© Pascal Gely.
"Happy Apocalypse", quel bel oxymore ! En quoi la fin du monde pourrait-elle nous réjouir ? À moins que nous envisagions le terme d'Apocalypse dans le sens de "révélation", du grec ancien "apokálupsis" ? Tel est l'axiome proféré d'entrée de jeu par l'un des personnages principaux, Michael Crawling. Cet homme en fauteuil roulant, atteint d'une maladie neurodégénérative, est astrophysicien. Le 17 juin 1991 a marqué un tournant dans son existence. Il a été témoin d'un phénomène, mathématiquement impossible, qui a bouleversé sa conception du monde : une boule de flipper effectuant exactement le même trajet complexe deux fois de suite. Quid alors des probabilités ?
Michael a une grande théorie : "Le monde est arrivé au bout de son expansion. Désormais, l'univers rétrécit". L'univers tout entier est en décroissance, même sa maladie décroît, en arrivera-t-il à constater. Tout s'est inversé. Nous en avons fini avec la croissance. La loi d'anthropie, du chaos… est désormais obsolète. Ce n'est pas une fin, mais un nouveau départ. Dans ce monde en décroissance cosmique, l'être mute, se transforme et redéfinit ses contours. C'est la définition même de la protopie : ni utopique, ni dystopique, la société progresse graduellement grâce aux avancées technologiques qui améliorent le processus naturel d'évolution.
Michael a une grande théorie : "Le monde est arrivé au bout de son expansion. Désormais, l'univers rétrécit". L'univers tout entier est en décroissance, même sa maladie décroît, en arrivera-t-il à constater. Tout s'est inversé. Nous en avons fini avec la croissance. La loi d'anthropie, du chaos… est désormais obsolète. Ce n'est pas une fin, mais un nouveau départ. Dans ce monde en décroissance cosmique, l'être mute, se transforme et redéfinit ses contours. C'est la définition même de la protopie : ni utopique, ni dystopique, la société progresse graduellement grâce aux avancées technologiques qui améliorent le processus naturel d'évolution.
© Pascal Gely.
Michael Crawling a deux sœurs, Natasha et Betty. Natasha, 50 ans, chercheuse en génétique, passionnée de physique quantique, a créé un groupe de recherche pour guérir son frère. Grâce à ses travaux, une voix "intelligente" retransmet les pensées de Michael et permet au malade de communiquer avec le monde extérieur. Betty, la cadette, vit avec Natasha. Mal dans sa peau, elle ne supporte pas les injonctions que la société fait à son corps de femme et s'accroche à sa sœur comme à une bouée. Une chirurgie génitale viendra régler une partie de ses problèmes. Natasha, elle aussi célibataire, a une fille, Perle, premier enfant hybride de l'histoire de l'humanité, issu d'un croisement avec le Varan de Komodo.
Cette hybridation ayant quelques conséquences fâcheuses (une salive mortelle et une peau semblable à une cotte de mailles), Natasha lui a administré un traitement hormonal dès l'enfance, après qu'elle ait tué son chien en le mordant. Aujourd'hui adulte, Perle a décidé d'arrêter son traitement – source de conflit avec sa mère – et veut assumer pleinement ce qu'elle est, habiter le monde à sa façon : "J'suis pas anormale. En fait, y a pas d'anormalité. Tout n'est qu'affaire de classification, n'existe que ce qui est classable, n'existe que ce qui est nommable. Alors puisqu'il faut en passer par là pour exister, je vais me nommer moi-même pour que personne ne cherche à le faire à ma place…"
Ludovic Martin, un agent de chambre mortuaire fasciné par Natasha, lui, désire se transformer en papillon. "Je voudrais devenir un papillon. Je ne pense pas qu'être humain soit la meilleure option." Pour mener à bien sa transformation, il suit un traitement hormonal et se fait greffer l'un des plus beaux papillons du monde, un uranie de Madagascar. S'il faut vivre, autant que ce soit en beauté, même si ce n'est qu'un seul jour…
À ce microcosme en mutation viennent s'ajouter une "plasticienne", des personnages à têtes d'animaux, une sage-femme à tête d'oiseau, un passager d'avion à tête de chien…, ou un homme à tête de bœuf très content d'avoir trouvé une appellation à sa nouvelle constitution : "bomme" (bœuf-homme).
À la croisée du théâtre, du concert électro-pop, du conte philosophique et de la fable animale, ce spectacle est tout aussi inclassable que ses personnages. D'une inventivité folle, la poésie et l'humour y côtoient la complexité du réel. C'est visuellement très réussi. Dans un grand ensemble uniformément bleu, de petits espaces colorés surgissent, comme par magie, au fil du récit, révélant des petits mondes : une cuisine jaune citron, une baignoire assortie suspendue dans les airs, une chambre mortuaire, un intérieur d'avion, un wagon de métro, un vestiaire de piscine, un escalier à sous-pente… Les costumes, perruques et masques contribuent à cette beauté visuelle.
