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Le Vent du Nord Ambassadeur francophone incomparable, leader du mouvement folk progressif québécois au Chant de Marin de Paimpol

Le Vent du Nord, l'un des groupes phares de la scène "Worldbeat" québécoise, après une tournée au Royaume-Uni, sera présent en France pour quelques dates festivalières, notamment les 8 et 9 août à Paimpol pour le festival du Chant de Marin. Leur passage en Angleterre fut l'occasion pour nous de provoquer une rencontre téléphonique sympathique et toute québécoise avec Nicolas Boulerice, auteur et compositeur, musicien et chanteur.



© B. Lieve.
Non seulement considéré comme un ambassadeur de la francophonie incomparable, Le Vent du Nord est considéré aujourd'hui comme l'un des groupes les plus influents dans le secteur toujours en mouvement du folk progressif. Depuis sa fondation en 2002, celui-ci a connu une ascension fulgurante qui, en plus d'une longue liste de prix prestigieux, lui a permis de s'imposer à l'échelle mondiale… Ce qui ne paraissait pas gagné pour une formation résolument francophone.

Les Français vont pouvoir apprécier, au cours des quatre festivals affichant leur présence, les spectacles de ces Québécois amoureux de la langue française, conteurs d'histoires et passionnés par leur culture, associant les différentes qualités d’interprète, d’arrangeur et de compositeur de ses membres, ainsi que leur très forte présence scénique, toujours empreinte d’une profonde générosité.

Gil Chauveau : Pour commencer, pouvez-vous me résumer ce qu'est Le Vent du Nord depuis votre création en 2002 ?

Nicolas Boulerice : C'est tout d'abord une question d'amitié qui est très stable et fiable depuis 2002, et cela, autour du patrimoine québécois. Le Québec est vraiment au cœur de notre démarche. Sans être un groupe politique, nous aimons parler de culture, de la fragilité de la langue de chez nous, de l'importance de la pratiquer. On peut dire que, dans le plaisir, dans le partage, il y a un geste "politique" commun.

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G. C. : À l'heure où de nombreux artistes québécois vont être présents en France, notamment à l'Interceltique de Lorient et au Chant de Marin de Paimpol, comment décriveriez-vous l'état de la musique au Québec, quel est votre sentiment sur son évolution et la renaissance de la musique traditionnelle québécoise ?

N. B. : Il est vrai que l'on parle beaucoup de ça chez nous aussi. Je ne vois pas ça réellement comme une renaissance, car j'ai l'impression que la musique traditionnelle est toujours là. Peut-être a-t-elle plus d'écho dans certains milieux. Assurément, elle est vivante.

Il y a une chose qui me fascine, pour nous qui prenons un peu d'âge, c'est que les jeunes sont de plus en plus nombreux dans ce style de musique. C'est simple, le Québec est un petit pays et nous nous connaissons donc tous dans les sphères artistiques, nous en connaissons tous les protagonistes… Eh bien, lorsque nous arrivons dans des sessions de musique à Montréal, à Québec ou ailleurs, maintenant, nous découvrons de nouveaux jeunes qui nous sont inconnus, qui jouent, chantent et giguent avec beaucoup de talent. Je trouve cela magnifique. C'est très vivant !

En plus de cela, il faut noter deux choses. La chanson au Québec est très active et il y a beaucoup de relève avec de nombreux talents. Je pourrais presque dire que le nombre d'artistes par rapport au nombre d'habitants est exceptionnellement important. Mais le deuxième point, c'est que l'américanisation reste néanmoins très présente. L'apparition de phrases en anglais dans les textes, notamment ceux de chansons populaires et dans leurs refrains. C'est un nouveau phénomène et je trouve cela étonnant. On a l'impression que les auteurs et autrices utilisent la langue anglaise, en espérant que cela leur ouvrira de nouvelles portes.

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Alors que nous autres, Vent du Nord, cela fait 23 ans que nous existons sans avoir jamais chanté en anglais… et nous faisons une carrière bien plus vivante, facile, chez les anglo-saxons (États-Unis, Angleterre, Écosse, etc.) que chez les francophones. Nous pensons que la langue n'est pas un frein à une carrière internationale à partir du moment où notre musique est vraie, sincère et "plaisante". Cela est d'autant plus exact dans le milieu des musiques traditionnelles ou "world music".

G. C. : La qualité de vos concerts est avérée, tant du point de vue de la mise en scène, qu'instrumental et vocal… Comment allez-vous vous présenter au public français ? Quel est le spectacle prévu pour cette mini-tournée française ?

N. B. : Nous sommes ici dans une espèce de spectacle hybride. Je m'explique. Premièrement, le concert que nous allons donner à Lorient, pour l'Interceltique, va être symphonique avec l'Orchestre National de Bretagne. Ce n'est pas notre show habituel. Il sera différent – en plus de jouer avec un orchestre de plus de quarante musiciens – du fait d'une forme plus rétrospective, c'est-à-dire qu'il y aura une sélection de titres de tous nos disques… Des morceaux de toutes les époques depuis notre création en 2002. C'est un spectacle que nous aimons beaucoup faire, car il rassemble nos coups de cœur.

Ensuite, le concert de Paimpol sera, lui, vraiment hybride. En effet, nous avons joué notre CD "20 Printemps" pendant deux ans et demi. Maintenant, nous venons de finir notre nouvel album ("Voisinage"), notre treizième, qui sortira en octobre 2025. Pour ce dernier, la mise en scène du spectacle dédié, réalisée par Michel Faubert (conteur et chanteur montréalais), n'est pas terminée. La seule chose que nous avons réellement "mise en place", c'est l'ordre des chansons. Nous commençons tout juste à le faire sur scène, c'est encore une découverte, scéniquement, pour nous… Et nous ne sommes pas encore, comme on dit, "dans nos pantoufles". Pour Paimpol, ce sera donc un peu un mélange hybride des deux… Mais avec un vrai plaisir et beaucoup d'enthousiasme.

