La Revue du Spectacle, le magazine des arts de la scène et du spectacle vivant. Infos théâtre, chanson, café-théâtre, cirque, arts de la rue, agenda, CD, etc.



Augmenter la taille du texte
Diminuer la taille du texte
Partager
Trib'Une

Christophe Botti, un soleil mauricien en plein hiver

La chronique d'Isa-belle L

Il y a des artistes que l'on aime à défendre parce que, peut-être l'ignorent-ils (et donc vont l'apprendre), ils nous ressemblent. Christophe Botti fait partie de ceux-là.
Pas uniquement parce qu'il a pris ce soir, à l'issue de la représentation de sa nouvelle création, la défense d'un lieu de diffusion : le Vingtième Théâtre, qui risque de partir en fumée comme d'autres espaces dédiés à la création. Non. Pas seulement.



© Élodie Lhomme.
© Élodie Lhomme.
Christophe Botti fait partie de ces artistes engagés. Pas un justicier qui croit encore qu'au XXIe siècle, muni d'une cape et d'une épée, il va sauver par ses mots, la planète. Non plus.

Il est artiste engagé dans sa passion. Le théâtre. Le théâtre contemporain qui, par son écriture moderne, revient sur des histoires du passé. Que beaucoup aimeraient ensevelir mais qui finissent toujours par resurgir.

Ce soir, au Vingtième Théâtre, il présentait son nouveau bébé. Avec talent et humanité. C'est un travailleur du spectacle. Un homme qui se bat pour monter ses projets. Qui prend le temps mais qui réussit, à l'arrivée.

Et ça fait des années que cela dure. Dans le "milieu", on le connaît. Normal, il a reçu des prix. Mais on ne le connaît pas assez. Il ne fait pas encore partie de la famille affichée sur les colonnes. Son nom ne brille pas au-dessus des salles prestigieuses où le beau monde aime se retrouver ; savourant au passage quelques coupettes et deux trois cacahuètes.

© Élodie Lhomme.
© Élodie Lhomme.
Christophe Botti respire, vit et parcourt le théâtre. C'est un curieux, un lecteur, un passionné et un voyageur.

Ce soir, il nous a embarqués, nous les très nombreux spectateurs, à Maurice. Une salle comble, un mercredi de décembre, dans cette période électorale, un brin déprimante et un tantinet hivernale, il est bien normal que j'en parle.

Christophe Botti est auteur, metteur en scène, comédien aussi. Puis, chargé de production, diffuseur, communiquant. Si les réseaux sociaux filaient des centimes d'euros au nombre de lignes que les artistes postaient pour attirer le public dans les salles, nous n'aurions pas besoin de passer par le "crowfunding".

Christophe Botti est un "bon" homme à tout faire, qui sait faire. Maîtrisant l'outil narratif avec subtilité et talent.

"Sous la Varangue" est une création qui pourrait très bien se regarder à la télévision. Ce genre de saga familiale qu'on a tous regardée. Tous. Je ne sais pas. Moi, oui, en tout cas. L'été. Avec Mireille Darc. Des non-dits, de l'amour, de la cruauté, de l'argent… une propriété.

De ma plume, ce n'est pas méchant, c'est ce à quoi j'ai pensé en suivant l'histoire de cette famille "blanche" installée à Maurice. Non-dits, amour, argent, cruauté, propriété. Il y a tous ces éléments. Mais une fin beaucoup mieux amenée et une musique originale composée par un excellent musicien.

Dans "Sous la Varangue" il y a des acteurs aussi, évidemment.

Comme cet artiste nous ressemble, libre à lui de se fier au seul défaut que je lui ai trouvé. Pas à lui personnellement, c'est un chic type au sens premier du mot. Un seul défaut à cette pièce de théâtre. Son casting, inégal à mon goût.

Chacun les siens justement. J'ai regardé la salle, écouté les spectateurs comme souvent en m'échappant. Chacun d'entre eux semblait ravi. Une femme a dit : "un bijou".

Il y a des artistes qu'on aime à défendre parce qu'ils nous ressemblent. Qu'on leur donne notre avis ou non, rien ne les arrêtera. Il prendra ou pas, écoutera ou pas. Libre artiste quoi !

