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Fanny Vicens accordéonise les Variations Goldberg

La réputée Fanny Vicens, pianiste et accordéoniste la plus recherchée des ensembles contemporains, propose une relecture culottée des Variations Goldberg de Bach.



Il y a encore quelques années, il fallait être diablement optimiste pour entreprendre des études d'accordéon, peu de conservatoires daignant reconnaître au "piano du pauvre", inventé dans la première moitié du XIXe siècle, la dignité d'un instrument classique et acceptant de l'enseigner. Heureusement ce préjugé est depuis balayé et notre jeune Fanny (un prénom prometteur en musique), d'abord formée à Perpignan, s'est vue diplômée par le CSNDM avant de gagner un nombre impressionnant de prix.

Non contente de porter haut les couleurs de l'instrument comme interprète, elle a inventé avec son complice à la ville et sur scène (formant le duo Xamp), Étienne Sotty, l'accordéon microtonal de vingt-quatre notes par gamme chromatique. On ne compte plus le nombre de compositeurs contemporains œuvrant pour ce nouveau bijou en solo ou dans l'orchestre. Toujours attirée par les défis, aujourd'hui, celle qui est désormais professeure à la Haute École de Musique de Lausanne offre une transcription des plus inattendues d'une œuvre destinée à l'origine pour le clavecin à deux claviers.


Avec son instrument, Fanny Vicens a raison de se permettre, avec les fameuses Variations, une relecture radicale en mettant en valeur sa dimension contrapuntique et polyphonique. La virtuosité de l'accordéoniste - lui rendant absolument sa dimension orchestrale - se marie à une énergie proprement renversante. Des qualités qui lui font honneur, de même sa science du soufflet.

Son interprétation jouant sur les intensités et les effets de spatialisation, dans cette transcription respectueuse quoique évidemment non conventionnelle, nous emporte souvent dans un flux émotionnel digne des plus grands thuriféraires de l'œuvre du Maître de Leipzig. Avec ce nouvel enregistrement, Fanny Vicens donne vraiment le sentiment de réentendre l'œuvre de Bach en en offrant de multiples facettes inattendues - grâce à un geste novateur qu'il faut saluer.

● Fanny Vicens "Bach Goldberg Variations BMW 988".
Fanny Vicens, accordéon.
Label : Paraty.
Sortie : février 2022.
>> fannyvicens.com

Christine Ducq
Mardi 5 Avril 2022

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"L'Effet Papillon" Se laisser emporter au fil d'un simple vol de papillon pour une fascinante expérience

Vous pensez que vos choix sont libres ? Que vos pensées sont bien gardées dans votre esprit ? Que vous êtes éventuellement imprévisibles ? Et si ce n'était pas le cas ? Et si tout partait de vous… Ouvrez bien grands les yeux et vivez pleinement l'expérience de l'Effet Papillon !

© Pics.
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Brigitte Corrigou
08/09/2023
Spectacle à la Une

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La comédie musicale rock de Broadway enfin en France ! Récompensée quatre fois aux Tony Awards, Hedwig, la chanteuse transsexuelle germano-américaine, est-allemande, dont la carrière n'a jamais démarré, est accompagnée de son mari croate,Yithak, qui est aussi son assistant et choriste, mais avec lequel elle entretient des relations malsaines, et de son groupe, the Angry Inch. Tout cela pour retracer son parcours de vie pour le moins chaotique : Berlin Est, son adolescence de mauvais garçon, son besoin de liberté, sa passion pour le rock, sa transformation en Hedwig après une opération bâclée qui lui permet de quitter l'Allemagne en épouse d'un GI américain, ce, grâce au soutien sans failles de sa mère…

© Grégory Juppin.
Hedwig bouscule les codes de la bienséance et va jusqu'au bout de ses rêves.
Ni femme, ni homme, entre humour queer et confidences trash, il/elle raconte surtout l'histoire de son premier amour devenu l'une des plus grandes stars du rock, Tommy Gnosis, qui ne cessera de le/la hanter et de le/la poursuivre à sa manière.

"Hedwig and the Angry inch" a vu le jour pour la première fois en 1998, au Off Broadway, dans les caves, sous la direction de John Cameron Mitchell. C'est d'ailleurs lui-même qui l'adaptera au cinéma en 2001. C'est la version de 2014, avec Neil Patrick Harris dans le rôle-titre, qui remporte les quatre Tony Awards, dont celui de la meilleure reprise de comédie musicale.

Ce soir-là, c'était la première fois que nous assistions à un spectacle au Théâtre du Rouge Gorge, alors que nous venons pourtant au Festival depuis de nombreuses années ! Situé au pied du Palais des Papes, du centre historique et du non moins connu hôtel de la Mirande, il s'agit là d'un lieu de la ville close pour le moins pittoresque et exceptionnel.

Brigitte Corrigou
20/09/2023
Spectacle à la Une

"Zoo Story" Dans un océan d'inhumanités, retrouver le vivre ensemble

Central Park, à l'heure de la pause déjeuner. Un homme seul profite de sa quotidienne séquence de répit, sur un banc, symbole de ce minuscule territoire devenu son havre de paix. Dans ce moment voulu comme une trêve face à la folie du monde et aux contraintes de la société laborieuse, un homme surgit sans raison apparente, venant briser la solitude du travailleur au repos. Entrant dans la narration d'un pseudo-récit, il va bouleverser l'ordre des choses, inverser les pouvoirs et détruire les convictions, pour le simple jeu – absurde ? – de la mise en exergue de nos inhumanités et de nos dérives solitaires.

© Alejandro Guerrero.
Lui, Peter (Sylvain Katan), est le stéréotype du bourgeois, cadre dans une maison d'édition, "détenteur" patriarcal d'une femme, deux enfants, deux chats, deux perruches, le tout dans un appartement vraisemblablement luxueux d'un quartier chic et "bobo" de New York. L'autre, Jerry (Pierre Val), à l'opposé, est plutôt du côté de la pauvreté, celle pas trop grave, genre bohème, mais banale qui fait habiter dans une chambre de bonne, supporter les inconvénients de la promiscuité et rechercher ces petits riens, ces rares moments de défoulement ou d'impertinence qui donnent d'éphémères et fugaces instants de bonheur.

Les profils psychologiques des deux personnages sont subtilement élaborés, puis finement étudiés, analysés, au fil de la narration, avec une inversion, un basculement "dominant - dominé", s'inscrivant en douceur dans le déroulement de la pièce. La confrontation, involontaire au début, Peter se laissant tout d'abord porter par le récit de Jerry, devient plus prégnante, incisive, ce dernier portant ses propos plus sur des questionnements existentiels sur la vie, sur les injonctions à la normalité de la société et la réalité pitoyable – selon lui – de l'existence de Peter… cela sous prétexte d'une prise de pouvoir de son espace vital de repos qu'est le banc que celui-ci utilise pour sa pause déjeuner.

La rencontre fortuite entre ces deux humains est en réalité un faux-semblant, tout comme la prétendue histoire du zoo qui ne viendra jamais, Edward Albee (1928-2016) proposant ici une réflexion sur les dérives de la société humaine qui, au fil des décennies, a construit toujours plus de barrières entre elle et le vivant, créant le terreau des détresses ordinaires et des grandes solitudes. Ce constat fait dans les années cinquante par l'auteur américain de "Qui a peur de Virginia Woolf ?" se révèle plus que jamais d'actualité avec l'évolution actuelle de notre monde dans lequel l'individualisme a pris le pas sur le collectif.

Gil Chauveau
15/09/2023