La Revue du Spectacle, le magazine des arts de la scène et du spectacle vivant. Infos théâtre, chanson, café-théâtre, cirque, arts de la rue, agenda, CD, etc.



Augmenter la taille du texte
Diminuer la taille du texte
Partager
Théâtre

"Don Quichotte"… Un ballet de toute beauté, tout en grâce et sensualité

Les Étés de la Danse, Théâtre du Châtelet, Paris

Dans "Don Quichotte", le ballet national de l'Opéra de Vienne nous fait revivre un grand moment de danse avec des chorégraphies autant vives et enjouées qu’emmaillotées de sensualité et de grâce.



"Don Quichotte", Maria-Yakovleva et Denys Cherevychko © Wiener Staatsballett/Domo-Dimov.
"Don Quichotte", Maria-Yakovleva et Denys Cherevychko © Wiener Staatsballett/Domo-Dimov.
"Don Quichotte" est un ballet, créé à Moscou en 1869 par le Bolchoï, que Noureev, déjà jeune prodige de 21 ans (1959), a dansé dans le rôle de Basile. En 1966, il décide de créer une nouvelle chorégraphie du ballet d’après Marius Petipa et Alexandre Gorski. Ce ballet ne retient du roman de Cervantès que les noces de Gamache autour des amours contrariées de Kitri et du barbier Basile.

Il y a un foisonnement de solos, duos et danses de groupe dans des intervalles de temps et de lieux éclatés. Nous sommes ici devant un moulin avec Don Quichotte et un superbe ballet de ballerines. Sa Dulcinée à côté, il rêve d’exploit et de romantisme. Nous sommes ailleurs dans une soirée un peu arrosée où les couples se font et se défont. Tout se recoupe sans que les moments artistiques ne souffre d’aucune hétérogénéité.

Les danses de groupe sont superbes de rythme et de grâce. Des claquements de pieds, de mains et de doigts donnent aux danses un rythme rapide et vif, parfois endiablé. On est à la croisée de plusieurs styles chorégraphiques où le mouvement prend toute sa force dans la grâce, où rapidité et gaité donnent aux danseurs un aspect presque naïf et enfantin. Le ballet est dans un camaïeu artistique où l’Espagne, dans une approche flamenca, nous ouvre ses portes.

"Don-Quichotte", Denys Cherevychko et Maria Yakovleva © Wiener Staatsballett/Domo Dimov.
"Don-Quichotte", Denys Cherevychko et Maria Yakovleva © Wiener Staatsballett/Domo Dimov.
Les chorégraphies se suivent dans des rythmes différents, parfois légers, presque lents mais toujours gracieux dans les mouvements ; ou vifs, rapides et cadencés dans des déplacements et une gestuelle où la force et la grâce font cause commune. Nous sommes dans un clair-obscur artistique qui prend toute sa saveur dans une antinomie chorégraphique de toute beauté. Le ballet manque toutefois de liant dans les enchaînements des derniers solos.

La grâce est omniprésente dans chaque mouvement. C’est beau, difficile à réaliser mais les danses sont exécutées avec une telle maîtrise et une telle élégance que cela semble couler de source. Ces pointes qui s’enchaînent, qui tâtonnent le sol pour se déplacer, ces gestes toujours amples mais légers, ces postures toujours droites et fières, tout est dans le mouvement et dans l’allure. L’à-peu-près et l’imprécision n’ont pas droit de cité.

Selon les danseurs, la grâce et l’élégance sont portées dans toute leur splendeur ou contrebalancées par des mouvements rapides et vifs. Des mouvements, comme ceux d’Olga Elsina, semblent provenir d’un rêve car "emmaillotés" de grâce.

Le ballet est superbe de vie et d’élégance et copine amoureusement avec le théâtre.

