Théâtre

"La mort d'Agrippine" Fascinant ! Un excès de réalisme des passions aveuglantes

"La mort d'Agrippine", Théâtre Dejazet, Paris

Avec "La mort d'Agrippine" de Savinien de Cyrano de Bergerac, auteur célèbre et méconnu, Daniel Mesguich fait de cette femme appartenant à la gente d'Agrippa et d'Auguste, prétendante au trône si ce dernier ne lui était interdit, une Warrior woman, une gladiatrice de manga.



© Chantal Depagne/Palazzon.
Agrippine et ses consœurs, elles aussi en quête du pouvoir, avec cnémides et maniques de fils d'or et de pourpre tissées, sont plongées dans une démesure théâtralisée. Absolument.

Ce qui pourrait de prime abord paraître anachronique… Mais le texte est puissant, la métrique rigoureuse, le contenu subversif. La proposition scénique appuie tous ces aspects avec une précision méticuleuse et donne autant de coups de poignards, de coups d'épées d'une pensée résolument moderne qu'il existe d'actes de paroles. Dans "La mort d'Agrippine", il est question de passions du Pouvoir, de la force de la Haine, de la propagation du Mensonge, de son pouvoir de destruction. Il est question de régicide, de liberté, de liberté de dire.

La pièce avance au rythme d'un combat. Chaque scène, chaque round devrait-on dire, donne le vertige, propage l'effroi. Tout sentiment, toute raison, sont détruits. "La mort d'Agrippine" est une tragédie à l'unité d'action de temps et de lieu implacable. Un complot ourdi vire au tour de manège infernal. Ne laissant comme goût et désir que celui de la haine.

© Chantal Depagne/Palazzon.
La richesse des costumes est celle d'un monde baroque, ou post romantique, ou néo barbare, qui appelle de la part des comédiens, de la part des corps et des gestes, une tension, une magnification continue.

Les comédiens ont le phrasé clair et ne trébuchent pas. La parole est actrice et le corps s'adapte, amplifie le propos. La posture est toujours dynamique.

Dans le parti-pris par la mise en scène, les serviteurs, plutôt que d'être des contrepoints, des respirations, sont proposés en miroirs, en amplificateurs des errances des maîtres. Véritables reflets, images dédoublées de leurs maîtres, ils entretiennent la confusion des passions. Les maîtres, pris dans les rets de leurs obsessions, sont animés de troubles compulsifs. Autant de leitmotivs qui montrent la nervosité qui les gagne, ils perdent tout repère, piégés dans le miroir de leurs pulsions comme saisis, glacés.

Le processus mis en œuvre est fascinant, laisse médusé au sens réel du terme. Il y a du Caravage dans cet excès de réalisme des passions aveuglantes.

"La mort (d)'Agrippine"

© Chantal Depagne/Palazzon.
Texte : Hercule Savinien de Cyrano de Bergerac.
Adaptation et mise en scène : Daniel Mesguich.
Assistant à la mise en scène : Diego Vanhoutte.
Avec : Sarah Mesguich, Sterenn Guirriec, Rebecca Stella, Joëlle Lüthi, Jordane Hess, Yann Richard.
Chorégraphie : Caroline Marcadé.
Costumes : Dominique Louis, Stéphane Laverne, Jean-Michel Angays.
Maquillage : Eva Bouillaut.
Régie : Charly Thicot.
Production Miroir et Métaphore - Cie Daniel Mesguich.
Durée : 1 h 40.

Du 13 mars au 20 avril 2019.
Du mardi au Samedi à 20 h 45.
Théâtre Dejazet, Paris 3e, 01 48 87 52 55.
>> dejazet.com

Jean Grapin
Mercredi 20 Mars 2019
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