Théâtre

"Mademoiselle Else"… dialogue intime à trois

"Mademoiselle Else", Le Lucernaire, Paris

Elles incarnent subtilement, joliment, à trois comédiennes un même personnage, mademoiselle Else, tiraillée par la révolte, la liberté et la tentation. Trois voix qui s’enlacent, bousculées par le dégoût et le désir, et unies devant un même dilemme.



© Alejandro Guerrero.
Elles sont trois femmes sur scène (Pauline Gardes en alternance avec Marion Servole, Sophie Bricaire, Pauline Vaubaillon) pour incarner une femme, Mademoiselle Else, éprise de tentation et de dégoût face à un dilemme. Que faire devant Mr Van Dorday qui lui prêtera de l’argent si elle se dénude pour sauver son père de l’endettement ?

"S’il me voit, que d’autres me voient aussi. Oui !… Quelle idée splendide ! Qu’ils me voient tous. Que tout le monde me voie". Simple ? Pas tout à fait !

C’est un voyage intérieur à laquelle nous sommes conviés, un voyage dans lequel rejet, révolte et tentation alternent à tour de rôle dans le cœur de la jeune femme. Et si elle se laissait porter à la révolte contre cette domination masculine ? Ou si elle se laissait aller à cette liberté pour aller à l’encontre de son éducation ?

© Alejandro Guerrero.
Faire incarner un personnage par différents comédiens permet de donner des couleurs différentes à celui-ci. Ici, ce n’est pas le cas, ce sont trois comédiennes dont l’apparence, les allures et les voix coïncident, comme trois parties d’un même personnage.

La mise en scène est simple, originale sans pour autant verser dans trois approches de jeu différentes, avec des comédiennes habillées de la même façon, une couleur de cheveux presque identique et une présence vocale de même acabit, claire et posée. Il y a une très belle synchronisation entre chacune d’elles. Les différentes voix se rapprochent quand certaines répliques sont dites dans un même souffle.

Et puis, il y a aussi l’espace d’un instant, une des comédiennes qui se détache de mademoiselle Else pour incarner un autre personnage, passant furtivement sur scène, pour instaurer un dialogue presque intérieur.

© Alejandro Guerrero.
C’est concis, clair, sans fioriture. La mise en scène réussit à faire de "Mademoiselle Else" une personnalité très intimiste où les tensions internes sont visibles et incarnées par le jeu des comédiennes. Se mettre nue sans passer pour une putain, en voilà une idée ! Et derrière cette interpellation qui bouscule sa façon d’être, s’opère ce mystérieux glissement vers un passage à l’acte, autant réel que symbolique.

Les voix sont multiples, presque dans la même sonorité, des voix qui s’enlacent pour faire corps face à une situation à la fois choquante et tentante pour mademoiselle Else. Le jeu est serein même si les tiraillements rôdent.

C’est beau, touchant et bien interprété.

"Mademoiselle Else"

© Alejandro Guerrero.
Texte : Arthur Schnitzler.
Traduction : Henri Christophe.
Mise en scène : Francine Walter, assistée de Agnès Hurstel et Alice Fabbri.
Avec : Sophie Bricaire, Pauline Vaubaillon et Pauline Gardes en alternance avec Marion Servole.
Décor : Ludovic Hallard.
Lumières : Denis Monmarché.
Costumes : Julien Toinet.
Durée : 1 h 30.

Du 26 juin au 22 septembre 2013.
Du mardi au samedi à 21 h 30, dimanche 22 septembre à 17 h.
Le Lucernaire, Paris 6e, 01 45 44 57 34.
>> lucernaire.fr

Safidine Alouache
Mardi 20 Aout 2013
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