La Revue du Spectacle, le magazine des arts de la scène et du spectacle vivant. Infos théâtre, chanson, café-théâtre, cirque, arts de la rue, agenda, CD, etc.



Augmenter la taille du texte
Diminuer la taille du texte
Partager
Avignon 2023

•Off 2023• "Cigalon" Sur les bancs de l'école, résonnaient souvent les mots de Marcel Pagnol…

Avignon Off ! Chaleur et moustiques au programme, puis quelques cigales viennent aussi se poser au creux de nos oreilles, notamment dans ce théâtre bien climatisé au nom délicieux du "Rouge Gorge". Cela pourrait être aussi le nom d'une auberge où le monde viendrait se délecter d'un plat concocté avec tendresse et volupté. C'est d'ailleurs ce qui se produit chaque jour à 13 h 10 puisque le public bien installé, au frais, joue, malgré lui, les clients d'une terrasse. Cocasse !



© Gilles Nanni.
© Gilles Nanni.
Le spectacle en question, c'est "Cigalon". Un texte de Marcel Pagnol, qui donc, me rappelle, les bancs de l'école. Plus précisément, ces troupes de comédiens qui venaient ici et là dans les villages, proposer des pièces populaires qui redonnaient chair au bourg, mais surtout le sourire aux habitants.

Indémodable et terriblement divertissant quand "Fred Muhl Valentin" adapte une partie de ce texte, en version musicale. On rit, on sourit et l'on fredonne avec cette équipe qui vient avec un plaisir palpable nous raconter l'histoire de ce cuisinier qui refuse de servir à manger aux clients se présentant devant son établissement. Un comble ! Une idée complètement folle signée Marcel Pagnol.
Rafraîchissant !

Les six comédiens, trois femmes, trois hommes (rien que pour cela, si j'avais encore un carnet de notes comme cela se faisait à l'école, je mettrais le maximum de points) s'en donnent donc à cœur joie, changeant de costumes au rythme de la pièce et dynamisant le plateau de leur fantaisie burlesque.

© Gilles Nanni.
© Gilles Nanni.
Ce cuisinier est un chef, mais n'est pas un habile commerçant. Sa sœur aimante ne semble pas faire grand-chose pour que cela change. Ce petit manège aurait pu durer très longtemps, car Cigalon ne paraît aucunement malheureux de cette situation et gagne toujours sa vie correctement. Mais, une femme arrive et le coup de théâtre aussi. Ancienne blanchisseuse, elle décide d'ouvrir un établissement concurrent. Cette femme a du talent ! Et Pagnol, dans les années trente, aimait mettre les femmes en avant.

Cigalon, à l'ego démesuré, va soudainement réagir à la situation. Il n'a pas de clients puisqu'il les refuse, mais n'approuve pas que l'on vienne les lui prendre.
Truculent.

Cigalon est un personnage calibré pour le théâtre. Tout y est : la grande gueule, la tendresse et à un "m'ment donné", la délicatesse.

Entouré d'une équipe aussi fine que subtile, le metteur en scène, également comédien, nous ravit par sa poésie et ses chorégraphies. La pianiste assure aussi d'une vigoureuse répartie. Cigalon est une auberge servie sur ce plateau du Rouge Gorge à Avignon. On sort avec l'envie de dévorer un bon plat tant la cuisine et ses recettes reprises en chansons animent nos papilles pendant que nos estomacs frétillent.

À défaut du coup de fourchette, le public applaudit, en redemande et une surprise nous attend à la sortie.

Cigalon, c'est du théâtre, du divertissement et aussi un peu de poésie. Trois ingrédients incontournables dans cette immense marmite de spectacles de ce beau festival.
Réjouissant !

"Cigalon"

© Gilles Nanni.
© Gilles Nanni.
Texte : Marcel Pagnol.
D'après la BD de Serge Scotto, Éric Stoffel et Éric Hubcsh.
Mise en scène : Frederic Muhl.
Chorégraphie : Karine Soucheire.
Avec : Gregory Amsis, Amandine Flé, Yann Prevot, Livane Revel, Fred Muhl Valentin, Mari Laurila Lili (piano).
Mise en musique : Isa Fleur.
Compagnie Le Funny Musical.
Durée : 1 h 20.

•Avignon Off 2023•
Du 7 au 29 Juillet 2023.
Tous les jours à 13 h 10. Relâche le mercredi.
Théâtre Rouge Gorge, Place de la Mirande, 11, rue de la Peyrolerie, Avignon.
Réservations : 04 84 51 24 34.
>> lerougegorge.fr

Isabelle Lauriou
Jeudi 13 Juillet 2023

Nouveau commentaire :

Théâtre | Danse | Concerts & Lyrique | À l'affiche | À l'affiche bis | Cirque & Rue | Humour | Festivals | Pitchouns | Paroles & Musique | Avignon 2017 | Avignon 2018 | Avignon 2019 | CédéDévédé | Trib'Une | RV du Jour | Pièce du boucher | Coulisses & Cie | Coin de l’œil | Archives | Avignon 2021 | Avignon 2022 | Avignon 2023 | Avignon 2024 | À l'affiche ter







À découvrir

"Rimbaud Cavalcades !" Voyage cycliste au cœur du poétique pays d'Arthur

"Je m'en allais, les poings dans mes poches crevées…", Arthur Rimbaud.
Quel plaisir de boucler une année 2022 en voyageant au XIXe siècle ! Après Albert Einstein, je me retrouve face à Arthur Rimbaud. Qu'il était beau ! Le comédien qui lui colle à la peau s'appelle Romain Puyuelo et le moins que je puisse écrire, c'est qu'il a réchauffé corps et cœur au théâtre de l'Essaïon pour mon plus grand bonheur !

