La Revue du Spectacle, le magazine des arts de la scène et du spectacle vivant. Infos théâtre, chanson, café-théâtre, cirque, arts de la rue, agenda, CD, etc.



Augmenter la taille du texte
Diminuer la taille du texte
Partager
Trib'Une

"Toute Nue" et le rythme and blues d'une femme qui entre en résistance

La chronique d'Isa-belle L

La toute première de la pièce "Ne te promène donc pas toute nue" de Georges Feydeau a été présentée au Théâtre Femina, c'est drôle non ? "Femina"… Un siècle plus tard, Feydeau n'est plus de ce monde mais son théâtre continue à faire les belles heures du spectacle vivant…



© Maxime Lethelier.
© Maxime Lethelier.
Et c'est au Théâtre Paris-Villette, un 27 février 2020, en pleine déferlante de Coronavirus, dont on ne sait rien mais on suppose tout, qu'une (nouvelle) adaptation de ce grand classique a fait son apparition. Mêmes personnages, même trame, mêmes ressorts et répétitions que l'œuvre originale mais le rock en plus !

Rock and Roll ! Il y a dans "Toute Nue" un rythme effréné que les comédiens assurent tout au long du jeu en occupant tous les recoins du plateau, in et off. Il y a aussi un batteur, au centre de la scène, qui suit les mouvements des acteurs ou les prolongent. Et il y a un décor sur lequel nous sommes, spectateurs, tous tombés d'accord : superbe ! Un décor rock, gris métal et aéré. Nouvelles technologies obligent, le futur ministre reçoit des appels vidéo, le maire arrive avec son Mac Book, les costumes sont tendance et la femme élégamment vêtue se dresse et entre en résistance ! Tenue coquette qu'elle va progressivement enlever, il fait si chaud !

© Maxime Lethelier.
© Maxime Lethelier.
Et l'histoire, vous la connaissez, le mari préfère à la femme, la politique, la réussite, le pouvoir… Alors que la femme, elle, a juste envie qu'on la regarde et qu'on s'occupe d'elle. A minima… Ni sotte, ni idiote, comme il est fréquent encore de l'entendre lorsqu'une femme se montre en tenue légère et décolletée. Clarisse veut juste être considérée. C'est simple, si simple finalement. Tellement qu'on se demande comment en 2020 nous en soyons encore à défendre notre place ? À se positionner toujours, tout le temps ! Et à devoir se mettre "à nu" pour se faire remarquer. Et à remettre au goût du jour un classique qui n'a pas meilleure publicité que ce qu'on vit présentement.

Feydeau n'est pas démodé, la preuve. Le spectacle est réjouissant, on rit, on sourit face à toutes les partitions données. Qu'elles soient vocales, musicales ou mimées. Il y a un gros travail de direction d'acteurs et un autre, très chiadé, de synchronicité, c'est épatant.

On passe un moment délicieux à suivre cette histoire qui pourrait avoir été écrite hier, dont on pourrait dire qu'elle est : "dans l'air du temps" alors que… non finalement. On s'émeut face à cette femme qui exagère pour attirer le regard de son mari, on vit la scène avec eux puisqu'ils se baladent de bas en haut, de cour à jardin dans une élocution remarquable et un jeu d'acteurs admirable.

Ce soir-là, l'épidémie n'avait pas encore déferlé au Théâtre Paris-Villette et je conseille justement comme remède ce spectacle réussi pour contrer l'anxiété que les médias propagent, oubliant encore trop souvent, de parler culture, place des femmes, et spectacle bien vivant !

"Toute nue"

© Maxime Lethelier.
© Maxime Lethelier.
Variation Feydeau Norén.
Mise en scène et dramaturgie : Émilie Anna Maillet.
Avec : Sébastien Lalanne, Denis Lejeune, Marion Suzanne, Simon Terrenoire ou Mathieu Perotto, et François Merville (batterie).
Scénographie Benjamin Gabrié.
Création vidéo Maxime Lethelier, Jean François Domingues et Noé Mercklé.
Création musicale François Merville.
Création lumière et régie générale Laurent Beucher.
Son Jean-François Domingues.
Assistante mise en scène et régie plateau Clarisse Sellier.
Construction Benjamin Gabrié, Yohann Chemmoul et les Ateliers de La Comédie de Saint-Étienne.
Réseau Thibaut Le Garrec.
Cie Ex Voto à la lune.
Durée : 1 h 10.
Ados et adultes.

