La Revue du Spectacle, le magazine des arts de la scène et du spectacle vivant. Infos théâtre, chanson, café-théâtre, cirque, arts de la rue, agenda, CD, etc.



Augmenter la taille du texte
Diminuer la taille du texte
Partager
Cirque & Rue

"Ma, aida"… Théâtre et cirque sous le sacre de l'humour

C'est du théâtre sans parole, de l'animation sans bruit, du cirque sans acrobatie avec des attitudes, des postures et des échanges sans mot autour d'une scénographie qui tient, à dessein, comme un château de cartes. Un frisson, une émotion, un rien et l'équilibre peut être rompu.



© Bozzo.
© Bozzo.
Ce sont des coins de scène dans lesquels se jouent, alternativement, des heurts, des embrassades et des coups physiques. Mais aussi des "rencontres ratées", "une mécanique des couples", "une première partie d'une deuxième partie" et une "fin". Ces différents titres, entre guillemets, surplombent le plateau à chaque scène. La fable se raconte mais ne se dit pas. On nomme, on joue sans dialogue. Ici, le corps vole la vedette au verbe, la scénographie aux répliques, les lumières aux discours.

Tout s'écroule par morceaux, comme la décomposition d'un monde où les rapports humains se lisent dans la scénographie avec ses creux, ses bosses, ses crevasses, ses planches, ses monticules, ses poids et ses ressorts. Autour de ce dédale, un couple qui s'aime sans doute, se déteste peut-être mais qui a assurément des problèmes pour se dire les choses avec des sentiments qui butent, symboliquement, sur une table ou une chaise qui s'enfoncent, une lampe ou une armoire qui oscillent, des planches qui crevassent.

Tout est symbole au travers d'actions physiques telle cette rencontre entre nos deux protagonistes, ralentie puis bloquée par des poids qui la stoppent. Tout est projeté à dessein sur des éléments qui sont le pouls de cette relation. Nous sommes à l'intersection de loupés, ratés, blocages qui font parfois, voire souvent, le nœud des communications humaines.

© Bozzo.
© Bozzo.
Nulle acrobatie, nul tronc qui se dandine. Ici, ce sont les éléments qui font le spectacle avec Camille Boitel et Sève Bernard qui, au travers de différentes séquences, dessinent une fable avec ses différents ressorts. Par le biais de tableaux avec ses luminosités crues ou opaques, toujours dans un mélange de clairs-obscurs, les scénettes se succèdent dans un déhanchement de corps où ceux-ci se percutent, tombent et se relèvent.

La relation du couple est toujours frontale, directe sans la poésie du mot. Le silence habite les échecs, donnant un sentiment de cohabitation presque par nécessité. Ce sont les ressorts de relations qui ne se cachent pas derrière leur silence. Comme ces coulisses au vu de tous.

Le spectacle met le curseur autant sur la scène, avec ses interprètes et sa scénographie, que sur ses techniciens/comédiens montrant la face cachée de celle-ci. L'humour est toujours au rendez-vous dans une incarnation exquise de lâcher-prises, d'arrêts, de tension, de force. Le corps est roi. La lumière est reine. Soit vive, soit tamisée, elle donne du relief à la fable comme un kaléidoscope qui au final peut être vu comme de la photographie ou du cinéma. Et pourtant, l'univers est circassien. Un délice gestuel où le théâtre respire par ses silences et le cirque par ses mouvements où la surprise tient toujours lieu de canne.

"Ma, aida"

© Bozzo.
© Bozzo.
Cirque/Théâtre/Danse
Écriture (chorégraphie, scénographie, lumière, son) : Camille Boitel et Sève Bernard.
Avec : Tokiko Ihara, Jun Aoki, Camille Boitel, Sève Bernard.
Invité spécial (musique) : Nahuel Menendez.
Régie son (à la création) : Yuki Suehiro.
Chef d'atelier : Vincent Gadras.
Construction : l'atelier de la Maison de la Culture de Bourges.
Construction des effets scéniques : Mok et l'ensemble de la compagnie.
Régie générale et son : Michael Schaller.
Régie lumière : Jacques Grislin.
Régie plateau : Mathieu Mironnet et Christophe Velay.
Assistant plateau : Kenzo Bernard.
Durée : 1 h 10.
À partir de 8 ans.

© Bozzo.
© Bozzo.
Du 26 février au 7 mars 2020.
Du mardi au samedi à 20 h 30.
Le CentQuatre, Paris 19e, 01 53 35 50 00.
>> 104.fr

Safidin Alouache
Jeudi 5 Mars 2020

Nouveau commentaire :

Théâtre | Danse | Concerts & Lyrique | À l'affiche | À l'affiche bis | Cirque & Rue | Humour | Festivals | Pitchouns | Paroles & Musique | Avignon 2017 | Avignon 2018 | Avignon 2019 | CédéDévédé | Trib'Une | RV du Jour | Pièce du boucher | Coulisses & Cie | Coin de l’œil | Archives | Avignon 2021 | Avignon 2022 | Avignon 2023 | Avignon 2024 | À l'affiche ter




Numéros Papier

Anciens Numéros de La Revue du Spectacle (10)

Vente des numéros "Collectors" de La Revue du Spectacle.
10 euros l'exemplaire, frais de port compris.






À Découvrir

•Off 2024• "Mon Petit Grand Frère" Récit salvateur d'un enfant traumatisé au bénéfice du devenir apaisé de l'adulte qu'il est devenu

Comment dire l'indicible, comment formuler les vagues souvenirs, les incertaines sensations qui furent captés, partiellement mémorisés à la petite enfance. Accoucher de cette résurgence voilée, diffuse, d'un drame familial ayant eu lieu à l'âge de deux ans est le parcours théâtral, étonnamment réussie, que nous offre Miguel-Ange Sarmiento avec "Mon petit grand frère". Ce qui aurait pu paraître une psychanalyse impudique devient alors une parole salvatrice porteuse d'un écho libératoire pour nos propres histoires douloureuses.

