana Adamyan, Nathan Mierdl, Hyunjae Lim.


Concerts et épreuves du concours à revoir >> sur le site d'Arte Concert

Menuhin Competition - Genève 2018.
Du 12 au 22 avril 2018.
>> 2018.menuhincompetition.org

Christine Ducq
Mardi 1 Mai 2018

Nouveau commentaire :

Concerts | Lyrique







À découvrir

"Le Chef-d'œuvre Inconnu" Histoire fascinante transcendée par le théâtre et le génie d'une comédienne

À Paris, près du quai des Grands-Augustins, au début du XVIIe siècle, trois peintres devisent sur leur art. L'un est un jeune inconnu promis à la gloire : Nicolas Poussin. Le deuxième, Franz Porbus, portraitiste du roi Henri IV, est dans la plénitude de son talent et au faîte de sa renommée. Le troisième, le vieux Maître Frenhofer, personnage imaginé par Balzac, a côtoyé les plus grands maîtres et assimilé leurs leçons. Il met la dernière main dans le plus grand secret à un mystérieux "chef-d'œuvre".

© Jean-François Delon.
Il faudra que Gilette, la compagne de Poussin, en qui Frenhofer espère trouver le modèle idéal, soit admise dans l'atelier du peintre, pour que Porbus et Poussin découvrent le tableau dont Frenhofer gardait jalousement le secret et sur lequel il travaille depuis 10 ans. Cette découverte les plongera dans la stupéfaction !

Quelle autre salle de spectacle aurait pu accueillir avec autant de justesse cette adaptation théâtrale de la célèbre nouvelle de Balzac ? Une petite salle grande comme un mouchoir de poche, chaleureuse et hospitalière malgré ses murs tout en pierres, bien connue des férus(es) de théâtre et nichée au cœur du Marais ?

Cela dit, personne ne nous avait dit qu'à l'Essaïon, on pouvait aussi assister à des séances de cinéma ! Car c'est pratiquement à cela que nous avons assisté lors de la générale de presse lundi 27 mars dernier tant le talent de Catherine Aymerie, la comédienne seule en scène, nous a emportés(es) et transportés(es) dans l'univers de Balzac. La force des images transmises par son jeu hors du commun nous a fait vire une heure d'une brillante intensité visuelle.

Pour peu que l'on foule de temps en temps les planches des théâtres en tant que comédiens(nes) amateurs(es), on saura doublement jauger à quel point jouer est un métier hors du commun !
C'est une grande leçon de théâtre que nous propose là la Compagnie de la Rencontre, et surtout Catherine Aymerie. Une très grande leçon !

Brigitte Corrigou
06/03/2024
Spectacle à la Une

"L'Effet Papillon" Se laisser emporter au fil d'un simple vol de papillon pour une fascinante expérience

Vous pensez que vos choix sont libres ? Que vos pensées sont bien gardées dans votre esprit ? Que vous êtes éventuellement imprévisibles ? Et si ce n'était pas le cas ? Et si tout partait de vous… Ouvrez bien grands les yeux et vivez pleinement l'expérience de l'Effet Papillon !

© Pics.
Vous avez certainement entendu parler de "l'effet papillon", expression inventée par le mathématicien-météorologue Edward Lorenz, inventeur de la théorie du chaos, à partir d'un phénomène découvert en 1961. Ce phénomène insinue qu'il suffit de modifier de façon infime un paramètre dans un modèle météo pour que celui-ci s'amplifie progressivement et provoque, à long terme, des changements colossaux.

Par extension, l'expression sous-entend que les moindres petits événements peuvent déterminer des phénomènes qui paraissent imprévisibles et incontrôlables ou qu'une infime modification des conditions initiales peut engendrer rapidement des effets importants. Ainsi, les battements d'ailes d'un papillon au Brésil peuvent engendrer une tornade au Mexique ou au Texas !

C'est à partir de cette théorie que le mentaliste Taha Mansour nous invite à nouveau, en cette rentrée, à effectuer un voyage hors du commun. Son spectacle a reçu un succès notoire au Sham's Théâtre lors du Festival d'Avignon cet été dernier.

Impossible que quiconque sorte "indemne" de cette phénoménale prestation, ni que nos certitudes sur "le monde comme il va", et surtout sur nous-mêmes, ne soient bousculées, chamboulées, contrariées.

"Le mystérieux est le plus beau sentiment que l'on peut ressentir", Albert Einstein. Et si le plus beau spectacle de mentalisme du moment, en cette rentrée parisienne, c'était celui-là ? Car Tahar Mansour y est fascinant à plusieurs niveaux, lui qui voulait devenir ingénieur, pour qui "Centrale" n'a aucun secret, mais qui, pourtant, a toujours eu une âme d'artiste bien ancrée au fond de lui. Le secret de ce spectacle exceptionnel et époustouflant serait-il là, niché au cœur du rationnel et de la poésie ?

Brigitte Corrigou
08/09/2023
Spectacle à la Une

"Deux mains, la liberté" Un huis clos intense qui nous plonge aux sources du mal

Le mal s'appelle Heinrich Himmler, chef des SS et de la Gestapo, organisateur des camps de concentration du Troisième Reich, très proche d'Hitler depuis le tout début de l'ascension de ce dernier, près de vingt ans avant la Deuxième Guerre mondiale. Himmler ressemble par son physique et sa pensée à un petit, banal, médiocre fonctionnaire.

© Christel Billault.
Ordonné, pratique, méthodique, il organise l'extermination des marginaux et des Juifs comme un gestionnaire. Point. Il aurait été, comme son sous-fifre Adolf Eichmann, le type même décrit par Hannah Arendt comme étant la "banalité du mal". Mais Himmler échappa à son procès en se donnant la mort. Parfois, rien n'est plus monstrueux que la banalité, l'ordre, la médiocrité.

Malgré la pâleur de leur personnalité, les noms de ces âmes de fonctionnaires sont gravés dans notre mémoire collective comme l'incarnation du Mal et de l'inimaginable, quand d'autres noms - dont les actes furent éblouissants d'humanité - restent dans l'ombre. Parmi eux, Oskar Schindler et sa liste ont été sauvés de l'oubli grâce au film de Steven Spielberg, mais également par la distinction qui lui a été faite d'être reconnu "Juste parmi les nations". D'autres n'ont eu aucune de ces deux chances. Ainsi, le héros de cette pièce, Félix Kersten, oublié.

Joseph Kessel lui consacra pourtant un livre, "Les Mains du miracle", et, aujourd'hui, Antoine Nouel, l'auteur de la pièce, l'incarne dans la pièce qu'il a également mise en scène. C'est un investissement total que ce comédien a mis dans ce projet pour sortir des nimbes le visage étonnant de ce personnage de l'Histoire qui, par son action, a fait libérer près de 100 000 victimes du régime nazi. Des chiffres qui font tourner la tête, mais il est le résultat d'une volonté patiente qui, durant des années, négocia la vie contre le don.

Bruno Fougniès
15/10/2023