La passion de Christophe Botti c'est le théâtre. Son métier, c'est le théâtre. Son talent se construit depuis des années autour du théâtre.

L'île Maurice à Paris en plein hiver c'est plaisant. Voir un jour, son visage avec au-devant sa nouvelle création, affichée sur les colonnes Morris, c'est ce que je lui souhaite vivement.

"Sous la Varangue"
Une histoire mauricienne.
Texte et mise en scène : Christophe Botti.
Marionnettiste : Stéphane Botti.
Avec : Vinaya Burrel, Bertrand D'Unienville, David Furlong, Benjamin Gilot.
Musique : Richard Beaugendre.
Scénographie : Julien O.
Lumières : Nicolas Laprun.
Coréalisation : Vingtième Théâtre et Compagnie des Hommes Papillons
>> souslavarangue.canalblog.com

Isabelle Lauriou
Jeudi 7 Janvier 2016

Nouveau commentaire :

Théâtre | Danse | Concerts & Lyrique | À l'affiche | À l'affiche bis | Cirque & Rue | Humour | Festivals | Pitchouns | Paroles & Musique | Avignon 2017 | Avignon 2018 | Avignon 2019 | CédéDévédé | Trib'Une | RV du Jour | Pièce du boucher | Coulisses & Cie | Coin de l’œil | Archives | Avignon 2021 | Avignon 2022 | Avignon 2023 | Avignon 2024 | À l'affiche ter | Avignon 2025







À Découvrir

"Lilou et Lino Le Voyage vers les étoiles" Petit à petit, les chats deviennent l'âme de la maison*

Qu'il est bon de se retrouver dans une salle de spectacle !
Qu'il est agréable de quitter la jungle urbaine pour un moment de calme…
Qu'il est hallucinant de risquer encore plus sa vie à vélo sur une piste cyclable !
Je ne pensais pas dire cela en pénétrant une salle bondée d'enfants, mais au bruit du dehors, très souvent infernal, j'ai vraiment apprécié l'instant et le brouhaha des petits, âgés, de 3 à 8 ans.

© Delphine Royer.
Sur scène du Théâtre Essaïon, un décor représente une chambre d'enfant, celle d'une petite fille exactement. Cette petite fille est interprétée par la vive et solaire Vanessa Luna Nahoum, tiens ! "Luna" dans son prénom, ça tombe si bien. Car c'est sur la lune que nous allons voyager avec elle. Et les enfants, sages comme des images, puisque, non seulement, Vanessa a le don d'adoucir les plus dissipés qui, très vite, sont totalement captés par la douceur des mots employés, mais aussi parce que Vanessa apporte sa voix suave et apaisée à l'enfant qu'elle incarne parfaitement. Un modèle pour les parents présents dans la salle et un régal pour tous ses "mini" yeux rivés sur la scène. Face à la comédienne.

Vanessa Luna Nahoum est Lilou et son chat – Lino – n'est plus là. Ses parents lui racontent qu'il s'est envolé dans les étoiles pour y pêcher. Quelle étrange idée ! Mais la vie sans son chat, si belle âme, à la fois réconfortante, câline et surprenante, elle ne s'y résout pas comme ça. Elle l'adore "trop" son animal de compagnie et qui, pour ne pas comprendre cela ? Personne ce matin en tout cas. Au contraire, les réactions fusent, le verbe est bien choisi. Les enfants sont entraînés dans cette folie douce que propose Lilou : construire une fusée et aller rendre visite à son gros minet.

Isabelle Lauriou
15/05/2025
Spectacle à la Une

"Un Chapeau de paille d'Italie" Une version singulière et explosive interrogeant nos libertés individuelles face aux normalisations sociétales et idéologiques

Si l'art de générer des productions enthousiastes et inventives est incontestablement dans l'ADN de la compagnie L'Éternel Été, l'engagement citoyen fait aussi partie de la démarche créative de ses membres. La présente proposition ne déroge pas à la règle. Ainsi, Emmanuel Besnault et Benoît Gruel nous offrent une version décoiffante, vive, presque juvénile, mais diablement ancrée dans les problématiques actuelles, du "Chapeau de paille d'Italie"… pièce d'Eugène Labiche, véritable référence du vaudeville.

