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"Coquelicot" Prisca Demarez Un tourbillon de vie en jupe de tulle rouge

Alors que Peter Brook prenait son envol ce samedi 2 juillet, laissant au théâtre un espace définitivement vide, je prenais place au Théâtre de la Contrescarpe en soirée pour assister à un spectacle avec en tête d'affiche Prisa Demarez. Quand son attaché presse - un super mec ! (on ne remercie pas assez les attachés de presse) Passionné - m'a envoyé les infos, j'ai dit : oui ! Sans hésiter.



© Fabienne Rappeneau.
© Fabienne Rappeneau.
Prisca Demarez, je me souvenais d'elle dans le rôle de la méchante reine dans la comédie musicale "Blanche Neige" qui se jouait à Bobino. J'avais embarqué mon fils, alors âgé de 6 ans, et il s'était ennuyé, sauf devant les sept nains qui étaient "vachement marrants" et parce que la reine faisait "un petit peu peur de temps en temps". La Reine, majuscule et magistrale Prisca. Sans elle, le show n'aurait donc pas été le même. La voix, le corps et l'énergie qu'elle déployait sur scène étaient époustouflantes ! Quelques heures plus tard, grâce au réseau social, j'ai envoyé un message très court à l'artiste pour la féliciter de m'avoir tenu sur le siège de Bobino jusqu'au bout. Saluant sa performance.

La revoir, seule cette fois, car entre "Blanche neige" et "Coquelicot", il s'en est passé des shows ! De "Cats" à "Avenue Q" en passant par l'excellent "Cabaret", elle en a joué des spectacles de haut niveau. Mais elle n'était pas en solo. Là, oui ! Presque, car un excellent claviste accompagne sa voix divine.

© Fabienne Rappeneau.
© Fabienne Rappeneau.
Prisca est bien là ! Elle donne, elle joue, elle chante et partage ce bonheur palpable d'être sur une scène et d'y être bien. Si bien, qu'elle pourrait même "mourir sur scène". Dans "Coquelicot", elle se livre, c'est elle, l'artiste. Elle raconte au public, un bout de son parcours, les idées reçues sur son métier, les incompréhensions des uns et des autres, les siens, ses proches comme souvent, malheureusement. Faire plaisir pour ne pas trahir, accepter de s'éloigner, loin, très loin, de son désir. Tel a été le destin de Prisca Demarez. Puis, soudain, le désir devient plus fort et agir c'est sauver sa peau, "être ce qu'on est, vivre ce qu'on veut" pour ne pas sombrer piano piano…

Elle a travaillé dur mais, toujours, elle a été passionnée. Cela se sent, se ressent tant elle offre aux spectateurs le bonheur de jouer, d'être là, si vivante, si débordante d'envie, si belle et surtout sensationnelle. Car, des espaces vides qu'elle a rencontrés sur son chemin, l'artiste a pris une place à chaque recoin d'une scène pour incarner, chanter et danser. Voilà toute la beauté de son "Coquelicot" : "petit pavot sauvage à fleur rouge vif". Vêtue d'une jupe en tulle rouge, elle tourbillonne de vie autour de son récit ponctué de chansons sans jamais déborder. Juste ce qu'il faut pour émouvoir, le dernier morceau, en particulier.

© Fabienne Rappeneau.
© Fabienne Rappeneau.
Prisca Demarez, il faut aller la voir, mieux, aller l'entendre et écouter. L'entendre et profiter.

Peter Brook s'en est allé, triste nouvelle pour le monde du spectacle vivant, alors quoi de plus rassurant de voir que l'espace continue d'être occupé par des artistes brillants qui, avec pour seuls complices : la musique, le chant, le corps, leur voix et sans autre décor, ne partagent que la beauté de leur immense talent.

Ainsi va la vie, ainsi est Prisca Demarez et son solo que je vous recommande chaudement cet été.

"Coquelicot"

© Fabienne Rappeneau.
© Fabienne Rappeneau.
One woman show musical.
Texte : Prisca Demarez.
Mise en scène : Franck Vincent.
Avec : Prisca Demarez.
Piano : Stan Cramer ou Shay Alon.
Durée : 1 h 15.

Du 19 juin au 10 août 2022.
3, 16, 22, 23 et 27 juillet à 19 h ; 2 juillet, 3 et 10 août à 21 h.
Théâtre de la Contrescarpe, Paris 5e, 01 42 01 81 88.
>> theatredelacontrescarpe.fr

Isabelle Lauriou
Mardi 5 Juillet 2022

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"L'Effet Papillon" Se laisser emporter au fil d'un simple vol de papillon pour une fascinante expérience

Vous pensez que vos choix sont libres ? Que vos pensées sont bien gardées dans votre esprit ? Que vous êtes éventuellement imprévisibles ? Et si ce n'était pas le cas ? Et si tout partait de vous… Ouvrez bien grands les yeux et vivez pleinement l'expérience de l'Effet Papillon !