Cette hybridation ayant quelques conséquences fâcheuses (une salive mortelle et une peau semblable à une cotte de mailles), Natasha lui a administré un traitement hormonal dès l'enfance, après qu'elle ait tué son chien en le mordant. Aujourd'hui adulte, Perle a décidé d'arrêter son traitement – source de conflit avec sa mère – et veut assumer pleinement ce qu'elle est, habiter le monde à sa façon : "J'suis pas anormale. En fait, y a pas d'anormalité. Tout n'est qu'affaire de classification, n'existe que ce qui est classable, n'existe que ce qui est nommable. Alors puisqu'il faut en passer par là pour exister, je vais me nommer moi-même pour que personne ne cherche à le faire à ma place…"
Ludovic Martin, un agent de chambre mortuaire fasciné par Natasha, lui, désire se transformer en papillon. "Je voudrais devenir un papillon. Je ne pense pas qu'être humain soit la meilleure option." Pour mener à bien sa transformation, il suit un traitement hormonal et se fait greffer l'un des plus beaux papillons du monde, un uranie de Madagascar. S'il faut vivre, autant que ce soit en beauté, même si ce n'est qu'un seul jour…
À ce microcosme en mutation viennent s'ajouter une "plasticienne", des personnages à têtes d'animaux, une sage-femme à tête d'oiseau, un passager d'avion à tête de chien…, ou un homme à tête de bœuf très content d'avoir trouvé une appellation à sa nouvelle constitution : "bomme" (bœuf-homme).
À la croisée du théâtre, du concert électro-pop, du conte philosophique et de la fable animale, ce spectacle est tout aussi inclassable que ses personnages. D'une inventivité folle, la poésie et l'humour y côtoient la complexité du réel. C'est visuellement très réussi. Dans un grand ensemble uniformément bleu, de petits espaces colorés surgissent, comme par magie, au fil du récit, révélant des petits mondes : une cuisine jaune citron, une baignoire assortie suspendue dans les airs, une chambre mortuaire, un intérieur d'avion, un wagon de métro, un vestiaire de piscine, un escalier à sous-pente… Les costumes, perruques et masques contribuent à cette beauté visuelle.
© Pascal Gely.
La musique, interprétée en live par un claviériste, un guitariste/bassiste et un percussionniste, et les chansons font partie intégrante du spectacle. Saluons les compositions musicales de Jean-Christophe Dollé, Noé Dollé, Laurent Guillet et Georges Hubert avec, en point d'orgue, ce très beau moment choral sur la chanson pop "Happy Apocalypse", avec femme en bleu et personnages dansant à tête d'animaux, ou encore l'entêtant refrain "super men" (car, il est dit que "notre fragilité fera de nous des super héros").
Le texte, très bien écrit, est d'une grande intelligence, exigeant et engagé, avec situations cocasses, grands moments d'émotion et expressions savoureuses ("je m'en congèle les ovaires", bien plus rigolote que son pendant masculin). Le tout porté par une troupe talentueuse et merveilleusement au diapason.
"Le monde se dirige vers l'harmonie", s'exclame Michael en se levant de son fauteuil. "Nous ne faisons qu'un. Il faudra faire table rase de tous les systèmes, déclasser le monde. L'algorithme est une pensée morte et nous sommes vivants." Un monde peut-être pas parfait, mais vivant, et où l'art a indéniablement sa place !
◙ Isabelle Fauvel
Le texte, très bien écrit, est d'une grande intelligence, exigeant et engagé, avec situations cocasses, grands moments d'émotion et expressions savoureuses ("je m'en congèle les ovaires", bien plus rigolote que son pendant masculin). Le tout porté par une troupe talentueuse et merveilleusement au diapason.
"Le monde se dirige vers l'harmonie", s'exclame Michael en se levant de son fauteuil. "Nous ne faisons qu'un. Il faudra faire table rase de tous les systèmes, déclasser le monde. L'algorithme est une pensée morte et nous sommes vivants." Un monde peut-être pas parfait, mais vivant, et où l'art a indéniablement sa place !
◙ Isabelle Fauvel
© Pascal Gely.
Texte : Jean-Christophe Dollé.
Mise en scène : Clotilde Morgiève et Jean-Christophe Dollé.
Scénographie et costumes : Marie Hervé.
Avec : Jean-Christophe Dollé, Clotilde Morgiève, Sol Espeche, Yann de Monterno, Géraldine Roguez, Noé Dollé, Rodrigo Viana, Pierre Martin, Simon Demeslay et la voix de Solenn Denis.
Création lumières, création machinerie plateau, régie générale : Simon Demeslay.
Musiques : Jean-Christophe Dollé, Noé Dollé, Laurent Guillet et Georges Hubert.
Mise en son : Georges Hubert.
Chorégraphie : Aurélie Mouihade.
Masques : Olga Reis.
Durée : 1 h 40.
•Avignon Off 2025•
Du 5 au 24 juillet 2025.
Tous les jours à 22 h 35. Relâche le vendredi.
Le 11•Avignon, Salle 1, 11, boulevard Raspail, Avignon.
Réservations : 04 84 51 20 10.
contact@11avignon.com
>> 11avignon.com
Mise en scène : Clotilde Morgiève et Jean-Christophe Dollé.
Scénographie et costumes : Marie Hervé.
Avec : Jean-Christophe Dollé, Clotilde Morgiève, Sol Espeche, Yann de Monterno, Géraldine Roguez, Noé Dollé, Rodrigo Viana, Pierre Martin, Simon Demeslay et la voix de Solenn Denis.
Création lumières, création machinerie plateau, régie générale : Simon Demeslay.
Musiques : Jean-Christophe Dollé, Noé Dollé, Laurent Guillet et Georges Hubert.
Mise en son : Georges Hubert.
Chorégraphie : Aurélie Mouihade.
Masques : Olga Reis.
Durée : 1 h 40.
•Avignon Off 2025•
Du 5 au 24 juillet 2025.
Tous les jours à 22 h 35. Relâche le vendredi.
Le 11•Avignon, Salle 1, 11, boulevard Raspail, Avignon.
Réservations : 04 84 51 20 10.
contact@11avignon.com
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