"Don Quichotte"

Festival Les Étés de la Danse.
Par le ballet national de l’Opéra de Vienne.
Directeur artistique : Manuel Legris.
Chorégraphies et mise en scène : Rudolf Noureev d’après Marius Petita et Alexandre Gorski.
Musique : Ludwig Minkus, arrangements de John Lanchery.
Décors et costumes : Nicholas Georgiadis.
Avec : Nina Polakova, Robert Gabdullin, Alice Firenze, Kirill Kourlaev, Dumitru Taran, Peter Karolyi, Kamil Pavelka, Christoph Wenzel, Maria Balzano, Marian Furnica, Emilie Drexler, Rafaella Sant’Anna, Flavia Soares, Marat Davletshin, Géraud Wielick, Maria Alati, Anita Manolova, Iliana Chivarova, Vanessza Csonka, Camille de Bellefon, Oxana Kiyanenko, Eszter Ledan, Natascha Mair, Andrea Nemethova, Laura Nistor, Reina Sawai, Yuki Sento, Clara Soley, Oksana Timoshenko, Nina Tonoli, Céline Janou Weder, Marian Furnica, Trevor Hayden, Andras Lukacs, Greig Matthews, Richard Szabo, Ashley Taylor, Attila Bako, Ryan Booth, Igor Milos, Tristan Ridel, Alexandru Tcacenco, Zsolt Torok, Richard Szabo, Gala Jovanovic, Erika Kovacova, Andrea Nemethova, Tristan Ridel, Olga Elsina, Reina Sawai, Yuki Sento, Prisca Zeisel, Laura Nistor, Ioanna Avraam.
Durée : 2 h 45 dont 2 entractes de 20 minutes.

Les Étés de la Danse ont eu lieu du 4 juillet au 27 juillet 2013.
Théâtre du Châtelet, Paris 1er, 01 40 28 28 40.
>> chatelet-theatre.com
>> lesetesdeladanse.com

Safidine Alouache
Lundi 29 Juillet 2013

Nouveau commentaire :

Théâtre | Danse | Concerts & Lyrique | À l'affiche | À l'affiche bis | Cirque & Rue | Humour | Festivals | Pitchouns | Paroles & Musique | Avignon 2017 | Avignon 2018 | Avignon 2019 | CédéDévédé | Trib'Une | RV du Jour | Pièce du boucher | Coulisses & Cie | Coin de l’œil | Archives | Avignon 2021 | Avignon 2022 | Avignon 2023 | Avignon 2024 | À l'affiche ter







À découvrir

"Rimbaud Cavalcades !" Voyage cycliste au cœur du poétique pays d'Arthur

"Je m'en allais, les poings dans mes poches crevées…", Arthur Rimbaud.
Quel plaisir de boucler une année 2022 en voyageant au XIXe siècle ! Après Albert Einstein, je me retrouve face à Arthur Rimbaud. Qu'il était beau ! Le comédien qui lui colle à la peau s'appelle Romain Puyuelo et le moins que je puisse écrire, c'est qu'il a réchauffé corps et cœur au théâtre de l'Essaïon pour mon plus grand bonheur !

© François Vila.
Rimbaud ! Je me souviens encore de ses poèmes, en particulier "Ma bohème" dont l'intro est citée plus haut, que nous apprenions à l'école et que j'avais déclamé en chantant (et tirant sur mon pull) devant la classe et le maître d'école.

Beauté ! Comment imaginer qu'un jeune homme de 17 ans à peine puisse écrire de si sublimes poèmes ? Relire Rimbaud, se plonger dans sa bio et venir découvrir ce seul en scène. Voilà qui fera un très beau de cadeau de Noël !

C'est de saison et ça se passe donc à l'Essaïon. Le comédien prend corps et nous invite au voyage pendant plus d'une heure. "Il s'en va, seul, les poings sur son guidon à défaut de ne pas avoir de cheval …". Et il raconte l'histoire d'un homme "brûlé" par un métier qui ne le passionne plus et qui, soudain, décide de tout quitter. Appart, boulot, pour suivre les traces de ce poète incroyablement doué que fut Arthur Rimbaud.

