Théâtre

Pascal Parsat : pour un théâtre accessible à toutes les singularités

Au milieu de l'effervescence avignonnaise, des 1 200 spectacles proposés dans le Off du festival, il faut se pencher pour découvrir la présence de Pascal Parsat, directeur artistique et co-fondateur du Centre Ressource Théâtre Handicap (CRTH). Discret mais opiniâtre, il œuvre pour l'accessibilité des pièces de théâtre à tous les publics. Surtout à l'un des plus marginalisés : les personnes handicapées. Une action qui dépasse de loin le cadre de la plus grande manifestation internationale d'arts vivants.



Pascal Parsat © Anaïs Heluin
Brigade d'accessibilité, souffleurs d'images, régie mobile, programmes en braille... Dans un enthousiasme communicatif, Pascal Parsat nous fait entrevoir un visage bien peu connu du festival, composé de structures d'aide à l'accessibilité. Cette année, c'est sur le Festival Théâtr'enfants et tous publics qu'est présent le CRTH. Mis en place par l'association Eveil Artistique des Jeunes publics, cet événement regroupe onze pièces, une exposition ludique et des ateliers d'éveil artistique à la Maison du Théâtre pour enfants du 7 au 26 juillet. Car il faut mener la lutte en amont.

Pascal Parsat observe que le public dont il se charge est "habitué à sortir en groupes, dans des usages associatifs d'un autre autre temps. Très rares sont ceux qui ont été sensibilisés à l'art, aussi les amateurs de théâtre sont-ils bien peu nombreux". Pallier au déficit d'éducation artistique qui touche les personnes en situation de handicap est donc une priorité : sans un traitement du problème à sa racine, la pauvreté actuelle des usages culturels se perpétuera.

"Avant, nous avons travaillé trois ans sur le In et le Off. Cette année, le In s'est lui-même offert ses programmes en braille." Preuve que c'est une démarche qui fonctionne, dont l'éthique suscite une prise de conscience. Tel est bien le but du CRTH, qui refuse de se substituer aux obligations des lieux et festivités qu'il accompagne dans leur apprentissage de la prise en compte du handicap. "Nous œuvrons pendant trois ans auprès de chaque manifestation culturelle. Ensuite, nous rendons les clés. Nous sommes là pour encadrer les premiers pas, pour que les choses installées deviennent naturelles."

C'est d'une méthode mûrie depuis 1993, date de création du CRTH, que bénéficie les théâtres d'Avignon ainsi que bien d'autres. De la prospection pour trouver des salles accessibles jusqu'aux dispositifs techniques à fournir aux lieux intéressés, l'association s'occupe de tout. Chaque étape donne lieu à l'intervention d'un groupe spécialisé. Première à entrer en scène dans le dispositif, la brigade d'accessibilité "évalue les lieux culturels, pas uniquement sur le bâti mais aussi sur toute la chaîne d'accessibilité : internet, informations par téléphone, etc.". Constituée de personnes représentatives handicap par handicap, cette équipe donne aussi une idée juste de la formation et de la sensibilisation nécessaires aux personnels.

Ces derniers auront à se familiariser à la Régie mobile, sorte de bibliobus qui offre surtitrage, boucle magnétique, casque d'audiodescription, programme en gros caractères, interprète en langue des signes... Sinon, moins contraignant, le système des Souffleurs d'images permet aux personnes non ou mal voyantes d'aller voir la pièce qu'ils veulent, quand ils le veulent. Apprentis comédiens, les Souffleurs rejoignent les spectateurs dans la salle et répondent à leurs demandes concernant la mise en scène et les costumes. Officiellement lancé en 2011, ce système suscite déjà plus de 35 demandes par mois. Sur Avignon comme ailleurs, il permet un nombre de propositions artistiques bien plus important qu'auparavant.

Tous ces services répondent à la volonté de Pascal Parsat de coller au mieux au goût des personnes handicapées. Ce que, selon lui, ne font pas les autres structures peu ou prou similaires à la sienne. "Accès culture, par exemple, ne propose que de grands événements culturels qui touchent très peu des personnes en situation de handicap. Beaucoup connaissent mieux Florence Foresti et Bigard que Wajdi Mouawad ou autres." Le CRTH n'est pas là pour apprécier la qualité artistique des spectacles. "Dans la diversité, la richesse et la confrontation, le spectateur doit pouvoir se faire son propre avis."

Seul en Europe à être engagé dans une telle démarche, il déplore le manque de cohésion entre les différentes structures liées au handicap. Certes, Pascal Parsat peut créer des conflits d'intérêt en marchant sur les plates-bandes des ateliers associatifs plus ou moins artistiques. Mais l'intérêt des personnes pour qui tous travaillent ne devrait-il pas passer avant ces querelles dérisoires ? À la tête d'une école de théâtre ouverte à tous depuis 2004, consultant pour le Fonds Professionnel d'Action et de Solidarité et pour Pôle Emploi, Pascal Parsat occupe une position qui devrait être reconnue à sa juste valeur. Par le gouvernement, par les collectivités territoriales...

Les festivals, eux ne s'y trompent pas. En plus d'Avignon, le CRTH est partenaire du festival de cinéma Premiers plans à Angers et en pourparlers avec le festival de Grignan, avec Marseille Provence 2013, le salon artistique du 104 à Paris à la rentrée ou encore la Biennale Internationale du Spectacle (BIS) à Nantes... Jusqu'à la Comédie française qui songe à se rapprocher de Pascal Parsat et de ses professionnels de l'accompagnement culturel. Des signes encourageants, autant pour le public visé que pour les emplois qui pourront être ainsi créés. Car opposé au bénévolat, le co-directeur du CRTH rémunère tous ses employés. Un argument de taille pour qui ne serait pas encore convaincu de l'intérêt de cette aventure...


Centre Ressources Théâtre Handicap

163 rue de Charenton – 75012 Paris

Tel : 01 42 74 17 87


www.crth.org

Anaïs Heluin
Mercredi 13 Juillet 2011
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