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Enfin, pour Les Traversées de Tatihou à Saint-Vaast-la-Hougue, nous allons faire un show spécial qui est inspiré par notre opus "Les Voix du Vent avec cordes et piano" (2023) réalisé avec le Quatuor Trad et Philippe Prud'homme au piano. À Tahitou, le pianiste Philippe Prud’homme sera présent et ce sera l'Ensemble Magnetis, dirigé par le violoniste Sébastien Bouveyron, qui "apportera" les cordes.

G. C. : Sachant que vous portez beaucoup d'importance à la qualité des textes et à leur aspect narratif, avez-vous des sujets de prédilection, des thèmes qui vous tiennent particulièrement à cœur ?

N. B. : Il y a d'un côté des chansons qui arrivent par la tradition orale, qui ont des thématiques très vastes et variées. Des fois, je suis surpris de tomber sur un texte "hard" comme Marianne ("20 Printemps") qui parle d'adultère, d'infidélité. Mais ça reste traditionnel et je compose la musique en conséquence. Je fais également appel à mon carnet de voyage sur lequel je note les choses que j'ai envie de dire, qui m'importent. Ce sont des phrases, des mots, des idées, etc., souvent en lien avec l'histoire et la langue.

D'une manière générale, nous nous posons souvent la question des sujets à traiter. Nous n'aimons pas chanter n'importe quoi. Cela peut être léger ou profond, mais il y a toujours le souci de trouver des thèmes qui vont nous faire sourire, réfléchir ou émouvoir. Pour un texte comme "Amériquois", à caractère historique, qui racontent, avec le plus de tendresse possible, nos aventures communes, nos différences et nos blessures, le titre est arrivé par le biais d'un poème de Gilbert Langevin, poète québécois.

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Celui-ci inventait des mots, c'était un boulimique de ça. Il inventa donc le mot "Amériquois" pour désigner tous les francophones des Amériques. Nous autres, les francophones, nous avons perdu la guerre et le Québec est un pays, une autre culture, dans un pays anglophone qu'est le Canada. Il en est de même pour l'Acadie qui a perdu son territoire. Les Acadiens ont été dispersés en Louisiane, en Nouvelle-Écosse, au Nouveau-Brunswick, etc. Il n'y avait pas de mot pour nommer ces gens-là. Gilbert Langevin l'a fait. Soudain, il y avait un mot qui nous rassemblait tous… Acadiens, Louisianais, Québécois, franco-américains… Cela correspondait à ce que nous défendons, nous en avons fait une chanson.

G. C. : Enfin, pour finir, pouvez-vous nous dire ce que représente pour vous une tournée en France, plus particulièrement en Bretagne ?

N. B. : C'est toujours particulier d'être en France, d'être en Bretagne ou en Normandie… car nos familles viennent de là. La mère d'Olivier est née en Normandie. C'est très proche. Pour moi, c'est un peu plus ancien, mais mon nom est d'origine finistérienne. Boulerice vient de Bourhis et le premier arrivé au Québec, c'était Yann Bourhis, un Bretonnant. Je suis attaché à cette culture originelle.

Il faut comprendre que, lorsque nous venons ici, il y a quelque chose qui nous émeut tout particulièrement. Cela tient au fait que nous avons le sentiment d'être à la fois partie prenante et d'être aussi absolument exotique aux yeux des Français, des Bretons. Nous sommes des petits cousins qu'on est content de voir, mais qu'on ne comprend pas toujours. Notre proximité est unique au monde.

Quand nous sommes en Angleterre, on sait que nous n'avons pas la même langue, la même culture, mais on se reconnaît parce qu'on a été envahi par les Britanniques. On connaît leur façon de manger, leurs coutumes, etc. Mais nous savons que nous sommes différents. Quand nous arrivons en Bretagne, en France, on sait que nous sommes dans la même famille. C'est vrai que cette famille linguistique est un pays en soi, malgré des accents, des manières de vivre qui diffèrent. En fait, on se regarde comme des frères qui ont grandi loin les uns des autres, sans vraiment se connaître. Il existe des ponts naturels et d'autres à construire. Je trouve cela très beau. Il y a tellement en commun à partager, et j'aimerais avoir la chance de venir encore plus souvent.
◙ Propos recueillis par Gil Chauveau

© Noémie Martineau.
Le Vent du Nord est composé de :
Nicolas Boulerice : voix, piano, vielle à roue et clochettes ;
André Brunet : violon, pieds et voix ;
Réjean Brunet : basse, accordéon diatonique, piano, bombarde et voix ;
Olivier Demers : violon, pieds, mandoline, guitare, tom basse, grosse caisse et voix ;
André Gagné : voix, bouzouki et guitare.

Tournée en France
6 août 2025 : Festival Interceltique, Lorient (56).
8 et 9 août 2025 : Festival du Chant de Marin, Paimpol (22).
10 août 2025 : Les Traversées de Tatihou, Saint-Vaast-la-Hougue (50).
11 août 2025 : Festival Franco-Québécois "La Vache et Le Caribou", Verneuil-d'Avre-et-d'Iton (27).

● Le Vent du Nord "20 Printemps".
Label : La Compagnie du Nord.
Distribution : Musicaction.
Sortie : 2022.
Photo couverture CD : © Noémie Martineau.

paimpol-festival.bzh
leventdunord.com


Gil Chauveau
Vendredi 1 Aout 2025
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