Théâtre

Liliom... Télescopage de l'humour et de la violence pour une fable aux frontières du fantastique

"Liliom", Théâtre de l'Odéon, Ateliers Berthier, Paris

La mise en scène de Jean Bellorini, associant musique et chants, donne l'impression d'une unité presque religieuse à la pièce de Ferenc Molnár où la violence, dans une histoire mêlant réel et fantastique, en est l'ossature.



© Pascal Victor.
La scène laisse apparaître une aire de jeu où trois auto-tamponneuses sont situées. Côté jardin, une harpiste, un pianiste, un batteur et un trompettiste apportent la touche mélodieuse à la pièce en créant des "respirations" musicales et vocales. Côté cour, une caravane est disposée. Nous sommes dans les espaces de jeu, intérieur avec la caravane et extérieur avec l'aire des auto-tamponneuses, dans lesquels les relations - tout autant agressives, violentes que platoniques - se déploient de façon aussi symbolique, avec les espaces et les attractions foraines, que physique, avec la puissance vocale et littérale des répliques.

La pièce est narrée par un comédien, situé côté jardin, qui présente, avant qu'ils ne soient joués, les sept tableaux composant la pièce.

Les chants donnent une belle énergie. Autant les propos sont lancés avec force, autant les séquences chantées qui ponctuent les scènes, permettent de donner un ton d'unité, presque de solidarité, à une histoire où la confrontation est de mise. Ainsi les paroles, disséminées et éclatées, s'opposent aux chœurs unis.

© Pascal Victor.
Certaines reparties ne manquent pas d'humour. La pièce est articulée en répliques bordées de silence dans lesquelles la violence corsète les propos. La voix et le corps sont les aiguillons du jeu des comédiens. Cela hurle, s'agrippe. Le jeu intègre des "bruitages" dans le cadre d'imitations symbolisant des actions. Ces imitations donnent un aspect comique, inhabituel à la pièce contrebalançant la violence de l'histoire, une histoire dans laquelle Julie tombe amoureuse de Liliom, un bonimenteur de foire. Ils s'installent, ont un enfant mais Liliom, au chômage, commet un braquage. L'histoire distille subtilement du "fantastique" avec l'apparition de deux détectives de Dieu qui l'emmène devant un tribunal céleste pour avoir battu sa femme. Liliom revient seize ans plus tard, quittant son purgatoire une journée, pour retrouver sa fille...

Pour faire cohabiter les aspects réels et "fantastiques" de l'histoire, la mise en scène donne, avec la partition musicale et vocale, une touche quasi "religieuse" où la musique alliée à la sécheresse du "dire" nous emporte avec poésie dans une violence campée inexorablement dans les propos et les attitudes.

"Liliom (ou la vie et la mort d'un vaurien)"

© Pascal Victor.
Texte : Ferenc Molnár.
Traduction : Kristina Rády, Alexis Moati, Stratis Vouyoucas.
Mise en scène : Jean Bellorini.
Avec : Julien Bouanich, Amandine Calsat, Julien Cigana, Delphine Cottu, Jacques Hadjaje, Clara Mayer, Teddy Melis, Marc Plas, Lidwine de Royer Dupré, Hugo Sablic, Sébastien Trouvé, Damien Vigouroux.
Scénographie et lumière : Jean Bellorini.
Collaboration scénique : Luc Muscillo.
Costumes : Laurianne Scimemi.
Musique : Jean Bellorini, Lidwine de Royer Dupré, Hugo Sablic, Sébastien Trouvé.
Durée : 2 h.

Reprise du 28 mai au 28 juin 2015.
Du mardi au samedi à 20 h, dimanche à 15 h.
Théâtre de l'Odéon, Ateliers Berthier, Paris 17e, 01 44 85 40 40.
>> theatre-odeon.eu

Safidin Alouache
Mercredi 17 Juin 2015
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