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CédéDévédé

"If only I could hibernate"… À la découverte des beaux blues de Mongolie !

Bande originale du film du même titre, "If only I could hibernate" est un voyage musical au cœur de la Mongolie. Le dernier LP de Johanni Curtet embrasse une large gamme de sonorités allant du blues des monts Altaï aux envolées saccadées du beatbox en passant par les chants Khöömii.



Johanni Curtet © "If only I could hibernate"/Amygdala Films.
Johanni Curtet © "If only I could hibernate"/Amygdala Films.
Nous avions déjà parlé de Johanni Curtet à l'occasion du dernier album de Batsükh Dorj, "Ögbelerim", en janvier dernier, où celui-ci avait effectué, entre autres, les arrangements. Là, on le retrouve aux commandes de son propre LP qui est aussi la bande originale du film "If I only could hibernate" ("Si seulement je pouvais hiberner", "Baavgai Bolohson") de la réalisatrice mongole Zoljargal Purevdash. Le film a été présenté à l'édition 2023 du festival de Cannes dans la sélection "Un certain regard". Sa sortie officielle a eu lieu le 24 janvier 2024.

Le film plonge dans la vie d'une famille mongole vivant à Oulan-Bator, capitale de la Mongolie, et de Ulzii, un adolescent, fort en mathématiques, qui a la possibilité de participer à un concours de physique et d'obtenir une bourse, mais il est confronté aux conditions de vie très difficiles qu'il vit avec sa famille.

Johanni Curtet est musicien et ethnomusicologue français, spécialiste du chant diphonique et de la musique mongole. Dans sa dernière création, le khöömii, l'un des six chants diphoniques de Mongolie, accompagne certaines compositions. Patrimoine culturel très important de la Mongolie, il reste une tradition vivace avec des harmoniques ressemblant à celui d'un bourdon vocal, autour de deux notes de fréquences différentes et ses deux voix, la première soutenue par les cordes vocales, la seconde plus aigüe, amplifiée par les cavités de résonance comme, entre autres, le pharynx ou la bouche.

Kham Meslien © "If only I could hibernate"/Amygdala Films.
Kham Meslien © "If only I could hibernate"/Amygdala Films.
L'ouverture de l'album, "Ekhle", débute par ce chant diphonique, avec une voix pincée et vibrante. Les enregistrements sont un kaléidoscope musical où la voix est utilisée comme un instrument. Nous sommes transportés dans différentes atmosphères sonores. On alterne ainsi entre du blues, avec, entre autres, "Slow blues I", "Slow blues II" et le beatbox avec lequel Johanni Curtet donne une allure rap avec "Before meeting the aunt". "Theme of hope" est aussi une très belle mélodie portée par le violon et une guitare qui tressent ensemble leurs accords pour donner un rythme à la fois enjoué et grave avec l'instrument à vent qui nous emmène dans quelques tourbillons mélodiques quand celui à cordes est en lead.

L'album est d'une grande richesse artistique dans laquelle Johanni Curtet concilie une riche palette autant instrumentale que tonale. Pouvant être d'une sonorité très basse, on trouve aussi des accents aux octaves beaucoup plus hautes, aux rythmes rapides ou hachées, entremêlant ainsi des tempos très variés.

Au-delà des chants khöömii, le LP est surtout instrumental, appuyé, entre autres, par une vièle morin khuur, un khulsan khuur (guimbarde de Mongolie), un violon et un carillon, le tout apportant des touches sonores autant traditionnelles que variées et bien agencées.

Cette richesse musicale est nourrie de très belles compositions comme "Eyereg ayaz I", trame qui revient une deuxième fois avec "Eyereg ayaz II", autour du luth Doshpuluur et un violon avec son rythme bien soutenu et entraînant. "Slow blues I" est un beau blues à la guitare, accompagné toujours de l'instrument à vent et de sonorités vocales et gutturales dont la structure musicale revient quelques morceaux plus tard avec "Slow blues II".

Ce type de retours musicaux sont présents dans trois compositions dont la dernière avec "L'âme givrée I" et "L'âme givrée II", superbes blues en beatbox appuyés toujours par la guitare et le violon. Difficile de lister toutes les compositions, la richesse artistique et la qualité d'interprétation étant toujours au rendez-vous.

C'est un très bel album qui puise sa source dans une interprétation maîtrisée et la découverte d'une musique mongole riche et étonnamment ressourçante. Vivement la suite !

Mandakhjargal Daansuren © "If only I could hibernate"/Amygdala Films.
Mandakhjargal Daansuren © "If only I could hibernate"/Amygdala Films.

Cover CD © Noise Art Media/Éric Collet.
Cover CD © Noise Art Media/Éric Collet.
● "If Only I Could Hibernate/Si seulement je pouvais hiberner".
Bande originale du film de Zoljargal Purevdash (sélection officielle Festival de Cannes, Un Certain Regard 2023).
Distribution : Buda Musique/Socadisc.
Sortie française le 10 janvier 2024.

Johanni Curtet : composition, beatbox, khöömii, chant de gorge, guitare, luth doshpuluur, guimbardes, carillon.
Mandakhjargal Daansuren : vièle morin khuur, khöömii, chant de gorge.
Kham Meslien : contrebasse.
Enregistré et mixé par Bob Coke.

Safidin Alouache
Mardi 26 Mars 2024

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