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Concerts

Festival de Prada : Contenta de estar a Prada* !

[En direct du Festival Pablo Casals à Prades.] La chaleur torride tisse sa toile sur le bourg de Prades : hommes et animaux se sentent irrésistiblement entraînés à une prudente et paresseuse immobilité. Des mamies aux cheveux blancs permanentés vont à la Caisse d'Épargne ou à l'épicerie. Les festivaliers sont encore charmés du récital de la veille de la soprano Sandrine Piau.



Grottes des Grandes Canalettes © Nemo Perier Stefanovitch.
Grottes des Grandes Canalettes © Nemo Perier Stefanovitch.
Le phrasé délicat, l'élégance de la ligne de chant, le timbre cristallin d'une voix au legato parfait, tout leur rappelle que la délicieuse chanteuse est l'incarnation idéale de la grâce. Elle est l'ambassadrice "colorature" rêvée des mélodies de Poulenc, de Liszt, de Schubert.

Dans la cité catalane, les plus courageux - et parmi eux, votre intrépide reporter ! - peuvent se rendre à l'exposition, à la mairie, consacrée aux années d'exil du grand Pablo Casals. Il s'agit d'une présentation du travail d'un photojournaliste, Jean Ribière, qui a suivi pendant quelques années son combat pro-républicain et anti-franquiste. Le Festival de Prades rappelle in fine que ce combat a été gagné, puisqu'il fut créé par le violoncelliste catalan dans une optique militante. Une façon d'interpeller les gouvernements et les politiques.

© Nemo Perier Stefanovitch.
© Nemo Perier Stefanovitch.
Aujourd'hui, les musiciens du monde entier viennent jouer et créer à Prades, transportant dans leurs valises d'éternels nomades l'utopie fraternelle de la république des artistes. Bien dans l'esprit du grand homme**.

On a peine à imaginer l'incroyable organisation que cet événement nécessite : une armée de techniciens déménagent piano, clavecin et lourds matériels d'un endroit à l'autre. De Molitg à l'abbaye Saint-Michel de Cuxa, du casino de Vernet aux Grottes des Grandes Canalettes, des pieds du Mont Canigou à Mantet, à Vinça...

Essayez de concevoir ces musiciens, ces chanteurs prêts à tout, même à grimper sur un chemin de randonnée pour donner leurs concerts - les contrebassistes par exemple... C'est de surcroît un vrai plaisir de les voir jouer ensemble en quatuor, quintet, sextet, octuor, etc., dans une atmosphère d'amitié joyeuse et communicative.

Michel Lethiec © Nemo Perier Stefanovitch.
Michel Lethiec © Nemo Perier Stefanovitch.
Pensez à l'armée de bénévoles qui se dévouent pour accueillir au mieux le public dans quarante-cinq concerts et, ce, pendant trois semaines. Figurez-vous la gentillesse et la disponibilité des membres du bureau du festival - un salut amical tout particulier à Christophe Lloria, notre adorable Cicéron, dont on peut lire les chroniques dans "L'Indépendant". Et aussi au vice-président Michel Barret, excellent Amphitryon.

Bref, recevoir quelques milliers de visiteurs pour les régaler de musique n'est pas chose aisée ! Bravo à tous ces militants du partage sincère entre mélomanes !

Mais, m'objecterez-vous, où en est le récit annoncé de votre soirée "INOUBLIABLE" du 8 août avec le harpiste Xavier de Maistre ? Eh bien, cher Lecteur, les meilleures choses se laissent toujours désirer ! À demain donc...

* "Contente d'être à Prades"
** Une biographie consacrée à Pablo Casals vient de sortir chez Découvertes Gallimard.

© Nemo Perier Stefanovitch.
© Nemo Perier Stefanovitch.
Festival Pablo Casals
Du 26 juillet au 13 août 2012.
33, rue de l'Hospice, BP 50 024, 66502 Prades.
Renseignements et réservations : 04 68 96 33 07.
>> prades-festival-casals.com
>> Le programme complet.

Christine Ducq
Vendredi 10 Août 2012

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Concerts | Lyrique












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"Very Math Trip" est un "one-math-show" qui pourra réconcilier les "traumatisés(es)" de cette matière que sont les maths. Mais il faudra vous accrocher, car le cours est assuré par un professeur vraiment pas comme les autres !

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Votre ticket n'est plus valable. Prenez vos pilules, jouez au Monopoly, au Scrabble, regardez la télé… des jeux de votre âge quoi ! Et surtout, ayez la dignité d'attendre la mort en silence, on ne veut pas entendre vos jérémiades et – encore moins ! – vos chuchotements de plaisir et vos cris d'amour… Mohamed El Khatib, fin observateur des us et coutumes de nos sociétés occidentales, a documenté son projet théâtral par une série d'entretiens pris sur le vif en Ehpad au moment de la Covid, des mouroirs avec eau et électricité à tous les étages. Autour de lui et d'une aide-soignante, artiste professionnelle pétillante de malice, vont exister pleinement huit vieux et vieilles revendiquant avec une belle tranquillité leur droit au sexe et à l'amour (ce sont, aussi, des sentimentaux, pas que des addicts de la baise).

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