Théâtre

"Tarquin"… lyrisme et fantaisie à souhait

Drame lyrique qui traite de la mort, du mal, du passé, du présent par le biais de légèreté et d'un brin de fantaisie, "Tarquin" est un savant mariage de musique, de chant et de théâtre où une enquête est menée après une disparition.



© J.-L. Fernandez.
Lumières encore allumées dans la salle, le silence s'installe insidieusement dans le public puis un homme s'avance sur les planches, habillé de façon un peu inélégante. Il aurait pu être confondu avec un spectateur sauf que là, il entonne en allemand le prologue. L'interprétation est à nu dès les premières minutes comme si la mise en scène de Jeanne Candel mettait aussi, autour d'une musique de Florent Hubert et du livret d'Aram Kebabdjian, l'anodin et le quotidien au centre de ce drame lyrique.

Les décors sont encore grossièrement barrés durant les premières minutes par un plastique gris qui laisse découvrir un intérieur dans lequel se cache, entre autres, une douche italienne suffisamment profonde pour faire un plongeon, salle de bain où l'on se cache, se déshabille, avec une autre pièce totalement ouverte dans le prolongement de celle-ci. Cet homme esseulé, en préambule, est porté par sa présence discrète et sa voix puissante. C'est dans ce décalage de fragilité et de puissance que le spectacle trouve aussi sa force. Ce qui fait aussi sa particularité est cette dramaturgie qui pousse au dérangement, au décalage.

Dérangement où, quand tout semble établi, l'humour débarque, l'à propos détonne, l'événement fait irruption. Nous sommes dans l'absurde, le baroque où un propos, un fait ou un événement hors de tout contexte donne à la trame une coloration autre, différente, détournant le cours du spectacle. Le jeu est continuellement bousculé par ces ruptures.

Le spectacle a pour trame une intrigue policière qui nous mène vers un territoire dramaturgique où l'humour suit un fil conducteur, celui d'une enquête menée par une juge (Delphine Cottu) pour essayer de comprendre la disparition de Tarquin, un général tyrannique, figure du Mal. C'est un entrelacement de temps, de séquences, d'événements qui se juxtaposent les uns aux autres. Le passé rejoint le présent, la tragédie se mêle à l'humour, le bruit du marteau-piqueur à la musique, la franche discussion au sec à l'apparition d'un plongeur sortant de l'eau, bousculant par sa seule présence le contexte scénique.

© J.-L. Fernandez.
C'est dans ces silences, ces apparitions, ces attitudes, ces paroles que s'élabore une alchimie où les événements deviennent le reflet d'un déphasage, celui d'un homme ou d'une femme avec une situation ou un alter ego. Un décalage dans lequel l'accordéon, le violon, la clarinette et le saxophone s'inscrivent comme pièces d'un puzzle où le passé se reconstruit au présent au travers de la figure de Tarquin.

Les ruptures de jeu permettent de jouer d'alternances avec tout élément tel que de l'eau et de la terre, du friable et du solide, du léger et du tonnant, du plat et du souterrain, des souvenirs et des oublis. Les contraires se conjuguent. La musique fait écho à ce qui se joue verbalement sur scène. Le chant est à l'unisson. On joue avec les octaves, on s'amuse avec la voix donnant un écho aux mouvements ou en appuyant la tonalité par des accents vocaux.

La musique est prise en otage, ou plutôt en relais, par un marteau qui tape une dalle puis un marteau-piqueur qui la pilonne. Elle accompagne souvent par petites touches, parfois de façon soutenue, les scènes. Un élément étranger vient fréquemment s'interposer, comme ce plongeur avec ses palmes qui sort de la piscine en faisant un plongeon directement sur le sol. C'est ce décalage entre protagonistes ou éléments venant de l'extérieur qui amène un cachet absurde, baroque.

Le chant s'immisce aussi de façon autant discrète qu'engageante. C'est du théâtre-opéra qui mêle avec légèreté un drame où la mort et le mal se disputent de façon énigmatique les faveurs de leurs retrouvailles.

"Tarquin"

Drame lyrique pour chanteurs, comédiens et orchestre de salle de bain.
Mise en scène : Jeanne Candel.
Assistant à la mise en scène : Yannick Bosc.
Avec Florent Baffi, Delphine Cottu, Myrtille Hetzel, Antonin Tri Hoang, Sébastien Innocenti, Léo-Antonin Lutinier, Damien Mongin, Agathe Peyrat, Marie Salvat.
Musique : Florent Hubert.
Livret : Aram Kebabdjian.
Costumes : Pauline Kieffer.
Scénographie : Lisa Navarro.
Lumières : Anne Vaglio.
Chef de chant : Nicolas Chesneau.
Durée estimée : 1 h 45.
Production La vie brève - Théâtre de l’Aquarium.

Du 20 septembre au 6 octobre 2019.
Mardi, mercredi et vendredi à 20 h, samedi à 18 h, dimanche à 17 h.
Nouveau théâtre de Montreuil - CDN, Montreuil (93), 01 48 70 48 90.
>> nouveau-theatre-montreuil.com

Tournée 2019/2020
19 septembre au 6 octobre 2019 : création Nouveau théâtre de Montreuil - CDN, Montreuil (93).
9 et 10 octobre 2019 : Théâtre de Lorient - CDN de Bretagne, Lorient (56).
16 au 18 octobre 2019 : Le Grand T, Nantes (44).
26 au 28 novembre 2019 : La Comédie, Valence (26).
6 et 7 février 2020 : Le Théâtre de Caen, Caen (14).
13 et 14 février 2020 : CDN Orléans Centre Val de Loire, Orléans (45).

Safidin Alouache
Jeudi 26 Septembre 2019
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