La Revue du Spectacle, le magazine des arts de la scène et du spectacle vivant. Infos théâtre, chanson, café-théâtre, cirque, arts de la rue, agenda, CD, etc.



Augmenter la taille du texte
Diminuer la taille du texte
Partager
CédéDévédé

"Lovescapes", les paysages amoureux selon Johan Farjot et David Tepfer

Deuxième opus du pianiste et compositeur Johan Farjot après "Childhood", ces paysages sonores (d'amour) ou "Lovescapes" déploient leur prestige intimiste et rêveur sur des poèmes du romancier américain David Tepfer. À retrouver au concert le 19 janvier au Bal Blomet.



© Philippe Beheydt.
© Philippe Beheydt.
L'Amour aux temps du choléra ? C'est presque cela : c'est durant le confinement en mars et avril 2020 que s'est enregistré Salle Colonne ce nouvel opus de Johan Farjot. Une réussite due à la rencontre du pianiste de l'ensemble Contraste qu'on sait aussi impliqué dans les répertoires du jazz, de la pop parfois, et passionné de musique américaine comme de mélodie française, avec un écrivain américain vivant à Paris. Ce dernier, ancien biologiste de premier plan devenu organisateur de concerts et vidéaste, tout en ayant déjà achevé son quatrième roman, l'a accueilli dans son atelier d'artistes pour une collaboration des plus fécondes. Ces deux-là songent d'ailleurs à un opéra.

Ce projet est porté également par une troupe de musiciens et de chanteurs tous remarquables. Comprenant deux cycles de chant, l'un "Lovescapes" interprété par la divine soprano Sandrine Piau accompagnée du piano de Johan Farjot, l'autre "Shikoku Songs" offrant un écrin au grand ténor Stanislas de Barbeyrac et au subtil pianiste David Kadouch, cet enregistrement brille aussi de précieux moments suspendus grâce aux mezzos Ambroisine Bré et Delphine Haidan dans deux pièces d'une rare poésie ("Heart to heart", "Kaguya"). Seule petite réserve peut-être que ce choix d'une technique parfois un peu trop opératique pour exprimer les élans passionnés du cœur (notamment dans "Shikoku Songs") - avec des chanteurs par ailleurs toujours parfaitement justes en mode mineur dans les plages oniriques que réserve ce voyage musical.

Le CD s'ouvre et se clôt en miroir sur deux magnifiques parties. Dans "Sunset", la voix aux accents troublants de Rosemary Standley (fidèle du compositeur) nous embarque très loin avec le premier poème (parlé) sur les notes qu'égrène le piano (souvent impressionniste, toujours chantant en plus d'une heure de musique) avant que ne s'élèvent les lignes musicales entraînant, dans leur flux et reflux, l'alto d'Arnaud Thorette (le complice de l'ensemble Contraste) et la flûte de Mathilde Calderini (du Philharmonique de Radio France) pour une expérience proprement cinématographique. À la toute fin de ce rêve d'amour et d'amitié défiant les limites des frontières géographiques et des appartenances esthétiques, la voix de David Tepfer lui-même plane sur la belle mélodie que défend avec talent David Kadouch. Notons aussi les belles interventions de la soprano Jeanne Gérard et de la violoniste Geneviève Laurenceau ("Sunrise"). Un voyage recommandé donc que les Parisiens pourront goûter le 19 janvier au Bal Blomet.

● Johan Farjot "Lovescapes".
Poems by David Tepfer.
Label : Alpha Classics.
Distribution : Outhere Music France.
Sortie : 14 janvier 2021.

>> johanfarjot.fr
>> alpha-classic

Christine Ducq
Lundi 17 Janvier 2022

Nouveau commentaire :

Théâtre | Danse | Concerts & Lyrique | À l'affiche | À l'affiche bis | Cirque & Rue | Humour | Festivals | Pitchouns | Paroles & Musique | Avignon 2017 | Avignon 2018 | Avignon 2019 | CédéDévédé | Trib'Une | RV du Jour | Pièce du boucher | Coulisses & Cie | Coin de l’œil | Archives | Avignon 2021 | Avignon 2022 | Avignon 2023







À découvrir

"Othello" Iago et Othello… le vice et la vertu, deux maux qui vont très bien ensemble

Réécrit dans sa version française par Jean-Michel Déprats, le texte de William Shakespeare devient ici matière contemporaine explorant à l'envi les arcanes des comportements humains. Quant à la mise en jeu proposée par Jean-François Sivadier, elle restitue - "à la lettre" près - l'esprit de cette pièce crépusculaire livrant le Maure de Venise à la perfidie poussée jusqu'à son point d'incandescence de l'intrigant Iago, incarné par un Nicolas Bouchaud à la hauteur de sa réputation donnant la réplique à un magnifique Adama Diop débordant de vitalité.