© Philippe Hanula.
L'argument, simple, n'en reste pas moins source de quiproquos, de riantes ficelles propres à la comédie et d'une bonne dose de situations grotesques, burlesques, voire absurdes. À l'aube d'un mariage des plus prometteurs avec la très florale Hélène – née sans doute dans les roses… ornant les pépinières parentales –, le fringant Fadinard se lance dans une quête effrénée pour récupérer un chapeau de paille d'Italie… Pour remplacer celui croqué – en guise de petit-déj ! – par un membre de la gent équestre, moteur exclusif de son hippomobile, ci-devant fiacre. À noter que le chapeau alimentaire appartenait à une belle – porteuse d'une alliance – en rendez-vous coupable avec un soldat, sans doute Apollon à ses heures perdues.

N'ayant pas vocation à pérenniser toute forme d'adaptation académique, nos deux metteurs en scène vont imaginer que cette histoire absurde est un songe, le songe d'une nuit… niché au creux du voyage ensommeillé de l'aimable Fadinard. Accrochez-vous à votre oreiller ! La pièce la plus célèbre de Labiche se transforme en une nouvelle comédie explosive, électro-onirique ! Comme un rêve habité de nounours dans un sommeil moelleux peuplé d'êtres extravagants en doudounes orange.

Gil Chauveau
11/03/2024
Spectacle à la Une

"La vie secrète des vieux" Aimer même trop, même mal… Aimer jusqu'à la déchirure

"Telle est ma quête", ainsi parlait l'Homme de la Mancha de Jacques Brel au Théâtre des Champs-Élysées en 1968… Une quête qu'ont fait leur cette troupe de vieux messieurs et vieilles dames "indignes" (cf. "La vieille dame indigne" de René Allio, 1965, véritable ode à la liberté) avides de vivre "jusqu'au bout" (ouaf… la crudité revendiquée de leur langue émancipée y autorise) ce qui constitue, n'en déplaise aux catholiques conservateurs, le sel de l'existence. Autour de leur metteur en scène, Mohamed El Khatib, ils vont bousculer les règles de la bienséance apprise pour dire sereinement l'amour chevillé au corps des vieux.

© Christophe Raynaud de Lage.
Votre ticket n'est plus valable. Prenez vos pilules, jouez au Monopoly, au Scrabble, regardez la télé… des jeux de votre âge quoi ! Et surtout, ayez la dignité d'attendre la mort en silence, on ne veut pas entendre vos jérémiades et – encore moins ! – vos chuchotements de plaisir et vos cris d'amour… Mohamed El Khatib, fin observateur des us et coutumes de nos sociétés occidentales, a documenté son projet théâtral par une série d'entretiens pris sur le vif en Ehpad au moment de la Covid, des mouroirs avec eau et électricité à tous les étages. Autour de lui et d'une aide-soignante, artiste professionnelle pétillante de malice, vont exister pleinement huit vieux et vieilles revendiquant avec une belle tranquillité leur droit au sexe et à l'amour (ce sont, aussi, des sentimentaux, pas que des addicts de la baise).

Un fauteuil roulant poussé par un vieux très guilleret fait son entrée… On nous avertit alors qu'en fonction du grand âge des participant(e)s au plateau, et malgré les deux défibrillateurs à disposition, certain(e)s sont susceptibles de mourir sur scène, ce qui – on l'admettra aisément – est un meilleur destin que mourir en Ehpad… Humour noir et vieilles dentelles, le ton est donné. De son fauteuil, la doyenne de la troupe, 91 ans, Belge et ancienne présentatrice du journal TV, va ar-ti-cu-ler son texte, elle qui a renoncé à son abonnement à la Comédie-Française car "ils" ne savent plus scander, un vrai scandale ! Confiant plus sérieusement que, ce qui lui manque aujourd'hui – elle qui a eu la chance d'avoir beaucoup d'hommes –, c'est d'embrasser quelqu'un sur la bouche et de manquer à quelqu'un.

Yves Kafka
30/08/2024