Cirque & Rue

"PSS PSS"… on en dira pas plus car c'est à voir !

Créé en 2010, le spectacle "PSS PSS" de la compagnie Baccalà a été joué plus de 950 fois dans plus de cinquante pays sur les cinq continents et a remporté quinze prix internationaux. Voilà son pedigree. Quant au fond et à la forme, c'est une relation tout en fusion artistique entre deux clowns où le mime et le théâtre laissent libre cours à une interprétation pleine de comique et d'expressivité.



© Pierre Colletti.
Ça démarre doucement et finit tout autant doucement. Mais c'est une douceur pleine de nuances. Pas d'éclat de voix, pas de froncement de sourcils ou de poing fermé, même si une claque, avec son bruit bien sonore, prend en otage le silence un court instant sans que cela finisse pour autant en conflit.

La figure du clown n'a pas eu droit de cité à l'apparition du cirque contemporain dans les années soixante-dix avec une consécration dans les années quatre-vingt-dix. Elle avait été mise en boîte, devenant un peu son animal empaillé. Camilla Pessi et Simone Fassari lui redonnent ses lettres de noblesse avec "PSS PSS", les deux seules paroles, ou plutôt interjections du spectacle.

Cette figure du clown n'a pas changé. Mi triste, mi gaie, elle oscille entre différents états d'âme où la mélancolie se dispute à la plaisanterie. Dans des habits colorés, parfois sombres, mais toujours un peu longs, le visage bien maquillé, c'est dans le silence habillé de gestuelles et où le corps est roi que tout se joue. Ici le théâtre, physique, est aux commandes. Il joue de ses gammes émotionnelles dans des scènes où, de temps en temps, Camilla Pessi est accompagnée de son accordéon, donnant ainsi un léger côté mélancolique.

© Pierre Colletti.
Seul élément utilisé est le trapèze. Seul dialogue instauré est autour de mimiques faciales. Les gestiques donnent une dynamique de jeu au travers des déplacements, la fixité étant peu prisée. Le moindre geste se transforme en humour. Il y a très peu d'acrobaties à l'exception d'une seule et qui n'a pas pour but de démontrer une quelconque maîtrise. Les mouvements des membres inférieurs et supérieurs gondolent, à dessein. Peu, voire pas de gestiques droites et angulaires. Elles sont toutes un tantinet courbes ou circulaires, dénotant ainsi une certaine (fausse) maladresse et un rapport à la réalité détournée.

Il y a, aussi et surtout, un brin de légèreté d'esprit, auréolé d'amusement et de taquinerie dans toutes les scénettes. La relation entre nos deux protagonistes est amicalement amoureuse, les sentiments étant très partagés entre elle et lui. Les bras grands ouverts, tombant l'un sur l'autre à n'importe quel moment, montrent la complicité scénique de tous les instants où l'un est pour l'autre. Et en direction du public. Le quatrième mur de Diderot a disparu.

Le tropisme vers le public, tant décrié, et à juste titre, par bon nombre de metteurs en scène et théoriciens du théâtre, est ici complètement assumé. On joue pour les spectateurs, dans leur direction et en les prenant en compte. Ils deviennent un partenaire de jeu autant pour ceux situés dans les gradins que sur les planches où, à deux moments, l'un d'entre eux est appelé pour participer à un moment comique de cirque théâtral.

Il y a aussi une égale répartition des rôles entre Camilla Pessi et Simone Fassari. Il n'y a pas de protagoniste principal, uniquement un couple scénique. Avec des yeux souvent grands ouverts et une bouche toujours à montrer une émotion, les regards, les attitudes et les expressions sont les boussoles du spectacle. Nul besoin de grandes phrases pour faire passer un millier de messages au travers de visages qui sont l'empreinte même d'émotions que les mots ne peuvent résumer. La bouche est utilisée avec quelques moues tirant la minceur des lèvres vers le haut ou le bas quand ce ne sont pas les sourcils qui le font pour dénoter surprise ou dépit. Le mime a aussi quelques entrées. Non celle de personnages connus ou caractéristiques, mais plutôt celle d'états d'âme. Nos artistes jouent avec en les incarnant et en les portant.

Le spectacle est subtil, direct, simple et efficace. Un mélange à la fois de nuances et de choses montrées, sans détours. Le dit se fait au travers du non-dit. L'humour est sur chacune des sorties. Toute mimique devient parole, éloquence, discussion, échange. La gêne, la timidité, la joie, l'amour, le bien-être, tout est montré sans artifices au travers de gestiques. Tout sentiment devient expression. Tout silence l'est tout autant. Nos deux artistes participent à cette mise en scène où sont mises à nu leurs relations. Leur seule présence suffit à émouvoir. C'est ce qui s'appelle le talent !

"PSS PSS"

© Sylvie Bosc - MOn Oeil.
De et avec : Camilla Pessi et Simone Fassari.
Mise en scène : Louis Spagna.
Collaboration artistique et régie : Valerio Fassari.
Création lumières : Christoph Siegenthaler.
Par la Compagnia Baccalà.
Tout public à partir de 6 ans.
Durée : 65 minutes.

Du 10 mars au 23 avril 2023.
Vendredi et samedi à 19 h, dimanche à 15 h.
Théâtre libre, Paris 10e, 01 42 38 97 14.
>> le-theatrelibre.fr

Tournée
6 et 7 mai 2023 : Circo Bello, La Chaux-de-Fonds (Suisse).
12 mai 2023 : Espace Culturel Roger, Soustons (40).
13 mai 2023 : L'Arcanson, Biscarrosse (40).

Sylvie Bosc - MOn Oeil.

Safidin Alouache
Lundi 20 Mars 2023
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