Isabelle Lauriou
25/03/2024
Spectacle à la Une

"Mon Petit Grand Frère" Récit salvateur d'un enfant traumatisé au bénéfice du devenir apaisé de l'adulte qu'il est devenu

Comment dire l'indicible, comment formuler les vagues souvenirs, les incertaines sensations qui furent captés, partiellement mémorisés à la petite enfance. Accoucher de cette résurgence voilée, diffuse, d'un drame familial ayant eu lieu à l'âge de deux ans est le parcours théâtral, étonnamment réussie, que nous offre Miguel-Ange Sarmiento avec "Mon petit grand frère". Ce qui aurait pu paraître une psychanalyse impudique devient alors une parole salvatrice porteuse d'un écho libératoire pour nos propres histoires douloureuses.

© Ève Pinel.
9 mars 1971, un petit bonhomme, dans les premiers pas de sa vie, goûte aux derniers instants du ravissement juvénile de voir sa maman souriante, heureuse. Mais, dans peu de temps, la fenêtre du bonheur va se refermer. Le drame n'est pas loin et le bonheur fait ses valises. À ce moment-là, personne ne le sait encore, mais les affres du destin se sont mis en marche, et plus rien ne sera comme avant.

En préambule du malheur à venir, le texte, traversant en permanence le pont entre narration réaliste et phrasé poétique, nous conduit à la découverte du quotidien plein de joie et de tendresse du pitchoun qu'est Miguel-Ange. Jeux d'enfants faits de marelle, de dinette, de billes, et de couchers sur la musique de Nounours et de "bonne nuit les petits". L'enfant est affectueux. "Je suis un garçon raisonnable. Je fais attention à ma maman. Je suis un bon garçon." Le bonheur est simple, mais joyeux et empli de tendresse.

Puis, entre dans la narration la disparition du grand frère de trois ans son aîné. La mort n'ayant, on le sait, aucune morale et aucun scrupule à commettre ses actes, antinaturelles lorsqu'il s'agit d'ôter la vie à un bambin. L'accident est acté et deux gamins dans le bassin sont décédés, ceux-ci n'ayant pu être ramenés à la vie. Là, se révèle l'avant et l'après. Le bonheur s'est enfui et rien ne sera plus comme avant.

Gil Chauveau
05/04/2024
Spectacle à la Une

"Un prince"… Seul en scène riche et pluriel !

Dans une mise en scène de Marie-Christine Orry et un texte d'Émilie Frèche, Sami Bouajila incarne, dans un monologue, avec superbe et talent, un personnage dont on ignore à peu près tout, dans un prisme qui brasse différents espaces-temps.

© Olivier Werner.
Lumière sur un monticule qui recouvre en grande partie le plateau, puis le protagoniste du spectacle apparaît fébrilement, titubant un peu et en dépliant maladroitement, à dessein, son petit tabouret de camping. Le corps est chancelant, presque fragile, puis sa voix se fait entendre pour commencer un monologue qui a autant des allures de récit que de narration.

Dans ce monologue dans lequel alternent passé et présent, souvenirs et réalité, Sami Bouajila déploie une gamme d'émotions très étendue allant d'une voix tâtonnante, hésitante pour ensuite se retrouver dans un beau costume, dans une autre scène, sous un autre éclairage, le buste droit, les jambes bien plantées au sol, avec un volume sonore fort et bien dosé. La voix et le corps sont les deux piliers qui donnent tout le volume théâtral au caractère. L'évidence même pour tout comédien, sauf qu'avec Sami Bouajila, cette évidence est poussée à la perfection.

Toute la puissance créative du comédien déborde de sincérité et de vérité avec ces deux éléments. Nul besoin d'une couronne ou d'un crucifix pour interpréter un roi ou Jésus, il nous le montre en utilisant un large spectre vocal et corporel pour incarner son propre personnage. Son rapport à l'espace est dans un périmètre de jeu réduit sur toute la longueur de l'avant-scène.

Safidin Alouache
12/03/2024