Théâtre

"Le Jour où je suis devenue chanteuse black" Une comédie musicale soul et autobiographique hautement réjouissante

Dans un spectacle drôle, émouvant et coloré, dédié à la mémoire de son grand-père afro-américain de Dallas, Claude Odell Dabbs (1920-2012), Caroline Devismes nous retrace sa propre histoire familiale, entièrement inspirée de faits réels, incroyables, mais vrais ! Épaulée à l'écriture par l'éclectique et inclassable Thomas Le Douarec (dont il faut souligner les déjà très nombreuses créations et interprétations, tous genres confondus), la comédienne convoque son secret familial autour du métissage dont la révélation, à ses huit ans, fut pour elle et sa mère un véritable séisme (sa mère croyant que le grand-père était décédé).



© Agence Clin d'œil.
Un courrier des États-Unis permettra à la fillette de le rencontrer avant son décès et, de là, jaillira un désir vertigineux d'une vie future romanesque, chapeautée de musique et de chansons soul.

Blonde aux yeux bleus et aux cheveux frisés, née à Boulogne-sur-Mer dans le Pas-de-Calais, Caroline Devismes pioche dans sa culture et les nouveaux gènes qu'on lui a attribués pour nous proposer une comédie musicale dans laquelle trois comédiens chanteurs musiciens – dont leur régisseur son et lumière – revisitent tous les moments standards de la musique afro-américaine.

Les amatrices et amateurs de théâtre connaissent forcément Caroline Devismes, ravissante chanteuse-comédienne-danseuse-musicienne, dernière meneuse de revue des Folies Bergères, et son comparse, Alex Anglio, qui illuminent avec brio et talent la scène parisienne depuis plusieurs années.

"Le Jour où je suis devenue chanteuse black" est un véritable OTNI (Objet Théâtral Non Identifié) oscillant entre humour musical, cabaret burlesque, drame autobiographique et comédie musicale, dont l'écriture, commencée il y a douze ans, foisonnait d'idées et de propositions en tous sens… Mais il a bien fallu mettre des limites et imposer un cadre face à la vie de Caroline Devismes, tellement foisonnante et inimaginable !

Ce nouveau spectacle, au Café de la Gare, dont c'est la deuxième version (la première ayant été montée en 2012 pour le Festival d'Avignon) explore, à bien y regarder, le besoin que chacun et chacune d'entre nous a certainement ancré en lui ou en elle : savoir quelles sont nos racines et, finalement, qui on voudrait être…

"Mais nous ne voulions pas traiter avec gravité ce thème de la quête d'identité, comme cela est très souvent le cas ! Nous avons opté bien davantage pour un théâtre burlesque, bardé d'humour autour notamment de certains passages de la vie de Caroline, emplis pour le moins d'émotions fortes. De plus, je crois beaucoup à cette formule magique qui dit que "la liberté naît des contraintes" et aussi à l'art de la rupture (qui fait passer le spectateur du rire aux larmes) et que ce dernier est une recette idéale pour un spectacle idéal", Thomas Le Douarec.

Le pari est largement gagné ! Le fabuleux destin de Caroline Devismes, mêlant histoire d'amour, paillettes, chansons de la Motown, musique soul, est remarquablement porté par le talent exceptionnel de la comédienne qui éblouit littéralement le public, lequel a bien du mal à tenir assis sur son fauteuil tant l'énergie sur scène est palpable et virevoltante…

© Agence Clin d'œil.
Les performances de la comédienne et des deux comédiens sont brillantes, comme des diamants bruts, ainsi que punchy et décoiffantes. Caroline Devismes chante à merveille – ses montées dans les aigus sont impressionnantes – et les chansons soul qu'elle interprète emportent l'âme du public sans commune mesure (en anglais "soul" ne signifie-t-il pas "musique de l'âme").

Les deux frères de composition du spectacle, Les Sparkling Twins, Medhi Bourayou et Alex Anglio, alias Peter et Stevie Sou – à la fois pianistes, batteurs, chanteurs, danseurs, confidents et amoureux – épaulent bien brillamment la comédienne et séduisent, eux aussi, le public par leur humour décalé et sincère via leurs attitudes ou leurs répliques.

Il est vraisemblable que le grand-père de Caroline Devismes, auquel ce spectacle rend hommage, aurait été très fier de découvrir sa petite-fille ainsi métamorphosée en Diva outre-atlantique.

Un moment incontournable de ce spectacle, savamment mis en scène et interprété, est celui où Caroline revisite ses années passées aux Folies Bergères, à travers lequel le message est loin d'être subliminal : être danseuse de revue n'est pas chose si simple qu'il y paraît ! Loin de là ! Le sourire imposé cache bien souvent de nombreuses contraintes. Mais il faut sourire coûte que coûte, perché sur des talons de 10 cm, avec les baleines des lourdes coiffes qui compriment le corps… À bien y regarder, "Le Jour où je suis devenue chanteuse black" est une création qui sonde surtout le domaine de la fatalité, du destin et des secrets de famille.

Qu'en aurait-il été si la comédienne n'avait pas appris, un jour, ses origines afro-américaines ou si Thomas Le Douarec n'avait pas croisé le chemin de Medhi et d'Alex ? À n'en point douter, c'eût été un manque notoire pour la vaste scène du spectacle et de la création !

"Le Jour où je suis devenue chanteuse black"

Mise en scène : Thomas Le Douarec.
Avec Caroline Devismes, Alex Anglio, Mehdi Bourayou et (en alternance) Stéphane Balny ou Odile Huleux ou Dominique Dorei.
Arrangements musicaux : Caroline Devismes, Mehdi Bourayou et Alex Anglio.
D'après les chansons de Diane Ross and The Supremes, Donna Summer, Gloria Gaynor, Shirley Bassey, Jackson Five, Marvin Gaye, Quincy Jones, Mickael Jackson, etc.
Bande son originale : Mehdi Bourayou, avec "Les Désaxés" et Alex Finkin.
Voix Off : Laurent Conoir et Pauline Le Douarec.
Compagnie Thomas Le Douarec et Protect Artistes Music.
Durée : 1 h 20.

Du 10 octobre 2023 au 3 janvier 2024.
Mardi et mercredi à 21 h 15. Relâche le mardi 28 novembre 2023.
Café de la Gare, Paris 4e, 01 42 78 52 51.
>> cdlg.org

Brigitte Corrigou
Lundi 13 Novembre 2023
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