Théâtre

Le Misanthrope version Sivadier... une féérie où Arsinoé est reine de la nuit

"Le Misanthrope", Théâtre de l'Odéon, Paris

L’homme éructe, vitupère, vocifère, l’homme en colère… Alceste a l'humeur méchante, Alceste souffre de sincérité. Débordé par sa propre outrance, ne sachant plus où donner de la tête, il reste parfois abattu sur une chaise, à cour, à contempler les effets de son caractère sur le public et ses congénères…



© Brigitte Enguérand.
Ses congénères justement sont les enfants des précieuses : babies precious. Ils sont post punk post modern, post "touskevouvoulé", ils extravaguent pauvres fashion victim et cherchent façon qui ne rime à rien. D’autant plus fragiles et pathétiques que leur extravagance impose exigence et médisance de tous les instants.

Alceste cherche solution à l'énigme de sa présence au monde.

À l’opposé des infatuations de tous genres. Sur la ligne de crête là où rudesse et rusticité seraient élégance et phrases justes et naturelles.

Alceste est sur la ligne de crête là où une rusticité de trop fait quitter l'urbanité et envoie au désert Should i stay or should i go ?

Alceste est misanthrope et amoureux.

© Brigitte Enguérand.
Avec Jean François Sivadier, qui met en scène "Le Misanthrope" de Molière avec Nicolas Bouchaud dans le rôle titre, le plateau technique a toujours raison et c’est pour le spectateur un enchantement que cette réalité qui ne craint pas de s’assumer pour mieux se sublimer. Le plateau fait exploser à la fois la farce et les personnages. Deus ex machina bien visible, il est un bateleur qui transforme tout en or et ses effets estomaquent. La pièce envoie tout le monde dans une féérie où Arsinoé est reine de la nuit.

Les comédiens dans une telle boîte magique sont à la fête, trouvent dans chaque inflexion du texte répons et amplification de l’espace. Le jeu est libre et expansif.

Les duos et les duels renvoient au rêve du meilleur du théâtre, du meilleur du cinéma, de celui capté dans la mémoire collective qui dans l’intensité réunit Arlequin à Colombine ou Charlie Chaplin à Virginia Cherrill.

L’énergie de Nicolas Bouchaud en Alceste est hénaurme, et ses compères et commères sont éblouissants.

La Célimène de Norah Krief est un double rééquilibré. Dans le miroir que son jeu tend à Alceste se lisent les liens sensibles (et visibles du seul public) qui fondent la complicité théâtrale.

Dans cette proposition scénique, Jean-François Sivadier donne en partage la tragédie du comique. Pris au piège de la lumière et du regard, l’homme ne peut que faire rire. C’est le mystère de Poquelin dit Molière.

Alors Jean-François Sivadier dans cette virtuosité se sert il de Molière ? Lui est-il fidèle ?
Peu importe ! Il n’est de bonne trahison qui soit fidélité. Il suffit d’entendre les rires dans la salle.

"Le Misanthrope"

© Brigitte Enguérand.
Texte : Molière.
Mise en scène : Jean-François Sivadier.
Assistante à la mise en scène : Véronique Timsit.
Scénographie : Daniel Jeanneteau, Christian Tirole, Jean-François Sivadier.
Collaboration artistique : Nicolas Bouchaud, Véronique Timsit.
Avec : Cyril Bothorel, Nicolas Bouchaud, Stephen Butel, Vincent Guédon, Anne-Lise Heimburger, Norah Krief, Christophe Ratandra, Christèle Tual.
Lumières : Philippe Berthomé, assisté de Jean-Jacques Beaudouin.
Costumes : Virginie Gervaise.
Perruques : Cécile Kretschmar.
Son : Ève-Anne Joalland.
Chant : Emmanuel Olivier.
Durée : 2 h 30 sans entracte.

Du 22 mai au 29 juin 2013.
Du mardi au samedi à 20 h, dimanche à 15 h.
Théâtre de l’Odéon, Paris 6e, 01 44 85 40 40.
>> theatre-odeon.eu

Jean Grapin
Mardi 4 Juin 2013
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