Théâtre

Saisir dans l'intensité et la vitalité, l'instant éphémère de la rencontre

"Meurtres de la princesse juive", en tournée

Girovagues. Ils se retrouvent en rade sans havre ni port d'attache. Les personnages, qui se retrouvent regroupés avec verve par Armando Llamas sous le titre énigmatique "Meurtres de la princesse juive, bon titre, publicité mensongère", sont épinglés comme autant de spécimens. Ils appartiennent au genre humain.



© Éric Didym.
L'histoire en douze tableaux et une coda les suit à la trace. D'aérogares en aérogares, d'hébergements en hébergements, d'escales en escales, de bars situés dans des villes dont le nom fait rêver en bars de villes dont les noms de villes font rêver. Les personnages, mus par on ne sait quelle pulsion de mobilité, manifestement déphasés, se voient confrontés à la longue durée de l'attente, se montrent impatients, hésitants, impulsifs, peinent à faire le récit de leurs mouvements. Ils sont manifestement en attente d'un événement, en provocation d'une rencontre qui construirait un destin. Ils se rencontrent, se choquent et se dispersent. En quête.

Le langage et les actes sont crus. Les situations scabreuses. La satire ajustée. La leçon cruelle. Dans la découverte du monde que ces êtres font, ne sont que chocs de coutumes, étrangeté des langues étrangères et brutalité des rapports humains. Qui ne sont que rapports de domination. Quels que soient les lieux, les civilisations, les religions…

Chaque épisode décrit est en bordure de faits divers sordides. L'étude des mœurs est insolente et précise. Elle pourrait être houelbecquienne si, au fil de son récit, l'auteur ne faisait surgir à l'improviste, comme par accident, quelque chose comme une fête généreuse et spontanée. Si l'histoire ne s'ouvrait à la rencontre. À la réciprocité. À l'amour. À l'amitié. À la compréhension.
Au grand étonnement de l'auteur lui-même, une chaleur propre à l'art théâtral.

Mine de rien, Michel Didym, qui met en scène, renverse les situations avec beaucoup d'ironie optimiste. Une joie acidulée et pleine d'entrain s'empare de la pièce et les jeunes comédiens, tout juste sortis de l'ENSATT, trouvent les gestes et les couleurs qui conviennent, saisissent dans l'intensité et la vitalité, l'instant éphémère de la rencontre, le rendent tangible, élaborent l'effet théâtre par lequel le public a le plaisir de partager quelque chose de commun à l'humain. Que l'on comprend quand on ne comprend pas les mots. Dans la réciprocité. Le théâtre.

"Meurtres de la princesse juive, bon titre, publicité mensongère"

© Éric Didym.
Texte : Armando Llamas.
Mise en scène : Michel Didym.
Collaboration : Luc-Antoine Diquéro.
Avec Luc-Antoine Diquéro ou Michel Didym, Ariane Berendt, Marie Brugière, Léo Grange, Léonie Kerckaert, Héloïse Lecointre, Jimmy Marais, Lorenzo Nieddu, Marion Pastor, Gabriel Rouvière, Chloé Sarrat, Alexandre Servage.
Scénographie : Caroline Frachet, Laure Montagné.
Lumières : Pia Marmier, Théo Tisseuil.
Son : Estelle Lembert, Caroline Mas.
Costumes : Adélie Antonin, Gabrielle Marty.
Assistanat à la conception des costumes : Fanny Buchs.
Assistanat à la mise en scène : Elodie Chamauret.
Collaboration : Luc-Antoine Diquéro.
Durée : 2 h 30.

Du 3 au 11 novembre 2016.
Mardi, mercredi, vendredi à 20 h, jeudi, samedi 19 h.
La Manufacture CDN Nancy Lorraine, Grande Salle, Nancy (54), 03 83 37 12 99.
>> theatre-manufacture.fr

Du 14 au 15 novembre 2016 : Le Manège - Scène Nationale, Maubeuge (59).
Du 17 au 18 novembre 2016 : NEST - CDN, Thionville (57).
Du 30 au 4 novembre 2016 : Théâtre National Populaire, Villeurbanne (69).
Du 6 au 7 décembre 2016 : Espace Malraux - Scène nationale, Chambéry (73).

Jean Grapin
Jeudi 10 Novembre 2016
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