Danse

"Wo-Man/Point Zéro"… Hip-hop et contemporain en justes noces

Autour des créations d'Amala Dianor, il y a plusieurs rencontres, celle d'abord du contemporain et du hip-hop, celle aussi d'une artiste avec son expressivité autant physique que poétique et celle ensuite de trois interprètes qui se cherchent pour se trouver ou se retrouver.



"Wo-Man" © Romain Tissot.
Lumière un peu éteinte puis apparaît Nangaline Gomis, vive et rapide pour prendre possession de la scène. Dans "Wo-Man", les mouvements sont courbes, en virgule, faits en silence et en solo, puis avec la musique électro-soul d'Awir Léon qui accompagne les différents trajets. L'espace est embrassé dans toutes ses longueurs et largeurs. Ces déplacements le sont au travers d'une certaine rondeur et gourmandise. Ceux-ci enchaînent, sans automatisme et avec un naturel poétique, des gestiques avec quelques arrêts où le tronc engage des ondulations.

Tout est frais et léger, comme ces effleurements des membres inférieurs sur les planches. Et pourtant, tout est physique. Une jambe se lève, un bras s'étend suivi d'un ondoiement du tronc qui descend jusqu'aux planches formant une virgule de tout le corps autour d'un mouvement hip-hop. Puis cela repart, le tronc comme moteur, pour se figer plus loin tout en caressant dans une gestuelle gracieuse, par la plante des pieds, les planches quand le haut du corps s'étire, pour rester presque figé et repartir dans une ondulation des membres supérieurs qui abaissent un peu vers le sol le tronc et les jambes. La danseuse fait des tours sur elle-même pour repartir avec force tel un jet. Des glissements "balayés" de pieds très rapides au travers de déplacements s'effectuent avec des ruptures où Nangaline Gomis oscille d'un rythme très rapide et vif vers d'autres beaucoup plus arrêtés ou lents.

"Wo-Man" © Romain Tissot.
Tout est recueillement et vivacité. Au final de cette prestation, sa respiration se fait entendre, comme de plus en plus souvent dans les spectacles où s'exprime le souffle de l'effort pour montrer qu'une performance physique peut être accompagnée de grâce et de poésie.

La seconde chorégraphie s'intitule "Point-Zéro", un trio autour d'Amala Dianor, Johanna Faye et Mathias Rassin qui débute dans le silence. Silence qui se prolonge pour être ensuite accompagné par la musique du même Awir Léon lancée par les artistes eux-mêmes via un grand panneau lumineux dont l'esthétisme laisse à désirer. Les mouvements suivent leur trajectoire puis s'arrêtent pour éviter des chocs entre interprètes qui seraient peu brutaux car le tempo est assez lent, presque suspendu parfois. Ainsi, ce lien de proximité entre danseurs pourrait être décliné verbalement par : "il n'est pas moi, il est différent de moi, mais je le considère en faisant avec lui".

Le pré carré, autant spatial qu'artistique, de chacun est respecté. Ils sont dans leur propre récit et leur propre dynamique. Ils se voient, s'observent, se ressentent. Différents rythmes s'enchaînent dans une parfaite symbiose entre eux. Cette main qui stoppe son allure pour éluder un heurt, cette jambe ou ce corps qui effleure le sol sont comme des demandes de mise en relation. Être en soi mais avec l'autre, faire que le mouvement de chacun puisse exister par lui-même tout en considérant l'autre, ce sont toutes ces gestiques qui au fil de la représentation font écho.

Au fil du spectacle, les trajectoires s'assemblent tout en s'évitant toujours pour être finalement dans une même chorégraphie qui lie contemporain et hip-hop. Ce mariage trouve sa résonance, petit à petit, comme une construction faite par bout de gestuelles pour finir dans une même dynamique qui efface ce qui pouvait être séparé. Ce sont ces différences entre danse contemporaine et hip-hop qui sont questionnées, appréhendées afin d'être mariées pour le meilleur et pour le plaisir.

"Wo-Man/Point Zéro"

"Point Zéro" © Romain Tissot.
Chorégraphie : Amala Dianor.

"Wo-Man"
Musique : Awir Léon.
Lumières : Nicolas Tallec.
Costumes : Laurence Chalou.
Avec : Nangaline Gomis.
Durée : 20 minutes.

"Point Zéro"
Assistant Artistique : Alexandre Galopin.
Musique : Awir Léon.
Lumières : Nicolas Tallec.
Costumes : Laurence Chalou.
Avec : Amala Dianor, Johanna Faye, Mathias Rassin.
Durée : 40 minutes.

Du 25 au 29 janvier 2022.
Du mercredi au samedi à 20 h (+ mercredi 25 à 14 h 30).
Théâtre des Abbesses, Paris 18e, 01 42 74 22 77.
>> theatredelaville-paris.com

Tournée
10 mars 2022 : Le Carroi, La Flèche (72).
1er avril 2022 : Théâtres en Dracénie, Draguignan (83).
5 au 7 avril 2022 : Bonlieu - Scène Nationale, Annecy (74).

Safidin Alouache
Vendredi 28 Janvier 2022
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