© François Vila.
Rimbaud ! Je me souviens encore de ses poèmes, en particulier "Ma bohème" dont l'intro est citée plus haut, que nous apprenions à l'école et que j'avais déclamé en chantant (et tirant sur mon pull) devant la classe et le maître d'école.

Beauté ! Comment imaginer qu'un jeune homme de 17 ans à peine puisse écrire de si sublimes poèmes ? Relire Rimbaud, se plonger dans sa bio et venir découvrir ce seul en scène. Voilà qui fera un très beau de cadeau de Noël !

C'est de saison et ça se passe donc à l'Essaïon. Le comédien prend corps et nous invite au voyage pendant plus d'une heure. "Il s'en va, seul, les poings sur son guidon à défaut de ne pas avoir de cheval …". Et il raconte l'histoire d'un homme "brûlé" par un métier qui ne le passionne plus et qui, soudain, décide de tout quitter. Appart, boulot, pour suivre les traces de ce poète incroyablement doué que fut Arthur Rimbaud.

Isabelle Lauriou
25/03/2024
Spectacle à la Une

"Mon Petit Grand Frère" Récit salvateur d'un enfant traumatisé au bénéfice du devenir apaisé de l'adulte qu'il est devenu

Comment dire l'indicible, comment formuler les vagues souvenirs, les incertaines sensations qui furent captés, partiellement mémorisés à la petite enfance. Accoucher de cette résurgence voilée, diffuse, d'un drame familial ayant eu lieu à l'âge de deux ans est le parcours théâtral, étonnamment réussie, que nous offre Miguel-Ange Sarmiento avec "Mon petit grand frère". Ce qui aurait pu paraître une psychanalyse impudique devient alors une parole salvatrice porteuse d'un écho libératoire pour nos propres histoires douloureuses.

© Ève Pinel.
9 mars 1971, un petit bonhomme, dans les premiers pas de sa vie, goûte aux derniers instants du ravissement juvénile de voir sa maman souriante, heureuse. Mais, dans peu de temps, la fenêtre du bonheur va se refermer. Le drame n'est pas loin et le bonheur fait ses valises. À ce moment-là, personne ne le sait encore, mais les affres du destin se sont mis en marche, et plus rien ne sera comme avant.

En préambule du malheur à venir, le texte, traversant en permanence le pont entre narration réaliste et phrasé poétique, nous conduit à la découverte du quotidien plein de joie et de tendresse du pitchoun qu'est Miguel-Ange. Jeux d'enfants faits de marelle, de dinette, de billes, et de couchers sur la musique de Nounours et de "bonne nuit les petits". L'enfant est affectueux. "Je suis un garçon raisonnable. Je fais attention à ma maman. Je suis un bon garçon." Le bonheur est simple, mais joyeux et empli de tendresse.

Puis, entre dans la narration la disparition du grand frère de trois ans son aîné. La mort n'ayant, on le sait, aucune morale et aucun scrupule à commettre ses actes, antinaturelles lorsqu'il s'agit d'ôter la vie à un bambin. L'accident est acté et deux gamins dans le bassin sont décédés, ceux-ci n'ayant pu être ramenés à la vie. Là, se révèle l'avant et l'après. Le bonheur s'est enfui et rien ne sera plus comme avant.

Gil Chauveau
05/04/2024
Spectacle à la Une

"Un prince"… Seul en scène riche et pluriel !

Dans une mise en scène de Marie-Christine Orry et un texte d'Émilie Frèche, Sami Bouajila incarne, dans un monologue, avec superbe et talent, un personnage dont on ignore à peu près tout, dans un prisme qui brasse différents espaces-temps.

© Olivier Werner.
Lumière sur un monticule qui recouvre en grande partie le plateau, puis le protagoniste du spectacle apparaît fébrilement, titubant un peu et en dépliant maladroitement, à dessein, son petit tabouret de camping. Le corps est chancelant, presque fragile, puis sa voix se fait entendre pour commencer un monologue qui a autant des allures de récit que de narration.

Dans ce monologue dans lequel alternent passé et présent, souvenirs et réalité, Sami Bouajila déploie une gamme d'émotions très étendue allant d'une voix tâtonnante, hésitante pour ensuite se retrouver dans un beau costume, dans une autre scène, sous un autre éclairage, le buste droit, les jambes bien plantées au sol, avec un volume sonore fort et bien dosé. La voix et le corps sont les deux piliers qui donnent tout le volume théâtral au caractère. L'évidence même pour tout comédien, sauf qu'avec Sami Bouajila, cette évidence est poussée à la perfection.

Toute la puissance créative du comédien déborde de sincérité et de vérité avec ces deux éléments. Nul besoin d'une couronne ou d'un crucifix pour interpréter un roi ou Jésus, il nous le montre en utilisant un large spectre vocal et corporel pour incarner son propre personnage. Son rapport à l'espace est dans un périmètre de jeu réduit sur toute la longueur de l'avant-scène.

Safidin Alouache
12/03/2024