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Un voyage musical de Dowland à Piazzolla en traineau russe

Le duo surdoué formé par le violoncelliste Boris Andrianov et le guitariste Dimitri Illarianov vient de graver un remarquable opus sous le label du Festival d’Auvers-sur-Oise "Musical Journey from Dowland to Piazzolla", leur premier disque produit en France. Ces jeunes solistes unissent leurs tempéraments et leurs instruments dans une formation unique à découvrir absolument.



Je vous ai déjà parlé de ces artistes généreux entièrement dévoués à la Muse qui se produisent régulièrement ensemble, offrant cette alliance rare sur scène du violoncelle et de la guitare classique. La simplicité de leur performance ne cède en rien à l’incroyable maestria de leur technique. Une confondante musicalité émane du mariage du feu et de la glace de ces deux tempéraments complémentaires comme les timbres de leurs instruments : les sonorités boisées et plus graves du violoncelle se mariant avec sensualité ou énergie aux accords éclatants et solaires de la guitare - qui sait aussi à l’occasion se faire méditative.

Leur répertoire très vaste embrasse quasiment tous les pays d’est en ouest - septentrion ou méditerranée -, toutes les époques, toutes les écoles grâce à des dons de transcripteurs aussi impressionnants chez Illarianov et Andrianov que la maîtrise de leurs instruments étonne. Sur le CD, leur programme galope de l’anglais John Dowland, ce pionnier anglais du chant du premier XVIIe siècle au tango du compositeur bandonéoniste argentin Astor Piazzolla, en passant par des suites traditionnelles moldaves et des mélodies russes. Un vrai tour du monde revisité à l‘aune de leur génie d’artistes.

En concert comme en studio, c’est bien un duo au sens fort du terme car leur entente est totale. Il faut dire que leur complicité est déjà ancienne en dépit de leur jeune âge. Ces deux virtuoses, dont le premier CD "Classical Duo" avait été sélectionné pour les Grammy Awards, déchaînent l’enthousiasme partout où ils passent et leur engagement est irrésistible entre fièvre et lyrisme élégiaque, seuls ou à deux. Capables donc de créer une infinité d’atmosphères - y compris dans la dynamique : écoutez ces fortissimi et pianissimi de folie - qu’ils abordent Schubert, Granados ou Bach.

Nous retrouverons ce prodigieux duo au Festival de Chambord le 7 juillet et le guitariste Dimitri Illarianov seul le 20 juin au Festival d’Auvers-sur-Oise. Prévoyez les escarpins (et mocassins) de danse !

● "Musical Journey from Dowland to Piazzolla".
Boris Andrianov & Dimitri Illarianov.
Label : DiscAuverS.
Distribution : Socadisc/New Arts International.
Sortie : 31 mars 2014.

Christine Ducq
Mardi 15 Avril 2014

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"L'Effet Papillon" Se laisser emporter au fil d'un simple vol de papillon pour une fascinante expérience

Vous pensez que vos choix sont libres ? Que vos pensées sont bien gardées dans votre esprit ? Que vous êtes éventuellement imprévisibles ? Et si ce n'était pas le cas ? Et si tout partait de vous… Ouvrez bien grands les yeux et vivez pleinement l'expérience de l'Effet Papillon !

© Pics.
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© Grégory Juppin.
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Central Park, à l'heure de la pause déjeuner. Un homme seul profite de sa quotidienne séquence de répit, sur un banc, symbole de ce minuscule territoire devenu son havre de paix. Dans ce moment voulu comme une trêve face à la folie du monde et aux contraintes de la société laborieuse, un homme surgit sans raison apparente, venant briser la solitude du travailleur au repos. Entrant dans la narration d'un pseudo-récit, il va bouleverser l'ordre des choses, inverser les pouvoirs et détruire les convictions, pour le simple jeu – absurde ? – de la mise en exergue de nos inhumanités et de nos dérives solitaires.

© Alejandro Guerrero.
Lui, Peter (Sylvain Katan), est le stéréotype du bourgeois, cadre dans une maison d'édition, "détenteur" patriarcal d'une femme, deux enfants, deux chats, deux perruches, le tout dans un appartement vraisemblablement luxueux d'un quartier chic et "bobo" de New York. L'autre, Jerry (Pierre Val), à l'opposé, est plutôt du côté de la pauvreté, celle pas trop grave, genre bohème, mais banale qui fait habiter dans une chambre de bonne, supporter les inconvénients de la promiscuité et rechercher ces petits riens, ces rares moments de défoulement ou d'impertinence qui donnent d'éphémères et fugaces instants de bonheur.

Les profils psychologiques des deux personnages sont subtilement élaborés, puis finement étudiés, analysés, au fil de la narration, avec une inversion, un basculement "dominant - dominé", s'inscrivant en douceur dans le déroulement de la pièce. La confrontation, involontaire au début, Peter se laissant tout d'abord porter par le récit de Jerry, devient plus prégnante, incisive, ce dernier portant ses propos plus sur des questionnements existentiels sur la vie, sur les injonctions à la normalité de la société et la réalité pitoyable – selon lui – de l'existence de Peter… cela sous prétexte d'une prise de pouvoir de son espace vital de repos qu'est le banc que celui-ci utilise pour sa pause déjeuner.

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