Danse

"Tumulus"… Déroutant et original !

Dans le cadre du festival d'Automne, nous voici emmenés dans un univers à la fois original et profond tant dans sa recherche chorégraphique que scénique. C'est un voyage vers l'infiniment grand et l'infiniment petit aux frontières du vivant et de la mort auquel nous convient François Chaignaud et Geoffroy Jourdain. Danses et chants, de la Renaissance aux années soixante-dix, deviennent compagnons de route pour un spectacle plus que déroutant dans sa quiétude.



© Christophe Raynaud de Lage.
C'est le silence, parlant, qui interpelle dès les premiers instants et qui rassemble les protagonistes dans un recueillement méditatif sans qu'il soit pour autant celui d'un deuil. Et pourtant, le tumulus qui trône sur scène est un tertre artificiel recouvrant une sépulture. Tout le décor est par ailleurs investi dans ses faces cachées. Les artistes y entrent parfois, au travers de deux issues, font souvent le tour, passent devant, montent dessus pour en redescendre. On y glisse aussi. On y marche sur la crête. Il est appréhendé sous toutes ses coutures. Comme un personnage scénographique, celui-ci est un élément très important et donne au spectacle son allure et sa trajectoire.

Après le silence, des bruitages se font au travers de tapotements effectués sur les épaules, par exemple, avec la paume des mains. Les interprètes lancent également, pour certains, autour d'eux, dans des trajectoires circulaires, un long lacet marron avec une pierre située à l'extrémité de celui-ci. Cela engendre un bruit particulier, de temps en temps accompagné d'un triangle. Ces sons donnent une atmosphère de quiétude en écho aux volumes de la scénographie. Il s'agit de mettre sur un même plan scénique le tumulus, les personnes, leur silence et ses bruits aux élans poétiques. Et il y a aussi les voix, à la fois puissantes et douces, toujours lyriques, qui portent toute la création.

© Christophe Raynaud de Lage.
Les déplacements sont effectués dans des gestiques où les mouvements alternent, basculent par petites touches. Là, ce sont des pas sur la plante des pieds qui font progresser les interprètes, les postérieurs à mi-hauteur, jambes arquées. Plus loin, ce sont des corps qui marchent de façon synchronisée. Après le silence, les voix apparaissent, superbes de lyrisme. Elles accompagnent les trajets et donnent une couleur chaude aux gestiques. Très souvent en écho, parfois en canon, elles sont superbes de pureté avec un parfum de sainteté, comme un appel au ciel.

Ce sont des chants polyphoniques a cappella franco-flamands, italiens, anglais et allemands d'époques aussi différentes que ceux de la Renaissance et des années soixante-dix. On s'assoit, on se lève, on saute à pieds joints, on chante, on devient mutique et on se regroupe. Pour s'arrêter et redémarrer. Ces ruptures de jeu donnent une dynamique à la création.

Dans ces différentes attitudes, il y a une espèce de recueillement. C'est l'appréhension d'une fin ultime au travers de soi et, par ricochet, des autres, portée par un lyrisme puissant. Les costumes sont toujours variés, de couleurs vives ou sombres, longs ou courts, larges ou collants à la peau. Ils se changent un moment en couleur de peau où dans des gestiques courbes, les troncs se courbent à l'arrière jusqu'à la taille ou restant tout droit.

© Christophe Raynaud de Lage.
La gestuelle est très recherchée avec des déplacements originaux où la plante des pieds tapote le sol ou s'y glisse, le tout accompagné par un tronc et des membres qui bougent avec, pour les bras, des tressaillements, des positions anguleuses où le coude devient une articulation un peu tournante, toujours de biais sur la longitude. Les mouvements, parfois en trio, sont très variés avec des corps faisant des tours sur eux-mêmes. La file indienne est également déclinée.

Chacun est le partenaire d'un alter ego ou d'un ensemble. On est seul, mais accompagné avec, pour chacun, une présence autant vocale que corporelle dans laquelle chaque artiste est montré dans son individualité. Il y a aussi de jolis cercles qui sont formés où les interprètes se prennent par la main, tout en chantant et dansant, souvent affublés d'un chapeau.

C'est très beau avec de très jolis tableaux où le groupe bouge avec, parfois, un protagoniste qui se détache pour faire une gestuelle où chacun regarde comme spectateur ce qui se passe. Le mariage entre singulier et pluriel est superbe autant par son homogénéité que par ses surprises. Le spectacle est très original. C'est léger, frais comme un souffle sur une peau.

"Tumulus"

© Christophe Raynaud de Lage.
Conception : François Chaignaud et Geoffroy Jourdain.
Avec : Simon Bailly, Mario Barrantes Espinoza, Florence Gengoul, Myriam Jarmache, Evann Loget-Raymond, Marie Picaut, Alan Picol, Antoine Roux-Briffaud, Vivien Simon, Maryfé Singy, Ryan Veillet, Aure Wachter, Daniel Wendler.
Dramaturgie Baudouin Woehl.
Lumière : Philippe Gladieux et Anthony Merlaud.
Scénographie : Mathieu Lorry-Dupuy.
Assistant à la direction musicale : Louis Gal.
Assistante à la chorégraphie : Anna Chirescu.
Création costumes : Romain Brau.
Régie générale et lumière : Anthony Merlaud ou Marinette Buchy.
Régie son : Aude Besnard, Camille Frachet, Alban Moraud, Jean-Louis Waflart.
Régie plateau : Laure Montagné ou François Boulet.
Régie costumes : Alejandra Garcia ou Cara Ben Assayag.
Production : Mandorle productions et la Cie Les Cris de Paris.

A été représenté du 24 au 27 novembre 2022.
Dans le cadre du Festival d'Automne à Paris.
Grande Halle de La Villette, Paris 19e.

Safidin Alouache
Vendredi 2 Décembre 2022
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