Théâtre

"Le Collectionneur" : Un huis clos dominant dominée au rythme de thriller palpitant

"Le Collectionneur", Le Lucernaire, Paris

Dans "Le Collectionneur", Frédérick, petit employé fasciné, ravit Miranda, étudiante aux Beaux-arts. Et même si ce ravissement est un rapt en bonne et due forme, son intime conviction de héros est qu’en dépit des apparences, "Sa bien-aimée" tombera amoureuse de lui...



© Céline Ronté.
Il a décroché le gros lot, du moins le croit-il… Illusion de la fascination… Il la couvre de cadeaux, la photographie, lui montre sa collection d’insectes, la chosifie et n’obtient rien ou si peu...

Ses travaux d’approche seraient ridicules et touchants si la scène ne se déroulait pas dans une cave où Miranda est tenue recluse.

Comme de prime abord tout lui indique que c’est une comédie, le spectateur se dit qu’un bon usage du syndrome de Stockholm va faire basculer cette histoire un peu scabreuse dans un bain d’eau de rose. Il sourit volontiers.

La pièce "Le Collectionneur" est adaptée de "L'Obsédé", roman de John Fowles qui inaugura un nouveau style de thriller psychologique en 1963. Le jeu, dans une grande économie de moyens, repose sur les comédiens qui tiennent la gageure de tenir le spectateur en haleine. Des scènes intenses et courtes entrecoupées de noirs brefs comme autant de coups de flashs dans la nuit donnent nervosité et ambiguïté au propos.

© Céline Ronté.
Et par glissements successifs, le spectateur assiste à la montée en médiocrité du ravisseur et, de manière symétrique, de la vaillance de la persécutée. Dans l’inversion des rapports entre dominant dominé qui s’opère, la beauté de Miranda devient éclatante en dépit des efforts de son persécuteur pour la figer dans une esthétique cruelle et dévoyée.

Et lorsque le spectateur se dit que, dans cette cave, le héros à une case en moins et que le danger rôde, il est déjà trop tard.

La scène a basculé comme une scène de crime. Et si, dans une forme d’évitement de la brutalité, le spectacle ne vire jamais dans l’obscène et la violence, le spectateur découvre qu’il a vécu, en un rien de temps, au rythme d’un thriller palpitant.

"Le Collectionneur"

D’après "L'Obsédé", roman de John Fowles.
Adaptation et traduction : Thierry Jahn, assisté de Jérôme Ragon.
Mise en scène : Thierry Jahn et Céline Ronté.
Avec : Hélène Degy et Thierry Jahn.
Création lumière : Philippe Marcq.
Décor : Yohann Jumeaux.

Du 19 novembre 2014 au 1er février 2015.
Du mardi au samedi à 20 h, dimanche à 15 h.
25 décembre et 1er janvier à 15 h.
Théâtre Le Lucernaire, Paris 6e, 01 45 44 57 34.
>> lucernaire.fr

Jean Grapin
Vendredi 12 Décembre 2014
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