Humour

Laurent Gérard : quand un comédien se fait show man !

"Gérard, comme le prénom", reprise au Théâtre des Mathurins, Paris

[Reprise] De Guitry à Tardieu en passant par Boudard, Courteline, Jarry, Labiche, Musset ou Goldoni, Laurent Gérard use ses semelles depuis 1996 sur les planches, passant d’un personnage à l’autre avec une grâce aérienne. Quinze ans de théâtre et, un jour, l’envie d’écrire… Écrire, oui ! Mais un "seul en scène", et le jouer.



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Un comédien dans l’univers du One Man Show, cela pourrait paraître normal ou du moins une évidence. Pourtant, ce n’est pas chose si courante, si on considère le rapport comédien/personnalité (forte ?) dont l’équilibre n’est pas toujours parfait dans le monde des nouveaux talents du rire ! Et on peut aussi se poser les questions : Un comédien expérimenté peut-il devenir un bon comique "seul en scène" ? Le poids de textes classiques ou de mises en scènes théâtrales n’est-il pas un frein ?

Dès les premières minutes du spectacle de Laurent Gérard, on se rend compte que cela est possible, mais différemment, et que l’expérience offre ici un remarquable champ de possibilités. Pour commencer, Laurent Gérard fait une mise au point concernant Laurent Gerra (d’où le titre du spectacle) : Non, ce n’est pas lui et il a bien l’intention de se faire un nom… Cela reviendra comme un leitmotiv tout au long de la soirée avec une petite dose non désagréable d’autodérision. La confusion avec le susnommé n’est de toute façon guère possible, tant du point de vue de l’écriture (pas une once de vulgarité) et de l’humour (ici rien du potache boutonneux ou de l’ambiance fin de banquet).

Tout est ciselé avec finesse et le rire n’est jamais gras même si l’hilarité nous envahit souvent. Les premières secondes nous font entendre un phrasé structuré et fluide, une diction parfaite ; voir une gestuelle précise et élaborée, la précision du mime n’est pas loin. Les bases sont posées et on peut confortablement s’installer pour laisser nos zygomatiques entamer leurs exercices, Laurent Gérard ayant même prévu d’aller crescendo dans l’humour afin de laisser nos muscles faciaux effectuer leurs échauffements.

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Cela démarre avec le personnage (récurrent) du "beau gosse/bobo/bodybuildé" - associé ici au "j’assume mon côté féminin" - effectuant son entretien physique, accompagné de son coach. En finesse, Laurent Gérard navigue entre une préciosité élégante d’un "antiquaire homo tendance Village Suisse" et le "bellâtre gendre parfait". Ce premier personnage est l’exemple type de cette capacité qu’a Laurent Gérard à jouer d’une fausse fragilité alors que tout est parfaitement maîtrisé. Le sexe est abordé sans aucune vulgarité, la mécanique comique se déroule avec précision et la scène du "string" en est un des sommets…

Et les personnages (Yvonne, présentateur du JT, la tante suisse, le membre d'un groupe de parole, etc.) se suivent avec, pour fil conducteur, la raison d’être même du spectacle : Pourquoi étant comédien, je veux être un show man et, plus profondément, l’histoire de la crise identitaire d'un jeune homme dans un contexte familial et social ayant du mal à accepter les différences d’un homme "pas comme les autres" ! On touche évidemment à l'intime mais abordé avec intelligence, donnant ainsi une épaisseur particulière aux personnages... L'humour devient sensible et la gestuelle burlesque... Petit à petit, Laurent Gérard, au fil des "sketchs", empreinte, tel un funambule, la posture d'un Buster Keaton, mêlant par petites touches successives énergie et densité... Son étonnante aisance scénique, son écriture ciselée lui permettent de donner énormément de relief à chacun de ses personnages.

Mais, hormis toutes ses qualités scéniques et techniques, s’il faut garder deux points forts de Laurent Gérard, c’est son indéniable et sincère plaisir à imiter ses contemporains (comme un gosse imite les adultes) et sa propension à nous parler de nous, avec un sens de l’observation rare et une profonde sensibilité. Alors, si Avignon version "souk" ne vous tente pas et que vous êtes à Paris cet été, ne manquer de découvrir un artiste "seul en scène" qui est en train de se faire un nom… qui sonne comme un prénom : Gérard !

"Gérard, comme le prénom"

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Texte : Laurent Gérard.
Mise en scène : Christophe Luthringer.
Avec : Laurent Gérard.
Mise en lumière : Antonio de Carvalho.

Du 1er avril au 31 août 2011.
Du mercredi au samedi à 21 h 30.
La Comédie des Boulevards, Paris 2e, 01 42 36 85 24.
www.comediedesboulevards.com

Reprise à partir du 24 janvier 2012.
Du mardi au vendredi à 21 h, samedi à 16 h 30 et 21 h.
Théâtre des Mathurins, Paris 8e, 01 42 65 90 00.
>> theatredesmathurins.com

Gil Chauveau
Lundi 27 Juin 2011
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