© Ève Pinel.
9 mars 1971, un petit bonhomme, dans les premiers pas de sa vie, goûte aux derniers instants du ravissement juvénile de voir sa maman souriante, heureuse. Mais, dans peu de temps, la fenêtre du bonheur va se refermer. Le drame n'est pas loin et le bonheur fait ses valises. À ce moment-là, personne ne le sait encore, mais les affres du destin se sont mis en marche, et plus rien ne sera comme avant.

En préambule du malheur à venir, le texte, traversant en permanence le pont entre narration réaliste et phrasé poétique, nous conduit à la découverte du quotidien plein de joie et de tendresse du pitchoun qu'est Miguel-Ange. Jeux d'enfants faits de marelle, de dinette, de billes, et de couchers sur la musique de Nounours et de "bonne nuit les petits". L'enfant est affectueux. "Je suis un garçon raisonnable. Je fais attention à ma maman. Je suis un bon garçon." Le bonheur est simple, mais joyeux et empli de tendresse.

Puis, entre dans la narration la disparition du grand frère de trois ans son aîné. La mort n'ayant, on le sait, aucune morale et aucun scrupule à commettre ses actes, antinaturelles lorsqu'il s'agit d'ôter la vie à un bambin. L'accident est acté et deux gamins dans le bassin sont décédés, ceux-ci n'ayant pu être ramenés à la vie. Là, se révèle l'avant et l'après. Le bonheur s'est enfui et rien ne sera plus comme avant.

Gil Chauveau
14/06/2024
Spectacle à la Une

•Off 2024• Lou Casa "Barbara & Brel" À nouveau un souffle singulier et virtuose passe sur l'œuvre de Barbara et de Brel

Ils sont peu nombreux ceux qui ont une réelle vision d'interprétation d'œuvres d'artistes "monuments" tels Brel, Barbara, Brassens, Piaf et bien d'autres. Lou Casa fait partie de ces rares virtuoses qui arrivent à imprimer leur signature sans effacer le filigrane du monstre sacré interprété. Après une relecture lumineuse en 2016 de quelques chansons de Barbara, voici le profond et solaire "Barbara & Brel".

© Betül Balkan.
Comme dans son précédent opus "À ce jour" (consacré à Barbara), Marc Casa est habité par ses choix, donnant un souffle original et unique à chaque titre choisi. Évitant musicalement l'écueil des orchestrations "datées" en optant systématiquement pour des sonorités contemporaines, chaque chanson est synonyme d'une grande richesse et variété instrumentales. Le timbre de la voix est prenant et fait montre à chaque fois d'une émouvante et artistique sincérité.

On retrouve dans cet album une réelle intensité pour chaque interprétation, une profondeur dans la tessiture, dans les tonalités exprimées dont on sent qu'elles puisent tant dans l'âme créatrice des illustres auteurs que dans les recoins intimes, les chemins de vie personnelle de Marc Casa, pour y mettre, dans une manière discrète et maîtrisée, emplie de sincérité, un peu de sa propre histoire.

"Nous mettons en écho des chansons de Barbara et Brel qui ont abordé les mêmes thèmes mais de manières différentes. L'idée est juste d'utiliser leur matière, leur art, tout en gardant une distance, en s'affranchissant de ce qu'ils sont, de ce qu'ils représentent aujourd'hui dans la culture populaire, dans la culture en général… qui est énorme !"

Gil Chauveau
19/06/2024
Spectacle à la Une

•Off 2024• "Un Chapeau de paille d'Italie" Une version singulière et explosive interrogeant nos libertés individuelles…

… face aux normalisations sociétales et idéologiques

Si l'art de générer des productions enthousiastes et inventives est incontestablement dans l'ADN de la compagnie L'Éternel Été, l'engagement citoyen fait aussi partie de la démarche créative de ses membres. La présente proposition ne déroge pas à la règle. Ainsi, Emmanuel Besnault et Benoît Gruel nous offrent une version décoiffante, vive, presque juvénile, mais diablement ancrée dans les problématiques actuelles, du "Chapeau de paille d'Italie"… pièce d'Eugène Labiche, véritable référence du vaudeville.

© Philippe Hanula.
L'argument, simple, n'en reste pas moins source de quiproquos, de riantes ficelles propres à la comédie et d'une bonne dose de situations grotesques, burlesques, voire absurdes. À l'aube d'un mariage des plus prometteurs avec la très florale Hélène – née sans doute dans les roses… ornant les pépinières parentales –, le fringant Fadinard se lance dans une quête effrénée pour récupérer un chapeau de paille d'Italie… Pour remplacer celui croqué – en guise de petit-déj ! – par un membre de la gent équestre, moteur exclusif de son hippomobile, ci-devant fiacre. À noter que le chapeau alimentaire appartenait à une belle – porteuse d'une alliance – en rendez-vous coupable avec un soldat, sans doute Apollon à ses heures perdues.

N'ayant pas vocation à pérenniser toute forme d'adaptation académique, nos deux metteurs en scène vont imaginer que cette histoire absurde est un songe, le songe d'une nuit… niché au creux du voyage ensommeillé de l'aimable Fadinard. Accrochez-vous à votre oreiller ! La pièce la plus célèbre de Labiche se transforme en une nouvelle comédie explosive, électro-onirique ! Comme un rêve habité de nounours dans un sommeil moelleux peuplé d'êtres extravagants en doudounes orange.

Gil Chauveau
26/03/2024