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Les beaux yeux noirs de Natacha Kudritskaya pour Rameau

La pianiste ukrainienne vient d’enregistrer à la Fondation La Borie en Limousin une très belle version très personnelle de deux suites de Jean-Philippe Rameau. Une vraie bonne idée !



Natacha Kudritskaya © S. Bouisson.
Natacha Kudritskaya, française d’adoption depuis ses années de conservatoire à Paris, nous fait le cadeau d’un très bel enregistrement de deux suites - la Suite en ré majeur et la Suite en la de Jean-Philippe Rameau, dont on commémorera les 250 ans de la disparition en 2014. Un beau premier CD qui est le résultat des recherches de la musicienne, en résidence à l’Abbaye de Royaumont en 2011 - lieu comme on le sait emblématique pour le compositeur français, puisqu’il recèle le plus grand fond documentaire à son sujet. Rameau a en effet le vent en poupe depuis que Camille Saint-Saëns et Vincent d’Indy l’ont sorti des oubliettes de l’Histoire - et loué si fort par l’incontournable Claude Debussy comme le fondateur d’une esthétique purement française !

La jeune Natacha Kudritskaya, jolie petite brune iconoclaste au profil d’oiseau, a aussi une intéressante personnalité. Il faut l’entendre affirmer en interview sa soif de liberté d’une petite voix douce mais cependant ferme ! L’interprétation des deux suites de Rameau sur un piano Yamaha réinscrit l’œuvre - originellement écrite pour le clavecin - dans une modernité qu’elle possède très sûrement. Jouer "en liberté", s’exprimer sincèrement, oublier la doxa et les commentaires sur le jeu déjà existants, la fine Natacha en est convaincue : les suites le permettent. Proposer un nouveau jeu, comme on redécouvre un territoire infini, c’est son choix - d’autant plus qu’il y a très peu d’indications sur la partition. Une belle invitation pour faire l’école buissonnière…

Natacha Kudritskaya © S. Bouisson.
Avec sa coupe de cheveux en pétard - un peu rock, un peu elfe - la pianiste nous offre donc avec générosité son Rameau à elle, avec grâce, avec sérieux, avec aisance. La suite est une forme toute française, composée de danses (allemande, courante, sarabande, etc.) ; une structure traditionnelle qu’on retrouve dans la Suite en la, publiée en 1728 par le compositeur dijonnais dans son "Troisième livre des Pièces de clavecin". La Suite en ré majeur, quant à elle, est plus originale, puisqu‘elle est composée de pièces de genre, appelées aussi "pièces de caractère" aux titres charmants et aux atmosphères variées : citons "Les (mélancoliques) Tendres Plaintes", "La Joyeuse" animée, la légère et mutine "Follette", et aussi "L’entretien des Muses". J’adore ! Ces pièces - parues en 1724 dans le "Second livre" se verront retranscrites par Rameau dans ses opéras à venir, c’est dire leur potentiel dramaturgique.

Natacha Kudritskaya sait d’instinct apprivoiser ces œuvres virtuoses sur son piano. Celui-ci, avec ses cordes frappées (quand le clavecin est un instrument à cordes pincées) et ses deux octaves supplémentaires, permet à la jeune interprète de donner libre cours à sa verve et à ses états d’âme en variant les rythmes, les couleurs, les timbres. Tour à tour coquette, sérieuse, aérienne, toujours chantante, l’œuvre de Rameau prend un sacré coup de jeune ! À écouter au plus vite !

• Natacha Kudritskaya "Rameau".
Natacha Kudritskaya, piano.
CD sorti le 27 novembre 2012.
Collection 1001 Notes. Distribution : Abeille Musique.
>> festival1001notes.com

Programme :
Jean-Philippe Rameau (1683 – 1764).
Suite en ré majeur.
Suite en la.

Prochains concerts :
Le 23 février 2013 à 21 h au Triton, 01 49 72 83 13.
11 bis rue de Coq français, Les Lilas.
Le 20 mars 2013 à 19h0 à l’Hôtel de Soubise.
Musée des Archives nationales, 60 rue des Francs-Bourgeois, 75003.

Christine Ducq
Lundi 14 Janvier 2013
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