Théâtre

"Monsieur de Pourceaugnac", un travail d'archéologie expérimentale ne sombrant pas dans la reconstitution académique

"Monsieur de Pourceaugnac", Théâtre de l'Épée de Bois, Paris

Sbriganti, brillant filou napolitain a, de son jeune maître Eraste, reçu mission de faire déguerpir un provincial nouvellement arrivé, un ridicule venu pour épouser la toute belle Julie, et qui contrarie sans le savoir les sentiments amoureux. Tous les recours sont mis en œuvre pour faire échec au projet de mariage de ce Pourceau… gnac.



© Joséphine Lointaine.
Farces, mensonges partent en rafales. Vrais médecins, fausses épouses, juges et policiers. Tout est bon, dans une succession de tableaux, pour faire basculer et éjecter le personnage central.

Créée à partir de trames italiennes, encadrée par la musique de Lully et entrecoupée d'intermèdes de danse, cette comédie de Molière a une telle tenue que le public ne peut que rire aux dépens du bonhomme.

La mise en scène de Raphaël de Angelis se montre attentive aux indications d'origine. En s'appuyant sur des passionnés de l'univers baroque et carnavalesque, elle met en valeur dans une forme épurée de tréteau la richesse des jeux.

Minutieux, les effets sont gradués et précis. La musique, la pantomime, la danse, les masques italiens et de carnaval présentent même un côté un peu ritualisé qui n'est pas sans évoquer quelques brins de No et de Kyogen discrètement injectés.

C'est un travail authentique d'archéologie expérimentale qui ne sombre pas dans une reconstitution académique. Mais qui propose une restitution en manière contemporaine. Sa progressivité atteint la justesse par la beauté.

© Ludovic Letot.
Dans leurs habits de concert classiques, les musiciens sont au service de morceaux de théâtre d'anthologie. Des "shake me five" en révérence grand siècle qui sont promises à un brillant avenir chez les adolescents d'aujourd'hui. Des paniers en osier de fausses épouses aux accents épouvantables d'où surgissent des marottes criardes et piaillardes : des polichinelles de cauchemar. La pièce culmine au final dans un jeu de trappes et une sarabande de carnaval.

Le spectateur a le bonheur de voir apparaitre des empaillés, un géant. Ils ne sont pas conçus comme anecdotes, comme pièces rapportées et convenues, mais bien comme continuation du récit. La farce amplifie ainsi son action sur les consciences et la perception des réalités.

Les personnages vivants ne sont bientôt plus que des marionnettes, manipulés par leurs propres actions. Jusqu'à un point de vertige. Ce pauvre monsieur de Pourceaugnac peut bien avoir disparu. Il en reste des traces. Connu comme le loup blanc. À jamais personnage de carnaval.

Dans ce monde sous le diagnostic-pronostic des plus alarmant de mélancolie hypocondriaque, le statut de victime de farce est pour le spectateur pure comédie.

"Monsieur de Pourceaugnac"

© DR.
Texte : Molière.
Musique : Lully.
Mise en scène
Raphaël De Angelis
Avec : Kim Biscaïno, Brice Cousin, Paula Dartigues, Raphaël de Angelis, Cécile Messineo, Nicolas Orlando en alternance avec Vladimir Barbera.
Chanteurs : Sophie Landy (soprano), Raphaël Brémard en alternance avec Guillaume Gutierrez (ténor), Lucas Bacro en alternance avec Romain Bockler (basse).
Musiciens (en alternance) : Stéphan Dudermel, Béatrice Linon, Ajay Ranganathan (violons),
Florence Bolton, Emily Audouin, Sylvia Abramowicz (viole de gambe), Benjamin Perrot, Romain Falik (théorbe), Jean-Miguel Aristizabal, Camille Delaforge (clavecin).
Scénographie : Raphaël de Angelis et Brice Cousin.
Régie générale et sonorisation : Emmanuel Clémenceau.
Mise en lumière et régie : Jean Broda.
Costumes : Lucile Charvet, Jessica Geraci, L'Atelier 360, avec l'aide de Cécile Messineo et Paula Dartigues.
Décor : Luc Rousseau et l'équipe des ateliers de construction de l'Agglomération Montargoise et Rives du Loing.
Extension du décor d'origine : Stéphane Liger, Les mécanos de la générale.
Accessoires : Stéphane Liger, Brice Cousin.
Masques : Alaric Chagnard, Den, Candice Moïse.
Marionnettes à gaine : Irene Vecchia et Selvaggia Filippini.
Marionnette géante : Yves Coumans et la compagnie Les Passeurs de Rêves.
Théâtre de l'Eventail - La Rêveuse.
Durée : 2 h.

Du 9 Juin au 2 Juillet 2017.
Vendredi et samedi à 20 h 30, samedi et dimanche à 16 h.
Théâtre de l'Épée de Bois, Salle en pierre, Cartoucherie, Paris, 01 48 08 39 74.
>> epeedebois.com

Jean Grapin
Mercredi 14 Juin 2017
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