© Pics.
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C'est à partir de cette théorie que le mentaliste Taha Mansour nous invite à nouveau, en cette rentrée, à effectuer un voyage hors du commun. Son spectacle a reçu un succès notoire au Sham's Théâtre lors du Festival d'Avignon cet été dernier.

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© Grégory Juppin.
Hedwig bouscule les codes de la bienséance et va jusqu'au bout de ses rêves.
Ni femme, ni homme, entre humour queer et confidences trash, il/elle raconte surtout l'histoire de son premier amour devenu l'une des plus grandes stars du rock, Tommy Gnosis, qui ne cessera de le/la hanter et de le/la poursuivre à sa manière.

"Hedwig and the Angry inch" a vu le jour pour la première fois en 1998, au Off Broadway, dans les caves, sous la direction de John Cameron Mitchell. C'est d'ailleurs lui-même qui l'adaptera au cinéma en 2001. C'est la version de 2014, avec Neil Patrick Harris dans le rôle-titre, qui remporte les quatre Tony Awards, dont celui de la meilleure reprise de comédie musicale.

Ce soir-là, c'était la première fois que nous assistions à un spectacle au Théâtre du Rouge Gorge, alors que nous venons pourtant au Festival depuis de nombreuses années ! Situé au pied du Palais des Papes, du centre historique et du non moins connu hôtel de la Mirande, il s'agit là d'un lieu de la ville close pour le moins pittoresque et exceptionnel.

Brigitte Corrigou
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"Zoo Story" Dans un océan d'inhumanités, retrouver le vivre ensemble

Central Park, à l'heure de la pause déjeuner. Un homme seul profite de sa quotidienne séquence de répit, sur un banc, symbole de ce minuscule territoire devenu son havre de paix. Dans ce moment voulu comme une trêve face à la folie du monde et aux contraintes de la société laborieuse, un homme surgit sans raison apparente, venant briser la solitude du travailleur au repos. Entrant dans la narration d'un pseudo-récit, il va bouleverser l'ordre des choses, inverser les pouvoirs et détruire les convictions, pour le simple jeu – absurde ? – de la mise en exergue de nos inhumanités et de nos dérives solitaires.

© Alejandro Guerrero.
Lui, Peter (Sylvain Katan), est le stéréotype du bourgeois, cadre dans une maison d'édition, "détenteur" patriarcal d'une femme, deux enfants, deux chats, deux perruches, le tout dans un appartement vraisemblablement luxueux d'un quartier chic et "bobo" de New York. L'autre, Jerry (Pierre Val), à l'opposé, est plutôt du côté de la pauvreté, celle pas trop grave, genre bohème, mais banale qui fait habiter dans une chambre de bonne, supporter les inconvénients de la promiscuité et rechercher ces petits riens, ces rares moments de défoulement ou d'impertinence qui donnent d'éphémères et fugaces instants de bonheur.

Les profils psychologiques des deux personnages sont subtilement élaborés, puis finement étudiés, analysés, au fil de la narration, avec une inversion, un basculement "dominant - dominé", s'inscrivant en douceur dans le déroulement de la pièce. La confrontation, involontaire au début, Peter se laissant tout d'abord porter par le récit de Jerry, devient plus prégnante, incisive, ce dernier portant ses propos plus sur des questionnements existentiels sur la vie, sur les injonctions à la normalité de la société et la réalité pitoyable – selon lui – de l'existence de Peter… cela sous prétexte d'une prise de pouvoir de son espace vital de repos qu'est le banc que celui-ci utilise pour sa pause déjeuner.

La rencontre fortuite entre ces deux humains est en réalité un faux-semblant, tout comme la prétendue histoire du zoo qui ne viendra jamais, Edward Albee (1928-2016) proposant ici une réflexion sur les dérives de la société humaine qui, au fil des décennies, a construit toujours plus de barrières entre elle et le vivant, créant le terreau des détresses ordinaires et des grandes solitudes. Ce constat fait dans les années cinquante par l'auteur américain de "Qui a peur de Virginia Woolf ?" se révèle plus que jamais d'actualité avec l'évolution actuelle de notre monde dans lequel l'individualisme a pris le pas sur le collectif.

Gil Chauveau
15/09/2023