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Danse

"Body Concert" Des rythmes au centuple qui nous emportent entre légèreté chorégraphique et puissance musicale

La compagnie Ambiguous Dance Company, créée en 2007, vient de Corée du Sud. Le créateur et chorégraphe Boram Kim propose une vision du 6ᵉ art où, dans ce spectacle, le mélange des genres permet une large cohabitation, entre hip-hop et danse classique, où le danseur devient un médium à la fois neutre et froid, comme un automate et proche avec quelques expressions théâtrales sur une musique très dansante, où les artistes tombent le masque pour rejoindre le public. Dans cet entre-deux, le rythme devient tension et répétition.



© Sebastian Marcovici.
© Sebastian Marcovici.
Cela démarre dans l'assistance. Ils sont sept danseurs et certains d'entre eux sont répartis dans la salle avant qu'apparaisse, le rideau levé, l'autre partie de la troupe. Une musique dansante bat son plein comme dans une boîte de nuit. Les interprètes ne se privent pas, à ce moment-là, de créer une relation avec le public en s'approchant de lui, comme pour la fin du spectacle. Lunettes noires, cheveux cachés, aucune expressivité ne se dégage d'eux. Ils sont habillés de façon identique, avec un costume blanc et noir. Ils sont comme des automates. Toute humanité semble en être retirée dans leurs larges mouvements géométriques, angulaires, vifs, hachés.

Le tronc fait pilier, de même que les hanches dans des bascules avec lesquelles les corps se plient de haut en bas, de la tête aux pieds sur un axe horizontal. L'axe vertical est parfois investi, dont une fois avec les têtes au contact du sol, le tronc glissant sur le plateau avec un déport de l'épaule droite qui fait vriller le corps telle une virgule. Puis, la gestuelle s'effectue de la même manière sur l'épaule gauche.

© Dajana Lothert.
© Dajana Lothert.
Tout est dans la force et l'endurance, comme dans cette chorégraphie où un danseur, torse nu, fait des bascules de son tronc de façon répétitive jusqu'à épuisement. Cela devient même machinal, les corps devenant des mécanismes presque automatiques, les regards étant absents, cachés par les lunettes noires, avec des mouvements toujours répétitifs. Dans cette approche machinale, tout ce qui se joue sur scène, gestes et déplacements, se multiplie par répétition de manière systématique avec des danseurs quasiment identiques.

Ce qui fait parfois penser à la solitude, c'est lorsqu'un interprète se retrouve seul sur scène. Le solo est presque à rebrousse-poil, chaque artiste étant un élément d'un mécanisme plus important que lui. Il est de temps en temps esseulé, souvent de lui-même, lorsque de temps en temps certains mouvements deviennent répétitifs jusqu'à l'excès, comme délaissé de sa fatigue ou d'un élan qui l'emporte en dehors du groupe.

Le solo met l'interprète dans une configuration où l'attention du public devient plus importante, la musique s'arrêtant pour marquer cet état. Car ce qui se joue essentiellement sont des séries qui s'enchaînent et non des identités qui s'affichent. C'est l'espace qui confère à chacun son caractère propre quand il s'en approprie un à lui et que son corps devient expressif par ses attitudes et ses gestiques.

© Dajana Lothert.
© Dajana Lothert.
Dans une chorégraphie, des épaules s'abaissent et se montent, des expressions faciales se dessinent où la surprise et l'attente se lisent. L'humour est là, au rendez-vous. Et l'humanité des artistes se dessine dans ce qui se joue sur un espace réduit où ils sont disposés de façon séquentielle, comme pour marquer un rapport distant et toujours présent entre eux. Personne ne se touche et tous restent toujours à proche distance. C'est presque théâtral, même si les positions des uns et des autres restent dans un périmètre étroit de la scène.

La création chorégraphique est un mélange de danses où se marient du hip-hop, de la danse contemporaine et des figures de danse classique avec quelques jolies pointes, le tout sur un tempo toujours très rythmé. Il existe ainsi une cohabitation de gestuelles tirant à la fois au ciel et au sol, avec de rares moments de grâce et beaucoup de tension, oscillant entre, parfois, de la légèreté et très souvent de la force. Dans cette hybridation des contraires, l'axe d'équilibre est toujours le tronc et les hanches sur lesquels les membres supérieurs prennent leur envol. Durant la représentation, le spectateur peut être emporté autant par la musique que par les chorégraphies.
◙ Safidin Alouache

"Body Concert"

© Dajana Lothert.
© Dajana Lothert.
Chorégraphie : Boram Kim.
Danseurs : Kyum Ahn, Hak Lee, SeonHwa Park, JaeHee Shin, JinHo Park, DeokYong Kim, ShinWoo Lee.
Lumières : DaeDoo Bae.
Son : HyungRok An.
Régisseur : SangHoon Kim.
Productrice : HeeJin Lee.
Directrice de tournée : Dasol Park.
Par la Compagnie Ambiguous Dance Company.
Durée : 1 h.

Ce spectacle a été présenté du 20 au 23 novembre 2024 dans la salle Renaud-Barrault du théâtre du Rond-Point, Paris 8ᵉ.
>> theatredurondpoint.fr

© Dajana Lothert.
© Dajana Lothert.
Tournée
29 novembre 2024 : Théâtre André Malraux, Rueil-Malmaison (92).
3 décembre 2024 : Romans Scènes, Romans-sur-Isère (26).
19 mars 2025 : Théâtre Olympia Arcachon, Arcachon (33).
27 mars 2025 : Théâtre du Passage, Neuchâtel (Suisse).
29 mars 2025 : Théâtre la Coupole, Saint-Louis (68).
1ᵉʳ avril 2025 : L'Avant Seine, Colombes (92).

Safidin Alouache
Jeudi 28 Novembre 2024

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© Pierre Gondard.
En arrière-scène, dans une lumière un peu sombre, la scénographie laisse découvrir sept grands carrés vides disposés les uns sur les autres. Celui situé en bas et au centre dessine une entrée. L'ensemble représente ainsi une maison, grande demeure avec ses pièces vides.

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