© Jean-Louis Fernandez.
Un décor sombre pouvant faire penser à d'immenses mâchoires mobiles propres à avaler les personnages crée la fantasmagorie de cette intrigue lumineuse. En effet, très vite, on s'aperçoit que l'enjeu de cet affrontement "à mots couverts" ne se trouve pas dans quelque menace guerrière menaçant Chypre que le Maure de Venise, en tant que général des armées, serait censé défendre… Ceci n'est que "pré-texte". L'intérêt se noue ailleurs, autour des agissements de Iago, ce maître ès-fourberies qui n'aura de cesse de détruire méthodiquement tous celles et ceux qui lui vouent (pourtant) une fidélité sans faille…

L'humour (parfois grinçant) n'est pour autant jamais absent… Ainsi lors du tableau inaugural, lorsque le Maure de Venise confie comment il s'est joué des aprioris du vieux sénateur vénitien, père de Desdémone, en lui livrant comment en sa qualité d'ancien esclave il fut racheté, allant jusqu'à s'approprier le nom d'"anthropophage" dans le même temps que sa belle "dévorait" ses paroles… Ou lorsque Iago, croisant les jambes dans un fauteuil, lunettes en main, joue avec une ironie mordante le psychanalyste du malheureux Cassio, déchu par ses soins de son poste, allongé devant lui et hurlant sa peine de s'être bagarré en état d'ébriété avec le gouverneur… Ou encore, lorsque le noble bouffon Roderigo, est ridiculisé à plates coutures par Iago tirant maléfiquement les ficelles, comme si le prétendant éconduit de Desdémone n'était plus qu'une vulgaire marionnette entre ses mains expertes.

Yves Kafka
03/03/2023
Spectacle à la Une

"Le Chef-d'œuvre Inconnu" Histoire fascinante transcendée par le théâtre et le génie d'une comédienne

À Paris, près du quai des Grands-Augustins, au début du XVIIe siècle, trois peintres devisent sur leur art. L'un est un jeune inconnu promis à la gloire : Nicolas Poussin. Le deuxième, Franz Porbus, portraitiste du roi Henri IV, est dans la plénitude de son talent et au faîte de sa renommée. Le troisième, le vieux Maître Frenhofer, personnage imaginé par Balzac, a côtoyé les plus grands maîtres et assimilé leurs leçons. Il met la dernière main dans le plus grand secret à un mystérieux "chef-d'œuvre".

© Jean-François Delon.
Il faudra que Gilette, la compagne de Poussin, en qui Frenhofer espère trouver le modèle idéal, soit admise dans l'atelier du peintre, pour que Porbus et Poussin découvrent le tableau dont Frenhofer gardait jalousement le secret et sur lequel il travaille depuis 10 ans. Cette découverte les plongera dans la stupéfaction !

Quelle autre salle de spectacle aurait pu accueillir avec autant de justesse cette adaptation théâtrale de la célèbre nouvelle de Balzac ? Une petite salle grande comme un mouchoir de poche, chaleureuse et hospitalière malgré ses murs tout en pierres, bien connue des férus(es) de théâtre et nichée au cœur du Marais ?

Cela dit, personne ne nous avait dit qu'à l'Essaïon, on pouvait aussi assister à des séances de cinéma ! Car c'est pratiquement à cela que nous avons assisté lors de la générale de presse lundi 27 mars dernier tant le talent de Catherine Aymerie, la comédienne seule en scène, nous a emportés(es) et transportés(es) dans l'univers de Balzac. La force des images transmises par son jeu hors du commun nous a fait vire une heure d'une brillante intensité visuelle.

Pour peu que l'on foule de temps en temps les planches des théâtres en tant que comédiens(nes) amateurs(es), on saura doublement jauger à quel point jouer est un métier hors du commun !
C'est une grande leçon de théâtre que nous propose là la Compagnie de la Rencontre, et surtout Catherine Aymerie. Une très grande leçon !

Brigitte Corrigou
07/04/2023
Spectacle à la Une

Dans "Nos jardins Histoire(s) de France #2", la parole elle aussi pousse, bourgeonne et donne des fruits

"Nos Jardins", ce sont les jardins ouvriers, ces petits lopins de terre que certaines communes ont commencé à mettre à disposition des administrés à la fin du XIXe siècle. Le but était de fournir ainsi aux concitoyens les plus pauvres un petit bout de terre où cultiver légumes, tubercules et fruits de manière à soulager les finances de ces ménages, mais aussi de profiter des joies de la nature. "Nos Jardins", ce sont également les jardins d'agrément que les nobles, les rois puis les bourgeois firent construire autour de leurs châteaux par des jardiniers dont certains, comme André Le Nôtre, devinrent extrêmement réputés. Ce spectacle englobe ces deux visions de la terre pour développer un débat militant, social et historique.

Photo de répétition © Cie du Double.
L'argument de la pièce raconte la prochaine destruction d'un jardin ouvrier pour implanter à sa place un centre commercial. On est ici en prise directe avec l'actualité. Il y a un an, la destruction d'une partie des jardins ouvriers d'Aubervilliers pour construire des infrastructures accueillant les JO 2024 avait soulevé la colère d'une partie des habitants et l'action de défenseurs des jardins. Le jugement de relaxe de ces derniers ne date que de quelques semaines. Un sujet brûlant donc, à l'heure où chaque mètre carré de béton à la surface du globe le prive d'une goutte de vie.

Trois personnages sont impliqués dans cette tragédie sociale : deux lycéennes et un lycéen. Les deux premières forment le noyau dur de cette résistance à la destruction, le dernier est tout dévoué au modernisme, féru de mode et sans doute de fast-food, il se moque bien des légumes qui poussent sans aucune beauté à ses yeux. L'auteur Amine Adjina met ainsi en place les germes d'un débat qui va opposer les deux camps.

Bruno Fougniès
23/12/2022