Théâtre

L'événement "Tchekhov 137 évanouissements" L'intégrale par Christian Benedetti et sa troupe de 17 comédiennes et comédiens

On entre par "Ivanov". Ce sera la première de ses pièces que Tchekhov verra jouée. On ressort par "La Cerisaie". Dernière pièce à laquelle Tchekhov assistera. Il décède six mois après la création au Théâtre d'art de Moscou en 1904. Entre ces deux pièces, une traversée humaine à laquelle nous entraîne Christian Benedetti, traversée haletante, crue, explosive et périlleuse.



"La Cerisaie" © Alex Mesnil.
Difficile de rendre les différents sentiments, les variations d'émotions et les multiples énergies reçues en assistant à l'intégrale de Tchekhov mis en scène par Christian Benedetti. Tout est variable, que vous voyiez 1, 2, 3 ou les 5 pièces à la suite. Mais il y a dans cette performance quelque chose de relativement indicible qui reste, qui touche, qui bouleverse parfois comme seul le théâtre sait le faire. Et, ici, il n'est question que de cet art incroyable qui soudain apparaît dépouillé de tous ses artifices ce qui étrangement le rend plus fort et plus vrai.

Un théâtre un peu nu, un théâtre de matière qui se fabrique dans l'instant, sous nos yeux avec quoi ? Un texte et dix-sept comédiens qui vont jouer près de soixante-dix rôles. Jouant parfois trois rôles dans trois pièces, à la suite, sur le rythme de la vie, vif, sans fioritures, sans longueur de phonèmes, mais avec une présence, une adresse qui donnent chaque sens à entendre. Pas de dictions rondes et chatoyantes, mais le trait de plume de Tchekhov qui touche sans retenue tant le personnage auquel la réplique s'adresse que le spectateur qui assiste à la scène. Ici le théâtre est acteur.

"Ivanov" © Alex Mesnil.
Et lorsqu'on assiste ainsi à plusieurs pièces à la suite, on ressent une amitié très grande naître juste en voyant telle comédienne passer dans trois rôles totalement divers et parvenir à donner à son personnage tous les caractères qui le distingue. Tous réalisent le même investissement et réussissent à être, à chaque pièce, ce rôle différent du précédent qui est une pièce du puzzle délicat que Tchekhov parvient à créer pour chacune de ces œuvres.

Cette intégrale permet également de prendre conscience de l'éventail dramatique dont a été capable l'auteur russe. D'"Ivanov" où la cruauté de chacun rivalise avec le rire moqueur et vaguement cynique portés sur les autres, les différents. À "La Mouette" où les adultes assassinent sans se salir les mains, toute la jeunesse. À "Oncle Vania" qui montre comment ceux qui sont dans la lumière piétinent ceux qui les servent. Aux "Trois sœurs" où il est question de sacrifice, sacrifice des femmes, sacrifice des rêves, de l'avenir. À "La Cerisaie", dernier opus de la fin d'un monde qui meurt en donnant naissance à un autre, comme un cycle de la vie.

Il révèle également les thèmes récurrents imperturbables, les vérités assénées, répétées de pièces en pièce par Tchekhov comme un message à constamment répéter pour qu'il s'inscrive : l'avenir, le travail, la préservation de la nature…

Par un étrange phénomène, Christian Benedetti parvient à nous transporter dans le point de vue, dans l'esprit, dans la vision exacte de Tchekhov. Ce n'est pas seulement en tant que spectateur que l'on assiste à cette intégrale, mais on se met soudain à voir par les yeux de l'auteur et ressentir toute la désarmante humanité qu'il a pu lire en voyant vivre ses contemporains et qu'il a retranscrite dans ses œuvres. Une vision humaniste, sans sentimentalisme, qui donne à ses histoires et aux personnages qu'il fait vivre sur scène, une actualité, une contemporanéité qui nous rend sœur et frères de ces fantômes à jamais en lutte avec et pour le vivant.

Peut-être l'unité finale de cette intégrale est ce ressenti-là que partage tous les personnages et qui donne des ailes : vivre, besoin de vivre, vivre à tout prix.
Peut-être est-ce le lien qui rend cette intégrale si forte et si dynamisante.

"Tchekhov 137 évanouissements"

"Oncle Vania" © Alex Mesnil.
Une intégrale de Tchekhov.
Textes : Anton Pavlovitch Tchekhov.
Nouvelles traductions de Brigitte Barilley, Christian Benedetti, Laurent Huon, Daria Sinichkina, Yuriy Zavalnyouk.
Scénographie et mise en scène : Christian Benedetti.
Assistants à la mise en scène : Brigitte Barilley - Alex Mesnil.
Avec : Brigitte Barilley, Leslie Bouchet, Olivia Brunaux, Stéphane Caillard, Vanessa Fonte, Marilyne Fontaine, Hélène Stadnicki, Martine Vandeville...
Christian Benedetti, Julien Bouanich, Baudouin Cristoveanu, Philippe Crubézy, Daniel Delabesse, Alain Dumas, Marc Lamigeon, Alex Mesnil, Jean Pierre Moulin...
Lumières : Dominique Fortin.
Son : Jérémie Stevenin.
Costumes : Hélène Kritikos.
Régie générale : Jérémie Stevenin, Adrien Carbonne.
Construction : Jérémie Stévenin et les apprentis de L'ÉA du Campus de Gennevilliers.
Photos et vidéos : Alex Mesnil.
Site internet : Zoé Chausiaux et Céleste Guichot.
Collaboration artistique : Genica Baczynski, Laurent Klajnbaum, Alex Jordan.
Les visuels de "Tchekhov 137 évanouissements" ont été créés par l'atelier Nous Travaillons Ensemble.
Production : Théâtre-Studio.
Durée de chaque pièce : 1 h 30.
À partir de 12 ans.

"Trois Sœurs" © Alex Mesnil.
Du 9 mars au 24 avril 2022.
</strong></span><span style="color:#990000;"><strong>"Ivanov", "La Mouette", "Oncle Vania", "Trois Sœurs", "La Cerisaie".
À partir du 11 mai s'ajouteront "Les Pièces en un Acte" (au nombre de neuf), puis "Sans Père" à partir du 18 mai.</strong></span>
Un objectif ultime et un peu fou reste encore à réaliser : jouer l'intégrale en une seule journée.

Mercredi à 20 h 30 : "Ivanov".
Jeudi 19 h 30 : "La Mouette" et 21 h 30 : "Oncle Vania".
Vendredi 19 h 30 : "Trois Sœurs" et 21 h 45 : "La Cerisaie".
Samedi 16 h : "Ivanov" ; 18 h : "La Mouette" et 20 h : "Oncle Vania" (possibilité de voir 1, 2 ou 3 pièces, fin à 21 h 25).
Dimanche 15 h 30 : "Trois Sœurs" et 17 h 45 : "La Cerisaie" (possibilité de voir 1 ou 2 pièces, fin à 19 h 20).

Théâtre Studio d'Alfortville, Alfortville (94), 01 43 76 86 56.
>> theatre-studio.com

>> Lire aussi >> Une répétition des "Trois Sœurs" dirigée par Christian Benedetti… avant l'intégrale Tchekhov

Bruno Fougniès
Lundi 4 Avril 2022
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