Du 27 février au 21 mars 2020.
Mardi au jeudi à 20 h, vendredi à 19 h, samedi à 20 h et dimanche à 15 h 30.
Théâtre Paris-Villette, Grande Salle, Paris 19e, 01 40 03 72 23.
>> theatre-paris-villette.fr

© Maxime Lethelier.
© Maxime Lethelier.

© Maxime Lethelier.
© Maxime Lethelier.

Isabelle Lauriou
Mercredi 4 Mars 2020

Nouveau commentaire :

Théâtre | Danse | Concerts & Lyrique | À l'affiche | À l'affiche bis | Cirque & Rue | Humour | Festivals | Pitchouns | Paroles & Musique | Avignon 2017 | Avignon 2018 | Avignon 2019 | CédéDévédé | Trib'Une | RV du Jour | Pièce du boucher | Coulisses & Cie | Coin de l’œil | Archives | Avignon 2021 | Avignon 2022 | Avignon 2023 | Avignon 2024 | À l'affiche ter | Avignon 2025







À Découvrir

"Lilou et Lino Le Voyage vers les étoiles" Petit à petit, les chats deviennent l'âme de la maison*

Qu'il est bon de se retrouver dans une salle de spectacle !
Qu'il est agréable de quitter la jungle urbaine pour un moment de calme…
Qu'il est hallucinant de risquer encore plus sa vie à vélo sur une piste cyclable !
Je ne pensais pas dire cela en pénétrant une salle bondée d'enfants, mais au bruit du dehors, très souvent infernal, j'ai vraiment apprécié l'instant et le brouhaha des petits, âgés, de 3 à 8 ans.

© Delphine Royer.
Sur scène du Théâtre Essaïon, un décor représente une chambre d'enfant, celle d'une petite fille exactement. Cette petite fille est interprétée par la vive et solaire Vanessa Luna Nahoum, tiens ! "Luna" dans son prénom, ça tombe si bien. Car c'est sur la lune que nous allons voyager avec elle. Et les enfants, sages comme des images, puisque, non seulement, Vanessa a le don d'adoucir les plus dissipés qui, très vite, sont totalement captés par la douceur des mots employés, mais aussi parce que Vanessa apporte sa voix suave et apaisée à l'enfant qu'elle incarne parfaitement. Un modèle pour les parents présents dans la salle et un régal pour tous ses "mini" yeux rivés sur la scène. Face à la comédienne.

Vanessa Luna Nahoum est Lilou et son chat – Lino – n'est plus là. Ses parents lui racontent qu'il s'est envolé dans les étoiles pour y pêcher. Quelle étrange idée ! Mais la vie sans son chat, si belle âme, à la fois réconfortante, câline et surprenante, elle ne s'y résout pas comme ça. Elle l'adore "trop" son animal de compagnie et qui, pour ne pas comprendre cela ? Personne ce matin en tout cas. Au contraire, les réactions fusent, le verbe est bien choisi. Les enfants sont entraînés dans cette folie douce que propose Lilou : construire une fusée et aller rendre visite à son gros minet.

Isabelle Lauriou
15/05/2025
Spectacle à la Une

"Un Chapeau de paille d'Italie" Une version singulière et explosive interrogeant nos libertés individuelles face aux normalisations sociétales et idéologiques

Si l'art de générer des productions enthousiastes et inventives est incontestablement dans l'ADN de la compagnie L'Éternel Été, l'engagement citoyen fait aussi partie de la démarche créative de ses membres. La présente proposition ne déroge pas à la règle. Ainsi, Emmanuel Besnault et Benoît Gruel nous offrent une version décoiffante, vive, presque juvénile, mais diablement ancrée dans les problématiques actuelles, du "Chapeau de paille d'Italie"… pièce d'Eugène Labiche, véritable référence du vaudeville.

