Théâtre

"Novecento Pianiste" Les souvenirs, comme les feuilles mortes, se ramassent à la pelle

Comment démarrer cette chronique ? Par une citation ? "Un seul être vous manque et tout est dépeuplé", Lamartine. Oui ! Qu'en dirait Laurent Orry ?



© Marie Charbonnier.
Ah ! Oui. Laurent Orry, c'est l'acteur impeccable vêtu d'un vieux manteau usé et poussiéreux qui, pendant 1 h 15, déploie toute sa force, son énergie mais surtout sa palette d'émotions au service de ce délicieux texte écrit par Alessandro Baricco : "Novecento".

Il interprète Tim Tooney, trompettiste, qui pendant plusieurs années jouera aux côtés de son grand ami Novecento, pianiste génial et hallucinant dont les notes dépasseront même l'océan !

Novecento est donc le héros. C'est dans un carton à chaussures déposé sur le piano de la salle de bal d'un paquebot que Novecento commence sa vie, recueilli par un homme d'équipage… et c'est là que démarre l'histoire.

Et ! Quand Novencento rencontre Tim Tooney, comme une tempête en pleine mer, la secousse est grande, les oreilles agitées et le regard fixe pour ne rien manquer de ce spectacle de vague… à l'âme…

Si ! Car le cœur de Tim Tooney est lourd de peine quand il repense à son ami disparu qui jamais n'avait de son vécu touché la terre ferme. Novecento, sa vie, c'était le paquebot, la mer, les visages des voyageurs entre l'Europe et l'Amérique qui l'inspiraient et ont fait de lui un virtuose mais aussi un homme perdu au milieu de l'océan qui n'a jamais su d'où il venait, qui il était et, de la terre ferme, en a développé une vraie névrose.

© Marie Charbonnier.
Dans la peau de Tim, Laurent Orry est troublant, glaçant, épatant. D'ailleurs, il sort parfois de son costume pour endosser d'autres personnages parfaitement représentés et en cela réside une belle prouesse. Récréer l'atmosphère d'une salle de bal de première classe avec tous ces visages qui observent et se délectent à écouter cet orchestre, le temps d'une traversée.

Mal-être, mélancolie, mais joie aussi. Les souvenirs, comme les feuilles mortes, se ramassent à la pelle. Et ils sont beaux, ils sont chauds, comme les lumières qui vont et viennent sur le plateau. On ne quitte pas des yeux ce comédien à la performance incroyable tant il est habité, tant cette histoire le touche intrinsèquement et passionnément. Tant le monde peut parfois paraître effrayant… et que sur une scène, il est si bon de sentir vivant.

Comment terminer cette chronique ? Par une citation ?
"On perd tout quand on perd un ami fidèle", Pierre Corneille.

C'est aussi ce à quoi je pense après avoir assisté au seul en scène et à cette performance. Il n'y a rien que de plus revigorant, le temps d'un instant, que se remémorer les jours heureux auprès de ceux qui nous ont fait le plus grand bien.

"Novecento Pianiste"

© Marie Charbonnier.
Texte : Alessandro Baricco (aux éditions Folio Gallimard).
Traduction : Françoise Brun.
Mise en scène : Laurent Orry.
Interprétation : Laurent Orry.
Production : Compagnie Les Âmes Errantes.
Durée : 1 h 15.
À partir de 8 ans.

Du 4 mai au 26 juin 2022.
Du mercredi au samedi à 19 h, dimanche à 15 h 30.
Théâtre Le Lucernaire, Paris 6e, 01 45 44 57 34.
>> lucernaire.fr

Isabelle Lauriou
Vendredi 29 Avril 2022
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