© Philippe Hanula.
L'argument, simple, n'en reste pas moins source de quiproquos, de riantes ficelles propres à la comédie et d'une bonne dose de situations grotesques, burlesques, voire absurdes. À l'aube d'un mariage des plus prometteurs avec la très florale Hélène – née sans doute dans les roses… ornant les pépinières parentales –, le fringant Fadinard se lance dans une quête effrénée pour récupérer un chapeau de paille d'Italie… Pour remplacer celui croqué – en guise de petit-déj ! – par un membre de la gent équestre, moteur exclusif de son hippomobile, ci-devant fiacre. À noter que le chapeau alimentaire appartenait à une belle – porteuse d'une alliance – en rendez-vous coupable avec un soldat, sans doute Apollon à ses heures perdues.

N'ayant pas vocation à pérenniser toute forme d'adaptation académique, nos deux metteurs en scène vont imaginer que cette histoire absurde est un songe, le songe d'une nuit… niché au creux du voyage ensommeillé de l'aimable Fadinard. Accrochez-vous à votre oreiller ! La pièce la plus célèbre de Labiche se transforme en une nouvelle comédie explosive, électro-onirique ! Comme un rêve habité de nounours dans un sommeil moelleux peuplé d'êtres extravagants en doudounes orange.

Gil Chauveau
11/03/2024
Spectacle à la Une

"La vie secrète des vieux" Aimer même trop, même mal… Aimer jusqu'à la déchirure

"Telle est ma quête", ainsi parlait l'Homme de la Mancha de Jacques Brel au Théâtre des Champs-Élysées en 1968… Une quête qu'ont fait leur cette troupe de vieux messieurs et vieilles dames "indignes" (cf. "La vieille dame indigne" de René Allio, 1965, véritable ode à la liberté) avides de vivre "jusqu'au bout" (ouaf… la crudité revendiquée de leur langue émancipée y autorise) ce qui constitue, n'en déplaise aux catholiques conservateurs, le sel de l'existence. Autour de leur metteur en scène, Mohamed El Khatib, ils vont bousculer les règles de la bienséance apprise pour dire sereinement l'amour chevillé au corps des vieux.

© Christophe Raynaud de Lage.
Votre ticket n'est plus valable. Prenez vos pilules, jouez au Monopoly, au Scrabble, regardez la télé… des jeux de votre âge quoi ! Et surtout, ayez la dignité d'attendre la mort en silence, on ne veut pas entendre vos jérémiades et – encore moins ! – vos chuchotements de plaisir et vos cris d'amour… Mohamed El Khatib, fin observateur des us et coutumes de nos sociétés occidentales, a documenté son projet théâtral par une série d'entretiens pris sur le vif en Ehpad au moment de la Covid, des mouroirs avec eau et électricité à tous les étages. Autour de lui et d'une aide-soignante, artiste professionnelle pétillante de malice, vont exister pleinement huit vieux et vieilles revendiquant avec une belle tranquillité leur droit au sexe et à l'amour (ce sont, aussi, des sentimentaux, pas que des addicts de la baise).

Un fauteuil roulant poussé par un vieux très guilleret fait son entrée… On nous avertit alors qu'en fonction du grand âge des participant(e)s au plateau, et malgré les deux défibrillateurs à disposition, certain(e)s sont susceptibles de mourir sur scène, ce qui – on l'admettra aisément – est un meilleur destin que mourir en Ehpad… Humour noir et vieilles dentelles, le ton est donné. De son fauteuil, la doyenne de la troupe, 91 ans, Belge et ancienne présentatrice du journal TV, va ar-ti-cu-ler son texte, elle qui a renoncé à son abonnement à la Comédie-Française car "ils" ne savent plus scander, un vrai scandale ! Confiant plus sérieusement que, ce qui lui manque aujourd'hui – elle qui a eu la chance d'avoir beaucoup d'hommes –, c'est d'embrasser quelqu'un sur la bouche et de manquer à quelqu'un.

Yves Kafka
30/08/2024